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«Je n'aime pas beaucoup les araignées, mais de façon générale, j'aime les défis.»
«Je ne pense pas que les gens veulent une majorité libérale», a déclaré le chef bloquiste Yves-François Blanchet, vendredi, en Montérégie, après presque deux semaines de campagne électorale.
Devant des militants vendredi soir à Sainte-Catherine, il a assuré que sa formation allait empêcher quelque parti que ce soit de former un gouvernement majoritaire aux Communes.
Les sondages successifs suggèrent que le Parti libéral (PLC) de Mark Carney mènerait au pays, mais aussi au Québec. M. Blanchet a refusé depuis le début de commenter les enquêtes d'opinion, mais il a ainsi laissé entendre en mêlée de presse qu'il perçoit néanmoins l'humeur de l'opinion publique.
Il a opposé un démenti à ceux qui estiment que le vote bloquiste pourrait s'effriter, après avoir passé une journée de campagne à recevoir des encouragements.
«C'est quoi, ces niaiseries-là, les commentateurs» qui laisseraient entendre que le Bloc est en difficulté? a lancé le leader du Bloc québécois (BQ) dans un souper de militants à Sainte-Catherine.
«Je vois (ce qui se passe sur) le terrain, le fameux terrain, je parle à tout le monde et c'est le fun!» a-t-il assuré.
Pour exercer son rapport de forces, le Bloc vise à obtenir la balance du pouvoir dans un Parlement où le gouvernement serait minoritaire, comme en 2019 et en 2021.
«En 2025, le Bloc québécois va empêcher une majorité de n'importe qui!» a-t-il déclaré sous les acclamations de ses partisans, en invitant les médias à arrêter de «regarder le tableau indicateur» pour suivre plutôt «la game».
M. Blanchet a fait campagne toute la journée en Montérégie et dans le Suroît vendredi, un territoire qui pourrait être disputé le 28 avril.
Comme pour se conforter, il est notamment allé visiter des aînés réunis dans une salle à Sainte-Catherine pour un souper thématique «cabane à sucre», où il a été accueilli chaleureusement, avec son député sortant Alain Therrien.
Sondage après sondage, les personnes de 65 ans et plus forment un public assez réceptif au message du Bloc.
«Continue de faire la bonne job que tu fais», lui a notamment lancé un des 238 participants.
Des dames ne se gênaient pas pour faire la bise au chef bloquiste.
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«Allez défendre notre français», a lancé une des femmes, en ajoutant que «l'autre (le chef libéral Mark Carney) ne peut pas nous parler».
Le Bloc espère faire un gain dans Châteauguay-Les-Jardins-de-Napierville, où il était passé si près de l'emporter en 2021.
Patrick O'Hara avait été élu avec à peine 600 voix d'avance, mais le Parti libéral (PLC) avait demandé un recomptage et sa candidate l'avait alors finalement emporté par 12 voix.
«On est resté marqué par cette défaite en se disant: qu'est-ce qu'on aurait pu faire de plus?», a admis M. Blanchet, au cours d'une mêlée de presse dans une serre horticole à Saint-Michel.
Cette fois, M. O'Hara affronte notamment la candidate libérale Nathalie Provost, survivante de la tuerie de la Polytechnique, militante bien connue de la lutte contre les armes d'assaut au pays.
«Il faut qu'on l'aide», a lancé le député sortant Alain Therrien à des militants dans un restaurant vendredi soir.
En entretien avec La Presse Canadienne, M. O'Hara a confié que le porte-à-porte se passait bien et que la réception en général était meilleure qu'en 2021, puisqu'il est davantage connu.
«L'accueil est très bon, ça fait au-dessus de 1000 portes qu'on visite», a affirmé l'imposant gaillard en mêlée de presse.
Mais il a reconnu que «le Jello n'est pas tout à fait pris», en ce sens que beaucoup d'électeurs n'ont pas encore pris leur décision.
«Les gens sont insécures», a ajouté M. O'Hara.
Quant à savoir si le Bloc risque d'enregistrer des reculs en Montérégie, M. Blanchet a rappelé qu'aux deux élections précédentes, le Bloc avait terminé avec un score supérieur à celui des intentions de vote au début.
«Ça a enlevé deux majorités aux libéraux et je ne pense pas que les gens veulent une majorité libérale», a-t-il déclaré.
Tous les chefs faisaient campagne au Québec vendredi, mais M. Blanchet a souligné qu'il était le seul à faire campagne en permanence au Québec.
Plus tôt en journée, il avait laissé entendre qu'il n'a peur de rien.
Depuis le début de la campagne, il avait exprimé à plusieurs reprises des inquiétudes et des craintes sur la direction que prenait ce marathon électoral, monopolisé par la guerre commerciale avec les États-Unis - ce qui pourrait donner un avantage au gouvernement libéral sortant qui doit prendre des décisions en pleine campagne.
Mais de quoi M. Blanchet a-t-il le plus peur dans cette campagne?
«Vous m'appellerez quand vous trouverez quelque chose qui me fait peur, ça ne s'est pas encore produit», a-t-il répondu vendredi matin en conférence de presse à Vaudreuil-Dorion, sur le bord du fleuve.
«Je n'aime pas beaucoup les araignées, mais de façon générale, j'aime les défis», a-t-il affirmé, en ajoutant que la campagne a connu un nouveau départ avec l'émission «Cinq chefs, une élection», diffusée jeudi soir à Radio-Canada.
Le midi, M. Blanchet est allé dans un casse-croûte de restauration rapide bien connu de Mercier rencontrer quelques militants avec ses candidats. L'endroit était rempli de clients venus manger une poutine ou des hot-dogs, mais le chef n'a pas fait le tour de toutes les tables pour serrer des mains.
À Châteauguay, un entrepreneur visité par le chef bloquiste a réclamé une exemption dans les mesures de représailles canadiennes pour les produits qu'il fabrique.
Joseph Cortelino, d'Acier Métaux-Spec, importe des poutres d'acier d'Europe, mais aussi un peu des États-Unis, pour «dépanner» avec des commandes rapides, afin de les transformer en fonction des spécifications des bâtiments de ses clients.
Or, le Canada a mis en place des mesures de rétorsion contre l'acier américain après les droits de douane décrétés par Washington sur l'acier canadien.
Le climat d'affaires actuel fait déjà mal à son entreprise, qui transforme environ 80 à 100 tonnes d'acier par semaine: les fournisseurs européens, sachant que le prix de l'acier a monté en Amérique, ont augmenté leurs prix de 30 %.
«Ça devient difficile», a admis M. Cortelino.
M. Blanchet a déploré que les formulaires du fédéral pour demander ce type d'exemption ne soient pas encore accessibles et réclame des exemptions de ce genre pour les entreprises québécoises.
M. Cortelino a même invité le chef bloquiste à inciter ses employés à voter pour le Bloc.
Dans le contexte de négociations qui s'annoncent ardues avec les États-Unis, le Bloc a réclamé vendredi que les Communes et le Québec puissent se prononcer sur les textes préliminaires des accords commerciaux du Canada avant leur signature.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet s'est ainsi engagé à déposer un projet de loi pour que le Parlement puisse voter sur les projets d'accord avant qu'ils soient entérinés par le gouvernement.
En vertu du processus actuel, «le Parlement est mis devant le fait accompli qui peut ne pas servir les intérêts du Québec», une fois que le gouvernement a négocié le texte avec son partenaire, a déploré le chef du Bloc.
M. Blanchet estime même qu'il aura l'appui d'autres partis pour cette proposition.
«Si Mark Carney et Pierre Poilievre refusent ça, cela voudrait dire qu'ils refusent que les provinces aient un mot à dire dans les négociations et que le Parlement puisse avaliser le traité, pour le régler plutôt derrière des portes closes.»
M. Blanchet prend cet engagement alors que la renégociation de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique avec le président Donald Trump s'annonce difficile, dans la guerre commerciale en cours où s'enchaînent les droits de douane et les représailles.
Le Bloc craint que des enjeux essentiels pour le Québec, tels que la gestion de l'offre, la langue et la culture soient bradés par le fédéral pour en arriver à un accord avec les Américains.
«Le président américain a été explicite, il cible la gestion de l'offre, le principe même, il cible la culture québécoise, des mesures qui sortent du spectre commercial», a dénoncé M. Blanchet.
Actuellement, le processus de conclusion des traités comporte cinq étapes, et les trois premières sont franchies sans même que le Parlement ne participe: d'abord l'adoption du mandat par le conseil des ministres, puis les négociations entre les deux parties, puis la signature qui met fin aux négociations. Alors, le texte ne peut plus être modifié.
L'autre étape, la mise en œuvre, consiste à adopter des lois et règlements pour se conformer à l'entente et c'est là que les Communes interviennent.
Mais il est alors déjà trop tard pour modifier le libellé de l'entente, déplore le Bloc, qui souhaite donc que la Chambre intervienne en amont, sur une ébauche, juste avant qu'elle ne soit finale.
La dernière étape est la ratification, lorsque les États affirment qu'ils ont fait les ajustements nécessaires dans leurs législations pour se conformer à l'entente signée.