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Politique

Mark Carney veut que le Canada devienne un «superpouvoir énergétique»

«Cela pourrait être le meilleur résultat électoral pour les libéraux fédéraux depuis 100 ans.»

Le chef libéral Mark Carney fait une annonce à Calgary, en Alberta, le mercredi 9 avril 2025.
Le chef libéral Mark Carney fait une annonce à Calgary, en Alberta, le mercredi 9 avril 2025.
Michel Saba
Michel Saba / La Presse canadienne

De passage en Alberta, une province riche en pétrole et en gaz et qui en tire une grande fierté, le chef libéral Mark Carney a expliqué vouloir faire du Canada «une superpuissance énergétique». 

«Comme pays, nous avons été trop prudents en nous appuyant trop sur les États-Unis. Il est temps de réaliser tout le potentiel du Canada», a-t-il déclaré lors d'un point de presse à Calgary, mercredi, à mi-chemin dans la campagne électorale.

M. Carney a déclaré vouloir favoriser le développement de l'énergie solaire, éolienne, nucléaire, de la géothermie, de l'hydrogène et des biocarburants, mais également construire davantage de projets d'énergie «conventionnelle», un secteur dont il est «impératif» d'assurer la compétitivité «pendant des décennies».

Un prochain gouvernement Carney travaillerait à réduire progressivement les émissions de l'industrie pétrolière et gazière. L'accent serait mis sur la construction de projets de captage et de stockage du carbone.

M. Carney, qui a longtemps milité pour la lutte contre les changements climatiques, se targue désormais chaque jour d'être «un pragmatiste». Il s'est fait demander si cela signifie de reculer sur ses valeurs.

«Ça ne l'est pas», s'est-il défendu, en affirmant que le monde opère une transition vers une économie plus faible en carbone, mais qu'en même temps il veut voir le Canada «dominer» le marché de l'énergie conventionnelle, ce qui nécessite de diminuer la pollution causée dans les secteurs de la production et du transport.

Et pourquoi les Albertains devraient-ils croire ses promesses? D'abord, parce qu'il compte mettre l'accent sur les résultats, croit-il. «Il y a des politiques très spécifiques dans notre plateforme, très spécifiques en ce qui concerne les crédits d'impôt, les changements dans les processus d'approbation des projets, a-t-il dit. Et, point final, je suis un Albertain.»

Le chef libéral a également modifié sa promesse faite il y a près de trois semaines de reconnaître les évaluations environnementales des provinces. En fait, il ne reconnaîtrait que celles des provinces qui ont conclu une entente avec le gouvernement fédéral.

🍁 Élections fédérales 2025

En point de presse dans sa circonscription de Beloeil-Chambly, en Montérégie, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a reproché à M. Carney de faire de l'«improvisation» en tentant désormais d'imposer «un cadre de temps, (...) d'objectifs» à ces évaluations alors que «ça peut arriver à la conclusion que tel projet, on ne le veut pas».

«Ce n'est pas un hasard si c'est dans l'Ouest que ça passe. C'est "Drill baby drill", a envoyé M. Blanchet. C'est contraire aux intérêts de la planète. C'est contraire aux intérêts du Québec. Je ne suis pas sûr que ça soit dans les intérêts du Canada.»

Un vent favorable aux libéraux

M. Carney avait posé la veille ses valises en Alberta, où des projections annoncent que son parti a le potentiel de renouer avec ses plus beaux jours.

«Cela pourrait être le meilleur résultat électoral pour les libéraux fédéraux depuis 100 ans», résume le politologue Duane Bratt de l'Université Mount Royal, à Calgary.

En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Bratt a expliqué que, comme ailleurs au pays, le vent favorable aux libéraux est grandement attribuable aux assauts tarifaires du président américain Donald Trump.

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Quoi qu'il advienne, l'Alberta restera une province largement peinte en bleue au terme des élections, mais, depuis que Mark Carney a pris la direction des libéraux il y a un mois, son parti a progressé d'une dizaine de points dans les intentions de vote, principalement aux dépens des néo-démocrates.

À la dissolution de la Chambre, les libéraux détenaient deux sièges en Alberta. Or, le site de projections électorales Canada338 estime qu'ils pourraient raisonnablement en rafler cinq, voire jusqu'à 11 si la chance leur sourit.

Au cours des 100 dernières années, les libéraux n'ont fait élire sept députés dans la province qu'en 1940, sous la gouverne de William Lyon Mackenzie King. Leur second meilleur score était de cinq élus en 1949.

Mardi soir, ils étaient facilement un millier à être venus entendre le chef libéral dans une salle de Calgary, la plus grande ville de la province. Et le moins qu'on puisse dire est que la foule était survoltée. Et c'est sans compter les centaines de personnes qui n'ont pu entrer.

Avant de faire son entrée, M. Carney est présenté par son épouse. Elle raconte leur première rencontre. C'était au Royaume-Uni. M. Carney lui aurait annoncé qu'il comptait revenir au Canada et travailler dans la fonction publique. 

Un homme dont les convictions et l'amour de son pays sont «hors du commun», mais qui doit peut-être travailler son côté romantique, se serait-elle dit. L'auditoire rit de bon cœur. Visiblement, le charme opère.

En montant sur scène au centre de la pièce, M. Carney peine à en croire ses yeux. «Je croyais être à Calgary. C'est incroyable», lance-t-il.

Dans son discours, l'ancien gouverneur des banques centrales du Canada et d'Angleterre revient régulièrement sur son thème de prédilection: la réponse canadienne aux droits de douane. «Qui est prêt à se battre pour le Canada?» demande-t-il à la salle qui lui répond en hurlant.

Celui qui en est à ses premiers pas en politique expliquera que le Canada lui a «tout donné: ma famille, mon éducation, mes valeurs» et qu'il veut rendre la pareille.

«Merci Trump»

En quittant la pièce, le chef libéral se fait présenter un chapeau de cowboy qu'il met sur sa tête avec joie.

Non loin, Heather Clark, qui est devenue membre du Parti libéral du Canada il y a une semaine, est aux anges. «Mon cœur chante», témoigne-t-elle.

«Le tiers de ma pension a disparu dans les derniers jours, mais être ici me donne de l'espoir. (...) C'est tellement ironique, mais merci Trump», dit-elle en expliquant que le président américain a galvanisé les Canadiens.

Une autre militante, Natasha Wolf, prend un égoportrait devant le podium. «Avez-vous vu la file à l'extérieur? Et ça, c'est l'Alberta», lance-t-elle tout sourire.

Elle explique croire que le Canada a besoin «d'un leadership fort» dans le contexte actuel et que Mark Carney est l'homme de la situation.

Dehors, une femme tient justement une affiche sur laquelle elle a écrit au feutre «Lead us Big Daddy» (Guide-nous "Big Daddy"), une référence à ce que s'est fait crier le chef libéral dans les derniers jours lors d'un rassemblement.

L'un des deux députés libéraux de l'Alberta, George Chahal, lui, se sent soudainement moins seul. «La marque libérale est forte», se réjouit-il dans une mêlée de presse.

Le chef libéral, qui a entamé sa tournée dans l'Ouest dimanche en Colombie-Britannique, doit faire un saut de puce dans un rassemblement en soirée à Saskatoon, en Saskatchewan, avant de reprendre l'avion vers Toronto.

— Avec des informations de Vicky Fragasso-Marquis et Dylan Robertson

Michel Saba
Michel Saba / La Presse canadienne