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Société

Langues officielles: l'anglais reçoit un coup de pouce au Québec

Environ «20 %» du 1,4 milliard $ sur cinq ans qu'Ottawa ajoute pour son Plan d'action sur les langues officielles viendra appuyer l'anglais au Québec, a indiqué le gouvernement fédéral le jour où débute le débat en troisième lecture du projet de loi C-13.

Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles,
Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles,
Michel Saba
Michel Saba / La Presse canadienne

Environ «20 %» du 1,4 milliard $ sur cinq ans qu'Ottawa ajoute pour son Plan d'action sur les langues officielles viendra appuyer l'anglais au Québec, a indiqué le gouvernement fédéral le jour même où débute le débat en troisième lecture du projet de loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles.

Ottawa ignore pour le moment combien d’argent ira spécifiquement aux anglophones du Québec. La proportion de 20 % est donc «une approximation» de ce qui représente historiquement la distribution de la communauté anglophone, a expliqué une haute fonctionnaire du ministère du Patrimoine canadien qui a parlé sous le couvert de l’anonymat lors d’une séance d’information technique.

De cette somme, 137,5 millions $ sur cinq ans viendront appuyer des initiatives qui visent spécifiquement la communauté anglophone du Québec, a-t-on expliqué. D’autres initiatives recevront des fonds en fonction des demandes qui seront reçues.

Le gouvernement fédéral dit aussi prévoir des sommes pour soutenir le français au Québec, mais il a été impossible d'obtenir une réponse claire sur le montant.

«Je pense que si qu'on voit que la francophonie rayonne (dans le reste) du Canada, que la francophonie va rayonner au Québec aussi», a répondu la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.

Alors que le gouvernement Trudeau se targue d'être le premier à reconnaître que le français est menacé au Québec, la ministre s'est défendue de parler des deux côtés de la bouche puisque le plan d'action appuie l'anglais dans la province comme ça a toujours été le cas.

«Tout à fait le contraire, a-t-elle lancé aux journalistes. Nous voulons toujours être là pour appuyer nos communautés de langues officielles en situation minoritaire.»

Or, même le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, peinait à dire si d'aider par centaines de millions de dollars l'anglais au Québec va nuire au français dans la province.

«C'est une question qui est extrêmement difficile à répondre. (...) C'est une question qui reste à vérifier sur le terrain», a-t-il simplement affirmé en mêlée de presse.

M. Théberge a cependant noté que «ça fait partie du projet canadien de supporter nos deux communautés de langues officielles en situation minoritaire».

Au total, ce seront 4,1 milliards $ qui seront dédiés au plan puisque le 1,4 milliard $ supplémentaire s'ajoute à la «base historique de financement» de 2,7 milliards $ consacrée aux langues officielles, qui elle est «de façon continue et permanente».

Désaccord entre Québec et le Bloc

Le ministre québécois de la Langue française, Jean-François Roberge, s’est désolé de n’avoir «pas vu» dans le plan des mesures «en concordance» avec les déclarations du premier ministre Justin Trudeau et de la ministre Petitpas Taylor voulant que le français est menacé au Québec.

«Je veux bien moi que les communautés anglophones du Québec aient les moyens de se développer, de se déployer, a-t-il dit. Mais qu’en est-il pour les organismes communautaires, les organisations qui défendent le fait français au Québec? Ça prend une asymétrie.»

M. Roberge, qui est également porte-parole en matière de francophonie canadienne, a cependant estimé que le plan est «définitivement positif» pour les francophones hors Québec. Il a noté l’absence d’une cible en matière d’immigration francophone, bien que les «intentions» soient positives.

Appelé à commenter, le chef du Bloc québécois n’était visiblement pas au même diapason que le ministre Roberge. Selon Yves-François Blanchet, Ottawa ne devrait rien dépenser pour protéger les anglophones du Québec puisqu’ils ne sont pas menacés. De même, il ne devrait pas y avoir des fonds pour intervenir dans le régime linguistique au Québec en soutenant le français puisque «ce serait mettre le doigt dans l’engrenage».

«Je ne suis pas lié à ce que sont les positions du ministre Roberge de quelque façon que ce soit», a-t-il dit en mêlée de presse.

Tout en confirmant que le Bloc votera en faveur de C-13, le chef bloquiste a dit avoir «des doutes énormes» sur ce que permettra d’accomplir le compromis entre les ministres Roberge et Petitpas Taylor sur la protection du français.

«Le fardeau de la preuve sera sur eux ces deux gouvernements-là, a-t-il envoyé. Je laisse M. Roberge à son optimisme. S’il veut être optimiste, ça lui appartient.»

Immigration francophone

Dans un discours annonçant le plan d’action, le premier ministre Justin Trudeau a expliqué que l’anglais prend de plus en plus de place dans le monde en raison des réseaux sociaux et des nouvelles technologies.

«On le sait: le français est minoritaire en Amérique du Nord et ça rend sa situation fragile, a-t-il déclaré. Alors, en tant que gouvernement, c’est notre responsabilité de continuer à protéger nos langues officielles en situation minoritaire.»

Le plan d’Ottawa vise à soutenir 32 mesures autour de quatre «axes d’intervention», soit l’immigration francophone, l’apprentissage des langues officielles, le développement des communautés et la mise en œuvre de mesures par les institutions fédérales.

Au chapitre de l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, probablement l’enjeu le plus observé par les communautés en situation minoritaire dans le reste du pays, M. Trudeau s’est félicité qu’Ottawa ait atteint sa cible.

Le commissaire Théberge a toutefois rapidement souligné que «ce n'est pas suffisant» pour renverser l'écart démographique entre francophones et anglophones. Selon lui, Ottawa doit élaborer «le plus rapidement possible» une politique d'immigration francophone et se doter d'une cible «beaucoup plus ambitieuse».

Les communautés minoritaires ravies

Il s'agit de sommes «historiques», s'est réjouie Liane Roy, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).

«Moi, je sens que la relance vient d'être amorcée», a résumé Mme Roy. Elle a également souligné que les quatre axes sont presque calqués sur les leurs et que, comme demandé, un accent est mis sur la reddition de comptes pour s'assurer que les objectifs soient atteints.

La FCFA réclame à présent que le gouvernement augmente considérablement sa cible d'immigrants de langue française hors Québec pour la faire passer à 12 % puis jusqu'à 20 % en 2036. Cette «cible réparatrice» vise à augmenter le poids démographique des francophones et diminuer le déclin du français.

En réponse à des questions de la presse parlementaire, Mme Roy a indiqué qu'elle est disposée à accepter une cible de 8 % puisque c'est ce qui permettrait de maintenir le poids démographie actuel.

C'était aussi la joie du côté du groupe militant anglophone Quebec Community Groups Network (QCGN). «Nous sommes fermement convaincus (...) que le gouvernement du Canada doit continuer à jouer son rôle de leader dans (...) la protection des communautés d'expression anglaise du Québec», écrivent-ils dans un communiqué.

Des fonds ne sont pas alloués pour le projet de loi C-13 dans le plan d'action puisque le document législatif n'a pas encore été adopté, mais le gouvernement assure qu'il fera des demandes budgétaires dès que ce sera le cas et qu'il aura reçu la sanction royale. L'énoncé économique de l'automne dernier prévoit cependant 16 millions $ pour débuter la mise en œuvre.

Michel Saba
Michel Saba / La Presse canadienne