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Si la politique étrangère était purement une question de géographie, on pourrait supposer que le Canada serait libre d’aller jeter un coup d’œil au buffet du Sommet des Amériques de cette semaine une fois que la discussion se tournera, comme ce sera sûrement le cas, vers la marée migratoire inondant la frontière américano-mexicaine.
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Mais à l’aube d’une nouvelle ère géopolitique turbulente, les preuves indiquent que la frontière sud des États-Unis ― ainsi que les défis et occasions politiques et économiques qu’elle représente ― est plus proche, à bien des égards, que les Canadiens ne le croient. Mais à l’aube d’une nouvelle ère géopolitique turbulente, les preuves indiquent que la frontière sud des États-Unis ― ainsi que les défis et occasions politiques et économiques qu’elle représente ― est plus proche, à bien des égards, que les Canadiens ne le croient.
Et si le président américain Joe Biden espère réaliser sa vision d’une solution globale et holistique aux maux économiques et sociaux qui mettent en péril l’hémisphère occidental, il aura besoin que le Canada fasse partie intégrante de cette conversation, selon des experts.
«Le Canada a beaucoup à apporter, car le Canada est le pays des Amériques qui s’est le plus rapproché du succès en matière d’immigration, a déclaré Andrew Selee, président du Migration Policy Institute, un groupe de réflexion non partisan établi à Washington. Il y a beaucoup de choses que le reste des Amériques, y compris les États-Unis, pourraient apprendre du Canada.»
L’idée derrière le sommet de Los Angeles, auquel le premier ministre Justin Trudeau participera à partir de mercredi, est de trouver un moyen de s’attaquer en premier lieu à certaines des causes politiques, économiques et sociales sous-jacentes de cette migration vers le nord.
Tout le monde ne sera pas à Los Angeles, toutefois: la Maison-Blanche a exclu le Venezuela, le Nicaragua et Cuba de la liste des invités, en raison de leurs antécédents douteux en matière de droits de la personne et de leur mépris des valeurs démocratiques. En guise de protestation, le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, a indiqué qu’il bouderait ce sommet.
M. Trudeau a n’a pas voulu commenter la décision de Washington, mais il a admis que «par rapport au Venezuela, ça fait longtemps que le Canada condamne le régime illégitime de Nicolas Maduro, pour son abus des droits humains et des principes démocratiques, mais aussi pour cette crise de migration extrêmement difficile qui frappe très très fort en Amérique du Sud».
Pour ce qui est de Cuba, «on a toujours été là pour se tenir droit et fort pour défendre les droits humains, pour pousser pour plus de démocratie, mais on reconnaît que le Canada a toujours eu une approche différente sur Cuba que les États-Unis».
En route vers la Californie, M. Trudeau s’arrêtera mardi à Colorado Springs, dans l’État du Colorado voisin, où il rencontrera, avec la ministre de la Défense, Anita Anand, des commandants et des responsables militaires du Norad, le système continental conjoint de défense aérospatiale, qui aurait besoin depuis longtemps d’une modernisation.
En Californie, le premier ministre sera accompagné du ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, et de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, qui doivent rencontrer le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et leur homologue mexicain, Marcelo Ebrard.
En tant que pierre angulaire de la croissance économique du Canada, la politique fédérale en matière d’immigration établit un équilibre délicat entre les priorités économiques, humanitaires et celles liées à la politique du travail, tout en préservant l’adhésion du public pour tenir à distance les dangers politiques toujours présents, a expliqué M. Selee.
Ces périls, utilisés avec grand effet par Donald Trump, pèsent maintenant plus que jamais en Amérique du Nord, où la rhétorique isolationniste de l’ancien président s’est avérée si puissante qu’elle est devenue la doctrine républicaine standard.
Et tandis que les défis migratoires à la frontière sud du Canada sont minimes par rapport à ceux auxquels sont confrontés les États-Unis le long de la vallée du Rio Grande, ils existent néanmoins ― et ils sont liés.
Malgré les plus de 2300 kilomètres séparant le Canada de la frontière nord du Mexique, des douaniers américains d’États du nord, comme le Maine, ont croisé ces derniers mois des dizaines de personnes entrées aux États-Unis par le sud.
Il est probable que plusieurs se dirigeaient vers des endroits comme le chemin Roxham, au Québec, une destination populaire pour ceux qui cherchent à faire une demande d’asile au Canada sans être renvoyés aux États-Unis -- ce qui se produit automatiquement lorsqu’ils se présentent à un point d’entrée officiel.
«Il ne serait pas surprenant qu’il y ait des gens venant ou passant par l’Amérique latine qui veuillent en fait se rendre au Canada au final», a indiqué M. Selee.
«Le Canada compte juste assez de gens qui viennent d’ailleurs dans les Amériques pour devenir une destination beaucoup plus attrayante avec le temps, surtout si les États-Unis constituent un environnement moins accueillant.»
Cela fait maintenant 28 ans que les États-Unis ont accueilli le premier Sommet des Amériques, en 1994, «et nous vivons évidemment à une époque différente», a déclaré Juan Gonzalez, directeur principal du Conseil de sécurité nationale pour l’hémisphère occidental.
Pour commencer, la Russie a envahi l’Ukraine, l’impact durable d’une pandémie en cours depuis deux ans continue de se faire sentir, l’inflation atteint de nouveaux records et de nombreuses personnes de ce côté-ci de la planète «commencent vraiment à remettre en question la valeur de la démocratie», a noté M. Gonzalez.
M. Biden proposera ce que M. Gonzalez a appelé une stratégie de responsabilité partagée et de soutien économique pour les pays les plus touchés par le flux migratoire. Il comprendra également une déclaration multilatérale «d’unité et de détermination» pour maîtriser la crise.
Les dirigeants des «pays d’origine, de transit ou de destination» rechercheront un consensus sur la manière de s’attaquer à un problème «qui affecte en fait tous les pays des Amériques», a-t-il déclaré.
«Nous devons travailler ensemble pour y faire face d’une manière qui traite les migrants avec dignité, investisse dans la création d’opportunités qui dissuaderaient les migrants de quitter leur pays au premier chef, et fournirait les protections que les migrants méritent d’avoir.»
Une myriade de facteurs incitent des gens du monde entier à abandonner un pays au profit d’un autre, souvent aussi clandestinement que possible. Ces motivations ont été atténuées pendant la pandémie de COVID-19, mais plus maintenant.
Une myriade de facteurs incitent des gens du monde entier à abandonner un pays au profit d'un autre, souvent aussi clandestinement que possible. Ces motivations ont été atténuées pendant la pandémie de COVID-19, mais plus maintenant.
La police a intercepté près de 10 000 personnes entrant au Canada entre les points d'entrée officiels au cours des quatre premiers mois de l'année, contre seulement 3944 au cours de la même période en 2019, avant la pandémie.
À la fin du mois dernier, deux ressortissants honduriens ont comparu devant un tribunal du Montana pour faire face à des accusations de trafic d'êtres humains après avoir prétendument conduit un groupe de migrants dans le pays en traversant la frontière canado-américaine.
Deux citoyens américains font également face à des accusations similaires dans deux affaires distinctes ― une le mois dernier qui a vu un groupe de ressortissants indiens secourus alors qu'ils tentaient de traverser une rivière qui sépare l'Ontario de l'État de New York, et une au Minnesota liée à la mort en janvier d'une famille indienne de quatre personnes après avoir été exposée à des conditions glaciales au Manitoba.
Des agents du Maine ont également intercepté récemment des fourgons entiers de migrants illégaux, dont cinq ressortissants roumains entrés du Canada. Deux autres incidents distincts ont impliqué un total de 22 personnes, 14 du Mexique et sept de l'Équateur, qui étaient entrées aux États-Unis par la frontière sud.
Les autres priorités du sommet de Los Angeles consisteront à aider les pays à maîtriser la propagation de la COVID-19, à forger de nouveaux liens sur les initiatives climatiques et énergétiques, à lutter contre l'insécurité alimentaire et à tirer parti des accords commerciaux existants pour mieux garantir que davantage de personnes puissent en récolter les fruits.