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Art et culture

Fierté Montréal: une exclusivité de 800 km et de 45 jours pour les artistes

La clause B.11 des contrats que signe Fierté Montréal avec ses artistes fait sourciller, bien qu'elle ne soit pas appliquée.

Un défilé de Fierté Montréal - photo non datée.
Un défilé de Fierté Montréal - photo non datée.
/ Noovo Info

Une clause contenue dans les contrats que signe Fierté Montréal avec des artistes et artisans dans le cadre de son festival fait sourciller des membres de l’industrie des arts et de la culture et des militants pour la cause 2SLGBTQIA+.

La fameuse clause B.11 stipule qu'il est interdit pour l'artiste sous contrat d'accepter d'autres contrats de travail similaires dans un rayon de 800 kilomètres autour de Montréal 30 jours avant les festivités de Fierté Montréal et 15 jours après celles-ci.

Photo montrant la clause B.11 d’un contrat, en anglais, avec Fierté Montréal fourni à Noovo Info par une source confidentielle. Le contrat parle notamment d’une clause d’exclusivité de 800 km – 30 avant et 15 jours après le Festival Fierté Montréal – incluant «une interdiction pour toute publicité ou promotion par le biais de médias traditionnels ou sociaux […]».
Photo montrant la clause B.11 d’un contrat, en anglais, avec Fierté Montréal fourni à Noovo Info par une source confidentielle. Le contrat parle notamment d’une clause d’exclusivité de 800 km – 30 avant et 15 jours après le Festival Fierté Montréal – incluant «une interdiction pour toute publicité ou promotion par le biais de médias traditionnels ou sociaux […]».

Céleste Trianon, militante 2SLGBTQIA+ — et menant des études en droit — est l’une des personnes qui s’opposent à ce type de clause.

«Une telle exigence, ça limite la possibilité pour les artistes  — surtout pour les artistes de la relève [...] qui ont souvent un salaire très minimal — à pouvoir performer durant l’une des saisons où ils ont peut-être le plus d’opportunités de se faire rémunérer et le plus d’opportunités de se rendre visibles», a expliqué Céleste en entrevue avec Noovo Info.

La clause incluse dans les contrats de Fierté Montréal a aussi été dénoncé sur les réseaux sociaux, notamment par Vicky B. Ouellette, alias Miss Vicky Leaks sur Instagram, directrice Générale de STUDIO ZX et fondatrice du Festival Ctrl+Alt - un festival dédié à la culture nocturne queer.

«En tant que productrice d’événements, je suis bien consciente que des clauses d’exclusivité peuvent parfois se justifier, mais une telle durée et un tel périmètre sont excessifs et inacceptables, particulièrement dans un contexte local où les artistes doivent jongler avec plusieurs opportunités pour vivre de leur art», a-t-elle écrit sur Instagram.

Une carte représentant approximativement un rayon de 800 km autour de Montréal.
Une carte représentant approximativement un rayon de 800 km autour de Montréal.

Une clause «non contraignante»

Questionné par Noovo Info sur cette fameuse clause, Fierté Montréal a précisé par courriel que la clause B.11 «est une clause standard» dans le milieu des festivals et des spectacles, et qu’elle est utilisée dans tous ses contrats d'artistes, soit plus de 200 chaque année.

«Toutefois, cette clause n’est pas contraignante et n'a jamais été appliquée aux artistes locaux·ales qui performent au Festival Fierté Montréal, ce qui leur permet de participer également à plusieurs autres événements autour des dates du Festival, comme c’est le cas pour des dizaines parmi elleux à chaque année», a-t-on expliqué.

Fierté Montréal ajoute dans son échange de courriel avec Noovo Info que la clause permet à l’organisation d’entreprendre des conversations avec les artistes qui souhaitent réaliser des performances ailleurs juste avant, pendant et juste après le festival.

«[La clause permet] de travailler ensemble sur les spectacles qui seront présentés au Festival Fierté Montréal et ceux qui seront présentés ailleurs, de façon telle que les spectacles ne se répètent pas. Ce qui arrive à chaque édition. Ceci permet aussi une meilleure coordination entre les festivals […]», a ajouté Fierté Montréal.

«Nous rappelons que jamais un.e artiste locaux.locale n'a été forcé.e d'annuler une prestation artistique en raison de cette clause à nos contrats.»
- Fierté Montréal

Le groupe conclut en mentionnant avoir toujours à cœur de soutenir les artistes indépendants et rappelle que le Festival Fierté Montréal offre aux artistes une belle visibilité et la possibilité d’être recruté par de nombreux diffuseurs pour d’autres événements et festivals.

Une clause qui doit disparaître

Céleste Trianon croit que si la clause n’est pas contraignante et qu’elle n’est pas appliquée comme l'a affirmé Fierté Montréal, elle devrait tout simplement disparaître des contrats signés avec les artistes.

«À mon avis ça devient dans ce cas-ci une clause de vengeance. C’est une clause à force contraignante. L’écrit, ça contraint, un contrat, ça contraint. […] Aussitôt qu’il y a une chicane, ou quelque chose qui ce passe, aussitôt on sort la clause et ont dit "Tu as violé le contrat" [...]», a-t-elle affirmé à Noovo Info.

 

Même son de cloche du côté de Vicky B. Ouellette.

«Il est grand temps que des grandes organisations comme Fierté Montréal renversent les paradigmes établis et offrent aux artistes queer des opportunités réellement adaptées à leur réalité — des opportunités qui les élèvent vers de nouveaux sommets, plutôt que de leur imposer des contraintes qui limitent leur développement professionnel», a-t-elle écrit à Noovo Info.

Vicky B. Ouellette, directrice Générale de STUDIO ZX et fondatrice du Festival Ctrl+Alt.
Vicky B. Ouellette, directrice Générale de STUDIO ZX et fondatrice du Festival Ctrl+Alt.

Céleste Trianon estime d’ailleurs que si de telles clauses existent un peu partout dans l’industrie du spectacle, il serait temps de revoir les choses.

«Il faut que nous reconnaissions la valeur même, la plus-value que les artistes donnent à leur communauté respective […]», estime-t-elle.

Vicky B. Ouellette abonde dans le même sens et pose une critique virulente envers Fierté Montréal. 

«L’objectification des artistes queer locaux, la préférence budgétaire accordée aux cachets des artistes internationaux, les retards de paiement qui compromettent leurs propres engagements contractuels et l’abus de pouvoir, ça suffit. Fierté Montréal est un poison pour notre communauté. Il est grand temps de prendre l’antidote en main : bâtir des alternatives aux géants de l’industrie du divertissement, créer de la valeur en dehors des systèmes d’oppression et mobiliser la communauté pour affirmer qu’on atteint notre limite. On ne sera plus leurs victimes», a-t-elle écrit.

Le Festival Fierté Montréal est le plus grand rassemblement 2SLGBTQIA+ de la francophonie. Pendant 11 jours, plus de 750 000 personnes convergent vers les sites extérieurs et le Village pour célébrer les avancements dans la défense des droits des communautés 2SLGBTQIA+.