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Politique

Élections: les enjeux liés à l'avortement éclipsés par les tensions commerciales

Des électrices aimeraient que les enjeux liés à la santé reproductive et aux droits des femmes soient plus souvent abordés.

Des gens participent à une manifestation à Montréal pour dénoncer la décision de la Cour suprême des États-Unis de renverser la loi qui assurait le droit constitutionnel à l'avortement depuis près de 50 ans, le dimanche 26 juin 2022. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes
Des gens participent à une manifestation à Montréal pour dénoncer la décision de la Cour suprême des États-Unis de renverser la loi qui assurait le droit constitutionnel à l'avortement depuis près de 50 ans, le dimanche 26 juin 2022. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes
Katrine Desautels
Katrine Desautels

Les droits de douane prennent une place si importante dans la présente campagne électorale qu'ils écartent des sujets sur lesquels les chefs de parti sont habituellement appelés à se prononcer, dont le droit à l'avortement. Des électrices aimeraient que les enjeux liés à la santé reproductive et aux droits des femmes soient plus souvent abordés. 

La réélection du président américain Donald Trump a suscité des inquiétudes du côté du Canada. D'autant plus qu'en 2022, la décision Roe c. Wade de la Cour suprême des États-Unis a été renversée, invalidant le droit à l'avortement. Depuis, une vingtaine d'États ont restreint le droit à l'avortement ou l'ont carrément interdit. 

La Dre Diane Francoeur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), rappelle que même le Canada n'est pas nécessairement protégé contre un recul du droit à l'avortement. Elle soutient qu'il «faut protéger les droits des femmes et ne permettre que personne ne puisse ouvrir la loi actuelle sur l'avortement».

La SOGC exhorte tous les partis politiques à faire de la santé des femmes et les droits sexuels et reproductifs une priorité dans leurs engagements électoraux.

 

«Les droits des femmes, ce n'est jamais acquis. C'est là jusqu'à tant qu'on change d'idée, et nos collègues américains ne pensaient jamais que ça allait dégénérer aussi rapidement que ce qui est arrivé en 2022 et on n'est pas à l'abri de ça.

«Notre position est très claire. Il faut que le Canada demeure ce pays, ce "hub" pour utiliser une expression à la mode, où les femmes pourront toujours décider pour elles et avoir accès aux services dont elles ont besoin, donc droit à l'avortement, droit à avoir des bébés, à ne pas avoir de bébé, elles auront droit à être respectées et protégées par rapport à ça», a déclaré Dre Francoeur qui est médecin en obstétrique-gynécologie depuis 30 ans. 

Des femmes veulent plus de prises de position 

Des électrices questionnées par La Presse Canadienne par rapport à leur opinion sur le doit à l'avortement et la place que cet enjeu occupe dans la campagne électorale ont dit qu'elles craignaient de voir ce droit reculer au Canada. 

Tanya St-Jean reconnaît que ce n'est pas l'enjeu principal de la campagne et souligne que les préoccupations face aux États-Unis sont importantes, mais elle estime que les droits des femmes pourraient tout de même être abordés plus souvent par les politiciens. 

«En ce moment, il y a un énorme focus avec ce qui se passe aux États-Unis et j'ai l'impression que cet enjeu-là prend toute la place. [...] Oui, il y a les tarifs, les menaces d'annexion, mais il y a encore des problèmes au niveau de l'accessibilité au Canada par rapport à l'avortement dans certaines provinces et même dans certaines régions [du Québec]», soulève-t-elle. 

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Adeline Letendre abonde dans le même sens. «Tout est éclipsé par l'économie et je trouve qu'il ne faut pas oublier ce pan du côté politique parce que, bon, l'économique prend beaucoup de place et les droits humains reculent. On en discute pas assez parce que l'économique fait une espèce de dôme sur tout le reste et les droits de la femme sont encore plus laissés de côté», se désole-t-elle. 

Les partis politiques devraient afficher clairement leur position, soutient Mme Letendre. «Qu'est-ce qu'on va faire au niveau budgétaire? Est-ce qu'on va donner des sous à des organismes qui prennent en charge les femmes qui en ont besoin? Est-ce qu'on va légiférer au niveau des lois pour l'accessibilité? Quelles sont les actions qui vont être faites de manière concrète pour que la population ait accès à des services, des soins de santé? Il faut que ce soit dans leur programme avec des actions concrètes», dit-elle.

Au cours des dernières années, et plus particulièrement depuis le renversement de Roe c. Wade, les chefs des partis fédéraux siégeant au Parlement ont fait valoir qu'il ne fallait pas restreindre le choix reproductif des femmes. Mme St-Jean voudrait que «ce soit de nouveau martelé pour rassurer les électeurs». 

Dre Francoeur appelle tous les électeurs — pas juste les femmes — à demander aux candidats qui cogneront à leur porte ce qu'ils comptent faire pour le droit des femmes s'ils sont élus. «Parce qu'il y en a qui ne sont peut-être pas aussi transparents qu'on le souhaiterait par rapport à leur positionnement», dit-elle. 

Les commentaires des partis 

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) affirme qu'il sera plus sévère dans l'application de la Loi canadienne sur la santé pour empêcher les provinces de mettre en place des obstacles à l'accès à l'avortement. Il souhaite également améliorer l'accès à ces services dans les communautés rurales et les régions éloignées. 

«Le NPD s'est toujours battu pour l'accès à l'avortement et pour la santé sexuelle et reproductive. En février dernier, Jagmeet (Singh) avait réitéré son appel à l'ancien gouvernement de Justin Trudeau pour que les coûts des contraceptifs soient couverts pour la population canadienne. Nous couvrirons donc les produits de contraception et la pilule abortive dans le cadre de l'assurance fédérale des médicaments et nous veillerons à ce que le droit à la contraception soit bel et bien reconnu», a répondu par écrit un porte-parole. 

Le Parti libéral du Canada (PLC) indique que son chef Mark Carney soutient «sans réserve le droit des femmes à choisir et le Parti libéral défendra toujours l'accès à des services de santé sexuelle et reproductive sûrs, y compris l'avortement et les contraceptifs». Une porte-parole a aussi cité le régime universel d'assurance médicaments qui offre des contraceptifs gratuits aux femmes. 

Le PLC n'a pas manqué d'envoyer une flèche à son principal rival dans la course électorale. «Pierre Poilievre et son équipe soutiennent des projets de loi et des discours anti-choix dès qu'ils en ont l'occasion», a écrit une porte-parole, faisant référence notamment au projet de loi présenté en 2023 par la conservatrice Cathay Wagantall, qui réclamait des peines plus sévères lorsqu’une femme enceinte est tuée ou agressée. Les libéraux y avaient vu une façon détournée de conférer un statut juridique au fœtus. Le projet de loi avait été appuyé par M. Poilievre. 

De son côté, le Bloc québécois affirme qu'il s'opposera toujours à «quelconque projet de loi qui tenterait de rouvrir la question du droit à l'avortement». Il mentionne qu'il défend «sans compromis le droit des femmes à disposer de leur corps, le droit au libre choix et le droit à des services d'avortement gratuits et accessibles». 

Par écrit, une porte-parole du Bloc a fait valoir que l'Assemblée nationale a déposé un plan d'accès à l'avortement et que si le gouvernement fédéral souhaite améliorer l'accès à l'avortement, il n'a qu'à augmenter le transfert canadien en santé, comme le Bloc l'a souvent réclamé. 

Le Pari conservateur du Canada (PCC) et le Parti vert n'ont pas répondu à une demande de commentaires de La Presse Canadienne sur ce sujet. 

Katrine Desautels
Katrine Desautels