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«Les États-Unis vont subir de lourdes pertes.»
De grands économistes interrogés par l'AFP n'ont pas hésité à critiquer les tarifs douaniers massifs imposés par Donald Trump, qui menacent de faire chavirer l'économie mondiale.
«La politique commerciale de Trump signifie la fin du leadership américain dans la mondialisation», estime Li Daokui, professeur à l'école d'économie Tsinghua à Pékin, qui pense que «les États-Unis vont subir de lourdes pertes.»
Selon cet ancien membre du principal organe consultatif politique chinois (la CCPPC), «la Chine dispose des bases économiques nécessaires pour diriger la mondialisation». Cette situation offre également des «opportunités» à Pékin pour «négocier davantage d'accords de libre-échange avec d'autres pays».
Face au «spectacle des politiques économiques ratées» de Trump, la Chine peut aussi tenir son rang à l'intérieur de ses frontières, selon ce diplômé de l'Université de Harvard : si elle «parvient (...) à développer avec succès son marché intérieur, elle devrait devenir le plus grand marché de consommation du monde à l'avenir».
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«Les perspectives pour les voisins de Pékin, comme le Cambodge et le Vietnam, sont moins optimistes», ajoute-t-il, estimant qu'il sera «difficile pour les pays d'Asie du Sud-Est de servir de points de transit importants pour le commerce» si la politique reste inchangée.
Pour l'économiste français et auteur du best-seller Le capital au XXIe siècle, «le Trumpisme est avant tout une réaction à l'échec des Reaganomics : les Républicains se rendent compte que le libéralisme économique et la mondialisation n'ont pas profité à la classe moyenne comme ils l'avaient promis».
«Alors maintenant, ils font du reste du monde un bouc émissaire», poursuit l'économiste de gauche. Cependant, selon M. Piketty, «cela ne marchera pas : le cocktail trumpien ne fera que générer plus d'inflation et plus d'inégalités.»
«L'Europe doit définir ses propres priorités et se préparer à affronter la récession mondiale à venir avec un grand plan de relance, avec des investissements dans les infrastructures énergétiques et de transport, la formation, la recherche, la santé, etc.», explique-t-il.
«Ça va être une période difficile pour le monde entier», qui va être confronté à “un combat de titans” entre Washington et Pékin», prévient le Nigérian Bismarck Rewane.
Au Nigeria, grand pays producteur de pétrole confronté à la chute des cours, « nos recettes budgétaires vont baisser, et une récession mondiale aura un effet sur nous », affirme ce membre du conseil d'administration du groupe de services financiers FCMB.
Il met en garde : «lorsque vous négociez après avoir déclenché une guerre, vous devez creuser deux tombes, une pour votre ennemi et une pour vous-même, et vous assurer que les deux tombes ne sont pas trop profondes parce que vous ne savez pas laquelle est la plus susceptible de tomber dedans».
«Lorsque des droits de douane de ce type, augmentés sans aucune base économique, sont introduits, les chaînes d'approvisionnement sont sérieusement perturbées», prévient Nasser Saidi, ancien ministre libanais de l'économie et de l'industrie et fondateur de la société de conseil économique Saidi & Associates à Dubaï.
Pour lui, «cela aura également des effets en termes d'investissements».
Au niveau régional, «un problème majeur est l'effet sur les pays moins développés et les pays émergents. Des pays comme l'Égypte, le Liban et la Jordanie verront leurs relations commerciales perturbées», s'inquiète-t-il, qualifiant les annonces de Trump de «choc sismique».
«C'est un peu la fin d'un cycle, la fin du modèle tayloriste-fordiste sur lequel nous avons construit la prospérité mondiale pendant les trois quarts du siècle dernier», estime l'économiste et ancien ministre togolais Kako Nubukpo.
«Le protectionnisme est l'arme des faibles et (...) le président Trump se rend compte que dans la compétition avec la Chine, les États-Unis sont devenus les plus faibles», ajoute-t-il.
Ces droits de douane interviennent dans un contexte politique déjà très difficile en Afrique et ailleurs : «les perdants de la mondialisation semblent être de plus en plus nombreux et, d'un point de vue politique, on assiste à une montée des régimes illibéraux», souligne-t-il.
Même un économiste américain cité par l'administration Trump pour justifier les tarifs douaniers massifs, Brent Neiman, critique l'initiative : «je suis fondamentalement en désaccord avec l'approche et la politique commerciale», écrit-il dans une tribune parue lundi dans le New York Times.
L'ancien fonctionnaire du Trésor sous l'administration Biden désapprouve l'une des variables utilisées dans la formule de calcul des droits de douane : «le bureau commercial de l'administration cite nos travaux, mais mentionne un résultat différent de celui de ses recherches», explique-t-il.
Au final, «les droits de douane calculés devraient être nettement inférieurs», estime-t-il.