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J’ai moi-même fait cette erreur de flipper trop de boulettes au McDo au nom de la pression économique. On m’appelait pour remplacer. Je disais oui. Quelle erreur.
Mon grand-père Henri Sauvé est entré à l’usine Montreal Cotton de Valleyfield à l’âge de 14 ans. Il en est ressorti 51 ans plus tard, usé comme un vieux métier à tisser. Pour le remercier d’avoir donné sa vie au profit d’une vision taylorienne du travail, on lui a offert une horloge traînant encore de nos jours dans la cuisine de mes parents. Comme un symbole du temps lui ayant survécu.
Mon grand-père n’a pas juste lâché l’école, il a lâché sa vie. Comme ce fut le cas pour bien des Canadiens français de l’époque, son adolescence a servi de « cheap labour » à des intérêts mercantiles. C’est peut-être le souvenir de cette vision du travail des enfants qui nous hante quand le sujet de l’âge minimum légal pour travailler refait surface.
Il n’existe pas d’âge minimum au Québec pour travailler. Les accidents de travail auraient augmenté de 36 % chez les moins de 16 ans en 2021. Il faut dire que la pénurie de main-d’œuvre a drôlement encouragé les entreprises à revoir à la baisse leurs critères d’embauche, incluant celui de l’âge des employés. Qui n’a pas sursauté au moins une fois au cours de la dernière année en arrivant à la caisse d’un commerce de détail en se disant « Coudonc, il a quel âge lui ?! »
Peu importe nos perceptions, la situation est assez significative pour que le ministre du Travail, Jean Boulet, réfléchisse à l’idée d’imposer un âge minimum et un nombre maximum d’heures travaillées. Mais devrait-il le faire ?
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De mon point de vue, une des plus grandes jambettes que l’on puisse faire à son avenir, c’est de privilégier des intérêts financiers à la formation générale durant l’adolescence. Le contexte actuel du marché est particulièrement invitant pour les adolescents : l’argent est rapide et facile. Rémunération élevée, dévalorisation de l’importance des études par certains personnages influents sur les réseaux sociaux et nombreuses offres d’emplois sont au nombre des appâts pour amener les jeunes adolescents à mordre à l’hameçon de la pêche aux candidats.
Il est facile de dire tout ça quand nos parents ont la capacité de subvenir aux besoins de base (logement et nourriture), mais quelle option reste-t-il aux jeunes pour concilier cette réalité à leur scolarité de base ? Et si les employeurs s’impliquaient dans la réussite scolaire ? Et si au lieu de vouloir éviter cette situation, on mettait en place des balises et des conditions gagnantes pour que jeune puisse concilier de façon saine et réaliste cette double vie.
Comme employeur, on doit protéger le jeune contre lui-même. Contre la tentation de prendre des quarts de plus pour faire la piasse. Parce qu’à 14 ou 15 ans, 500 $, c’est une fortune presque à l’abri de main du fisc.
Notre valeur marchande à long terme sur le marché du travail est proportionnelle à la rareté de nos compétences et à nos capacités. Cette valeur est le résultat cumulatif d’expériences de travail et de connaissances théoriques et pratiques.
Le marché du travail demeure à tout âge un lieu d’apprentissage de gestion du temps, du stress et de développement d’aptitudes. Mais sans une certification académique de bonne valeur, on n’a pas entre les mains une confirmation de l’optimisation de sa propre valeur d’embauche.
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Le travail d’un adolescent de 12, 13 ou 14 ans devrait-il est condamné, limité ou tout simplement être déclaré illégal ? Répondre de façon binaire à cette interrogation serait simpliste. La tonte de pelouse ou le gardiennage d’enfants contre rémunération ne choque personne. Même à 13 ans. Tout est une question de quantité ou de dosage. Le problème n’est pas d’apprendre à travailler, mais la quantité et la pression exercée par le travail sur le développement académique d’un jeune.
Un enfant d’entrepreneur a l’occasion d’apprendre à travailler au compte-gouttes. Ça fait partie de la culture familiale entrepreneuriale de participer aux activités de l’entreprise. Devrait-on empêcher une telle expérience ? Non. Mais encore une fois, travailler quelques heures par semaines sans pression dans la bienveillance n’a pas la même conséquence que de travailler 25 heures par semaine dans un restaurant-minute au salaire minimum en plus d’aller à l’école à temps plein.
J’ai moi-même fait cette erreur de flipper trop de boulettes au McDo au nom de la pression économique. On m’appelait pour remplacer. Je disais oui. Quelle erreur.
C’était un mauvais calcul qui a miné ma confiance en moi et ma capacité de performer académiquement. Je n’imagine même pas ce qu’auraient pu être les conséquences de nuire à mes études à 13 ou 14 ans.
Est-ce que nos adolescents devraient développer tranquillement des aptitudes pour arriver un jour à l’autonomie du monde adulte ? Bien sûr.
Est-ce qu’il est urgent pour un adolescent de travailler avant l’âge de 15 ans ? Certainement pas.