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À l’aube des deux débats, Victor Henriquez voulait voir quel type de performance pourrait faire bouger l’aiguille.
Cette semaine, nous assisterons à un exercice périlleux, essentiel et déterminant de notre processus électoral: les débats des chefs. Lors de ces deux soirées, les chefs des différents partis auront l’occasion de faire valoir leurs idées, de tenter de marquer des points et de convaincre les électeurs de leur accorder leur confiance.
À l’aube de ces deux séances de communication politique, j’avais envie de regarder avec vous quel type de performance pourrait faire bouger l’aiguille, ne serait-ce qu’un peu, pour les principaux chefs de partis. En tout respect, j’ai exclu le Parti vert de cette analyse puisqu’il représente un choix marginal selon tous les sondages.
Une machine à remonter le temps. Ce serait probablement le rêve des conservateurs : en trouver une qui leur permettrait de revenir six mois en arrière. À cette époque, qui semble désormais si lointaine, le PCC menait par une vingtaine de points et Pierre Poilièvre incarnait le changement désiré par une majorité de Canadiennes et de Canadiens. Les débats seront donc la dernière occasion pour le chef conservateur de ramener les électeurs à ce moment précis, afin de tenter de remporter cette élection.
Bien sûr, il continuera de répéter que les libéraux n’ont pas vraiment changé, il nous reparlera des «dix années libérales perdues» et du duo «Carney-Trudeau», mais il devra surtout se positionner en tant que premier ministre en attente. D’abord, en parlant davantage de son équipe, qui doit être prête à gouverner ; ensuite, en définissant ce que cela donnerait concrètement aux gens ; et enfin, en mettant en valeur un cadre financier fiable et vérifiable. Ces ingrédients sont essentiels à une victoire pour le chef conservateur.
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Lorsque le NPD a signé son entente avec les libéraux, plusieurs disaient que ce parti faisait un pari extrêmement risqué. À voir les chiffres des sondages, il est clair que la stratégie des néo-démocrates et de leur chef leur a peut-être permis d’obtenir quelques gains, mais leur a coûté très cher en termes de crédibilité face à l’électorat.
Que peut faire le chef en débat pour renverser cette tendance ? Probablement pas grand-chose, car les électeurs ont bien compris qu’un vote pour le NPD serait perdu dans une course entre les libéraux et les conservateurs. Cependant, il peut tenter de démontrer que les libéraux qu’il a appuyés ne sont plus les mêmes et qu’un gouvernement minoritaire serait une bonne nouvelle. Tout un défi pour un chef qui en est à sa troisième campagne et qui risque de voir son parti perdre son statut officiel si les chiffres ne changent pas.
J’ai eu le privilège de recevoir, avec les Débatteurs de Noovo, le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet. Au-delà de l’entrevue, qui nous a confirmé plusieurs de ses qualités de communicateur, j’ai été surpris de le voir positionner le Bloc comme le parti qui permettrait d’assurer aux Québécois un gouvernement minoritaire et donc, selon sa logique, une voix plus forte pour le Québec.
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Il faut dire que cette posture, d’une honnêteté qui l’honore, représente également un risque important. Face à la menace trumpiste, certains électeurs pourraient être tentés par un réflexe de stabilité et opter pour un gouvernement majoritaire. Ce choix éliminerait donc le Bloc des options et pourrait renforcer les appuis du PLC ou du PCC. Le défi des débats pour le chef bloquiste sera donc de convaincre les électeurs de tous les bienfaits d’un gouvernement minoritaire pour les fameux intérêts du Québec. Un exercice périlleux, mais que M. Blanchet m’a semblé assumer avec beaucoup de confiance.
Qui l’aurait cru ? Si je vous avais dit, le 1er janvier 2025, que les libéraux seraient en tête à 14 jours de l’élection et que leur chef représenterait l’alternative la plus crédible face à Donald Trump pour plus de 60 % de la population, vous m’auriez sans doute pris pour un fou. Pourtant, c’est bien le cas, et c’est le résultat d’une multitude de facteurs.
Que ce soit la peur de Trump, le besoin d’être rassuré sur l’économie, le désir d’un premier ministre compétent en la matière, ou encore le virage à droite du nouveau chef libéral, les raisons de ce succès sont nombreuses et parfois fragiles. Or, cette vague repose davantage sur la réputation et la crédibilité du chef que sur des actions concrètes.
Il s’agit donc d’une remontée fragile qui sera mise à l’épreuve lors des débats. Mark Carney devra donc agir comme une équipe qui protège son avance en fin de match : garder ses messages simples, éviter les pièges tendus par ses adversaires, rester prudent dans ses attaques et surtout, demeurer calme.
Bien sûr, le débat en français l’obligera également à démontrer aux Québécoises et Québécois que son français et sa connaissance du Québec sont à la hauteur. Cependant, les attentes à ce sujet sont modestes et facilement atteignables. Pour le reste, à défaut d’être spectaculaire, la prudence sera de mise. Un seul facteur X : le cadre financier. On ne peut se présenter comme le plus compétent en économie et se tromper sur les chiffres. La rigueur sera donc essentielle.
Les débats ne seront pas suivis avec la même attention par tous les électeurs, mais ceux qui n’ont pas encore arrêté leur choix ou qui doutent de leur décision seront certainement très attentifs. Cet exercice de communication représente donc une occasion unique pour les chefs de convaincre, rassurer et mobiliser la population. Vendredi matin, le congé pascal débutera, les bureaux de vote par anticipation ouvriront et le choix de la majorité des électeurs sera fait. D’ici là, tout peut encore changer. Bons débats, messieurs!
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