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Je m’explique mal ce désinvestissement collectif par rapport à l’école.
Ben non, vous êtes tombés dans le piège à clics. Je voulais attirer votre attention. Clairement, je ne pense pas que l’école, ça ne sert à rien. Mais les chiffres nous ont appris cette semaine qu’elle semble collectivement moins importante.
10% des élèves n’étaient pas en classe début avril selon des chiffres obtenus par La Presse de la part du ministère de l’Éducation. C’est presque autant qu’aux différents pics de la pandémie. Honnêtement, quand j’ai vu ces chiffres, j’ai avant tout pensé que 10%, ce n’était pas si pire. Mais lorsqu’on regarde combien ça donne d’élèves, on réalise que ça fait beaucoup de chaises vides dans nos salles de classe. 117 000, plus précisément.
Je m’explique mal ce désinvestissement collectif par rapport à l’école. J’aurais pensé qu’avec le Covid-19, la grève, les dizaines de pédago, les journées de tempête et l’éclipse, on se retrousserait les manches un peu plus que ça. On dirait que non. Mais, je ne nous juge pas. C’était prévisible, cette fatigue et ce désintérêt. À peu près tous les experts qui se sont penchés sur les répercussions sociales et psychologiques de la pandémie nous avaient prévenus: le ressac viendrait après. On nage en plein dedans.
À force d’accumuler les journées d’absences, je pense que beaucoup d’élèves n’ont plus ou ont perdu ce sentiment d’appartenance qui nous accroche à l’école. De plus, ces absences cumulées ont un autre effet pernicieux, je trouve. On s’est mis à banaliser le fait de manquer une journée de classe. Ça aussi, c’était prévisible.
Surtout qu’au moindre symptôme de grippe ou de rhume parce que « c’était plus prudent », on gardait systématiquement nos enfants à la maison. De toute façon, dès que le personnel-école apercevait une gouttelette au bout d’un nez, ce n’était pas long que le parent recevait un appel et devait venir chercher son petit pestiféré au plus sacrant. C’était la consigne et on dirait que cette prudence exagérée est toujours de mise.
La démotivation de certains jeunes par rapport à leur scolarité est très préoccupante. Je l’ai dit, plusieurs ne semblent plus avoir de sentiment d’appartenance à leur établissement d’enseignement. Si, avant, on s’attachait à l’école à cause de sa gang d’amis ou de l’équipe sportive à laquelle on faisait partie, cela semble désormais moins attirant pour beaucoup d’élèves. Il y a mieux ailleurs. Et cet ailleurs, il se trouve souvent dans leur téléphone.
Au risque de sonner comme une vieille radicale, j’irais même jusqu’à dire que les réseaux sociaux sont l’ennemi de l’école. Comme parent, il est extrêmement difficile de rivaliser avec ça. Qu’est-ce qu’on fait quand notre fille ou notre garçon s’abreuve de contenu où l’on répète que l’école, ce n’est pas nécessaire pour réussir ? Plusieurs vedettes de l’internet ne sont effectivement pas allées à l’école longtemps et réussissent très bien leur vie. Beaucoup ont même l’air très à l’aise financièrement et mettent en scène une existence où tout a l’air facile. Du moins c’est ce qu’ils nous laissent croire.
Difficile, alors, de convaincre son ado que son cours de math SN va le mener plus loin qu’une chaîne YouTube, parce que ce n’est pas nécessairement vrai. Le monde a changé et il est désormais possible d’emprunter un autre chemin que celui de l’école ou des longues études. Cela est une réalité, mais une réalité pour peu de gens. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, comme on dit. Mais essayer de faire comprendre ça à une jeune fille qui rêve d’être payée pour voyager comme ses idoles, c’est l’équivalent de se battre contre des moulins à vent.
Comme parent, je me sens souvent dépassé par le manque de motivation de mes enfants par rapport à leurs études. Je trouve ça difficile d’essayer de les convaincre qu’aller à l’école, c’est plaisant, qu’aller à l’école, ça les mènera loin, qu’aller à l’école leur permettra de réaliser leurs rêves.
J’ai de la misère à leur dire ça en les regardant dans les yeux alors qu’on doit subir jour après jour la politique d’« un adulte par classe ». Comment suis-je censée convaincre ma fille d’aller à l’école tous les jours alors qu’elle a passé 3 mois sans prof de math ?
Comment en vouloir aux parents qui, voyant cela, décident de prendre une semaine de vacances pour faire voir autre chose à leurs enfants qu’une classe sans fenêtre. Les parents ont le dos large en ce qui concerne la motivation scolaire.
Le bateau coule. Et j’ai l’impression qu’on rame tout seul.
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