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«Suite à ce scandale, j’aurais pensé qu’Hockey Canada entamerait une profonde réflexion et remettrait ses façons de faire en question. La moindre des choses aurait été d’analyser jusqu’à la moelle le processus interne.»
Dans la foulée du viol collectif présumé impliquant des membres de l’équipe canadienne de hockey junior en 2018, on a commencé, et avec raison, à se poser de sérieuses questions sur la façon dont Hockey Canada gérait les cas d’agressions sexuelles.
Rappelons-nous qu’on avait alors découvert l’existence d’un fonds secret d’indemnisation qui ne servait pas, il faut quand même le préciser, qu’à régler des histoires d’inconduites. Depuis 1989, Hockey Canada et ses dirigeants ont puisé 7,6 millions $ à même ce fond dans le cadre de règlements à l’amiable liés à des cas d’abus sexuels.
Plusieurs se sont alors demandé si Hockey Canada n’avait pas mis en place un système pour protéger ses joueurs et s’assurer du silence des présumées victimes. Si l’on regarde ça froidement, ça ressemble drôlement à ça.
Suite à ce scandale, j’aurais pensé qu’Hockey Canada entamerait une profonde réflexion et remettrait ses façons de faire en question. La moindre des choses aurait été d’analyser jusqu’à la moelle le processus interne et, surtout, la culture au sein de cette organisation.
Mais ça ne semble pas avoir effleuré l’esprit de la haute direction. Le Globe&Mail a depuis exposé l’existence d’un deuxième fonds, fonds qui aurait servi à indemniser d’autres victimes.
Et comme si ce n’était pas assez, Andrea Skinner, la présidente par intérim de Hockey Canada, est allée dire en comité parlementaire que c’est la faute des médias, qui selon elle monteraient toute l’affaire en épingle en faisant de la désinformation, si son organisme est dans l’eau chaude.
Toujours selon madame Skinner, ce deuxième fond ne servirait pas à indemniser de présumées victimes. Qui plus est, l’ancien président Scott Smith devrait quant à elle obtenir un « A » pour sa gestion de crise. À ce point-ci, dire que madame Skinner semble déconnectée du réel est un euphémisme.
Mardi soir, Hockey Québec s’est joint à la partie en retirant son support à Hockey Canada. On sait que le fédéral avait déjà coupé tout financement à Hockey Canada et qu’ils ont perdu plusieurs commanditaires.
Sauf qu’on me chuchote à l’oreille que ce définancement ne ferait pas une grande différence pour Hockey Canada. Ce qui leur ferait vraiment mal, ce serait de perdre l’argent des droits de diffusion télé du Championnat du monde de hockey junior. Ça, ça les forcerait à faire table rase et à amorcer un vrai ménage à la tête de l’organisation, qui semble incapable pour le moment de faire preuve de transparence.
Maintenant qu’on a dit tout ça, je pense que la façon dont Hockey Canada gère les cas d’inconduites sexuelles est le symptôme d’un mal beaucoup plus grand. Il faut réfléchir collectivement à la façon dont on perçoit les joueurs de hockey au Canada. C’est la source même du problème. Ils sont considérés comme des dieux et, un dieu, s'accorde le droit de tout faire. C’est au-dessus de la loi des Hommes.
Pensez-y. On prend des jeunes garçons, on les enferme dans la bulle hockey une bonne partie de leur enfance puis de leur adolescence. Du hockey, ils ne font que ça. Ils en mangent. Ils sont pour ainsi dire, en dehors du monde. Et qu’est-ce qu’on leur répète sans arrêt ? Qu’ils sont dans une classe à part, qu’ils font partie d’une élite.
Je me rappelle mon adolescence au Saguenay, quand on allait au Centre Georges Vézina pour voir jouer les Saguenéens. Ma mère n’aimait pas ça. Elle savait bien qu’on n’y allait pas pour la game. On y allait pour voir les joueurs.
On se tenait sur le long des bandes en battant des cils, dans un ultime espoir de se faire remarquer. Les joueurs n’avaient qu’à choisir et certaines filles étaient prêtent à tout pour être vues au bras d’un joueur des Sag.
Les gars se servaient comme dans un buffet pis nous, on se sentait comme des nouilles. Je ne dis pas que c’est mal. Je ne dis pas que ce jeu de séduction est illégal. Mais il y a là un rapport de force qui existe depuis fort longtemps et cette idée que tu dois être prête à te soumettre a bien des affaires si tu veux avoir la chance de passer du temps avec un joueur de hockey.
Plusieurs gars m’ont déjà parlé de « la mentalité de vestiaire ». Ils m’ont raconté les horreurs qui se disent à propos des filles dans les chambres de joueurs. Une telle fait ci, une telle fait ça, une telle est plus cochonne qu’une autre, regarde la photo qu’elle m’a envoyée.
Salope. Chienne. Truie.
Des mots souvent répétés et entendus dans cette chambre d’écho où les filles sont trop souvent, hélas, considérées comme un divertissement, une marchandise dont on dispose comme bons nous semblent en attendant de gagner des matchs.
Parce que c’est ça qui semble important, au final : remporter le championnat et, ultimement, jouer dans la Ligue nationale. Tout le monde s’en fout si, au passage, des femmes doivent passer sous le rouleau compresseur de la culture hockey.
Les femmes sont perçues comme de la chair à canon. Les femmes sont vues comme des poupées gonflables à qui on peut tout faire. Et ces femmes, on doit les faire taire à tout prix pour que les joueurs puissent continuer à pousser la rondelle qui les mènera à la victoire.
C’est le message que nous envoie Hockey Canada.