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Les groupes craignent que la situation de ces femmes empire si la loi est adoptée sans être amendé.
Quatre groupes venant en aide aux femmes victimes de violences ont uni leurs voix dimanche pour demander des amendements du projet de loi 91. Cette loi, qui vise l'instauration d'un Tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec, prévoit obliger la médiation familiale en cas de séparation d'un couple avec un enfant.
«Dans sa forme actuelle, ce projet soulève de graves inquiétudes pour les femmes victimes de violence conjugale et leur enfant», a prévenu Marie-Pier Riendeau, directrice générale par intérim de la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec, lors d'une conférence de presse conjointe.
«Si on ne peut pas avoir ces modifications, ce sera pour nous le début de situations encore plus complexes [...], on va de plus en plus faire face à des situations qui sont catastrophiques et dangereuses pour les femmes et les enfants», craint Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.
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Les groupes craignent que la situation de ces femmes empire si la loi est adoptée sans être amendé. Bien que la loi prévoie une exemption pour toute personne déclarant être victime, le député libéral André A. Morin, opposé au projet de loi dans sa forme actuelle, prévient que «cela va faire en sorte que l'autre conjoint va savoir pourquoi ils ne vont pas en médiation».
«C'est une mauvaise idée», ajoute-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne.
«Tout ce que cela fait, c’est ajouter un plus grand stress, une plus grande anxiété qui existe déjà en raison de la violence», continue Brigitte Garceau, porte-parole du parti en matière de condition féminine et médiatrice accrédité en droit de la famille.
De plus, «ce ne sont pas pas toutes les femmes que se reconnaissent comme victime, ce ne sont pas toutes les femmes qui veulent le dévoiler, et elles ont le droit», note Sabrina Lemeltier, administratrice de l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale postséparation.
Elle indique que près de la moitié des femmes accueillies par le groupe dans la dernière année n'ont pas porté plainte.
Pour améliorer la situation, les organisations demandent entre autres un dépistage systématique de la violence conjugale dès la première étape d'un processus juridique. Actuellement, la loi ne prévoit pas obliger quelconque enquête sur le contrôle qu'un membre du couple exerce sur l'autre. Les médiateurs sont tout de même tenus à une formation de base sur la violence.
«L’état dans lequel [une victime] arrive en médiation n’a rien de libre, de volontaire, d’éclairé et d’égalitaire. Lorsqu’elle s’assoit à côté de son partenaire, il y a un déséquilibre des forces, c’est ce à quoi mène la violence conjugale, c’est en fait l’objectif de la violence conjugale», explique Louise Rindeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Dans la plupart des cas, l'agresseur se présente sous son meilleur jour devant le médiateur, continuant plutôt son intimidation entre les rencontres de médiation ou par des gestes subtils que la victime comprend.
Parfois, les violences continuent même lors des médiations. Une femme s'est par exemple vue insultée à répétition dans sa langue maternelle devant le médiateur, qui ne comprenait rien à ce qui était dit. Elle sortait de chaque rencontre apeurée.
Lorsque des victimes se retrouvent en médiation, nombre d'entre elles finissent par marchander en renonçant à leurs droits pour avoir la garde exclusive de l'enfant — de peur qu'il soit lui aussi violenté.
Elles renoncent par exemple aux pensions alimentaires, à leur part de la maison familiale ou à toute somme d'argent.
Les groupes ont partagé plusieurs témoignages, dont celui de Sophie (nom fictif), qui est allé en médiation pour cette raison. Elle a finalement accepté d'abandonner les arrérage de la pension alimentaire et sa part de la valeur de la maison, afin d'avoir la garde.
«Sophie a acheté la paix, craignant pour la sécurité et la vie de ses enfants», résume Mme Lemeltier.
Ces témoignages aident à déconstruire «le mythe autour du fait que 95% des médiations sont réussies, estime Guillaume Cliche-Rivard, co-porte-parole par intérim de Québec solidaire. Elles sont réussies pour qui? À quel prix? À quel niveau? Et avec quelle entente qui va avoir quel effet à long terme sur la vie des femmes?», continue-t-il en gardant espoir qu'après la présentation d'aujourd'hui, le gouvernement revoit sa position.