Les impacts pour la santé des citoyens de l'Estrie pourraient être majeurs dans un avenir rapproché, mais la Dre Isabelle Samson propose aussi une série de recommandations pour y faire face.
La Dre Samson, dont il s’agit d’une première publication majeure à titre de directrice de la santé publique en Estrie, devient la première personne dans une direction de santé publique régionale au Québec à présenter un tel rapport.
«Notre mandat est de protéger la santé. Les changements climatiques, c’est notre plus grande menace actuellement», tranche celle qui est entrée en poste en avril 2022. Pour mener à bien ses travaux et présenter les projections, la directrice et son équipe se sont basées sur le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en utilisant le scénario le plus pessimiste.
Parmi les constats les plus frappants, il faut noter l’augmentation de la fréquence des aléas climatiques et leur importance. Dès 2050, en Estrie, il faudra s’attendre à subir de quatre à six vagues de chaleur par année, alors que ces épisodes ne surviennent pas nécessairement annuellement présentement. Une vague de chaleur correspond à une période de trois jours où plus avec une température maximale en moyenne plus élevée ou égale à 31 degrés Celsius et une température minimale en moyenne plus élevée ou égale à 18 degrés Celsius la nuit.
Des périodes d’inondation seront aussi à prévoir aux deux à cinq ans à partir de 2050, selon les statistiques présentées lundi matin. Le niveau de risque quant à la présence de tiques est aussi considéré comme élevé.
«Les personnes qui vont avoir des problèmes de santé dû à ces changements climatiques et à ces phénomènes, que ce soit la chaleur extrême, les inondations, la maladie par les tiques, les précipitations et les problèmes d’eau potable ou de baignade, ce sont les populations vulnérables. Pas toujours, mais généralement ce sont les populations ciblées. Il faut travailler à réduire leur vulnérabilité. C’est ce qu’on appelle s’adapter aux changements climatiques», note la Dre Samson.
Médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive, la Dre Mélissa Généreux a fait partie des cinq rédactrices du rapport.
«Milieux communautaires, villes, CIUSSS... On est en train de dire, bien, ces populations-là qui sont plus vulnérables, qu’est-ce qu’on peut faire. Rapidement, on se rend compte que ça ne peut pas être juste les gens de la santé, donc le milieu communautaire répond à l’appel. Les organismes, il y en a qui ont accepté, cet été, de nous aider à mieux rejoindre nos populations prioritaires», cite-t-elle en exemple, en ciblant entre autres les personnes seules, démunies, qui vivent dans des logements où il fait très chaud, ou encore des personnes qui vivent avec des troubles de santé ou de santé mentale.
Présent lors de la séance d’informations sur le rapport ce matin, le codirecteur du Conseil régional de l’environnement de l’Estrie, Philippe-David Blanchette, était heureux de voir la direction de santé publique s’impliquer dans la lutte aux changements climatiques et à la réaction face aux impacts de ceux-ci.
«Je pense que c’est un grand pas en avant qu’une organisation comme la santé publique se positionne sur la problématique […] Ça va aider le conseil régional, mais aussi toutes les organisations environnementales, les municipalités, à avoir des projets qui vont être capables de vraiment agir sur des menaces réelles. Je pense que c’est une avancée importante», a-t-il expliqué.
La santé publique régionale indique vouloir jouer un rôle important notamment en prévention et en sensibilisation aux impacts des changements climatiques. Dans son rapport, la Dre Samson fait aussi plusieurs recommandations qui tombent dans la cour des municipalités.
«Ce n’est pas facile de cesser l’étalement urbain... [Mais] on a besoin de cette verdure-là pour les îlots de fraîcheur et pour réduire les impacts des changements climatiques», cible notamment la Dre Samson, qui voit déjà un changement de mentalité s’opérer au sein des élus.
«On a un message sur une densification verte, on a un message sur le transport.»
«Les municipalités sont déjà au courant qu’elles ont un fardeau et qu’elles doivent répondre à ce défi-là», ajoute pour sa part Philippe-David Blanchette.
«Ça va encourager les gens, les élus, les gens qui prennent des décisions à être plus attentifs à nos requêtes, à dire, bien on pourrait peut-être aménager le territoire autrement», analyse-t-il.
Isabelle Samson insiste aussi à plusieurs reprises sur l’importance de se féliciter, lorsque des bons coups en matière d’environnement vont survenir. «Il faut agir et on pense que la santé, c’est un bon moyen de rejoindre les gens», a-t-elle lancé.
Au cours des prochains mois, la directrice de santé publique va s’attarder à la création d’un portrait des vulnérabilités sur l’ensemble du territoire estrien et à la production d’un plan d’adaptation à ces changements climatiques. «Toutes nos actions de santé publique, est-ce qu’elles vont oui ou non avoir tenu compte du prisme des changements climatiques, on est en train de se développer un indicateur», conclut la Dre Samson.