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«Je ne crois pas que le TECFÉE me définit en tant que future enseignante, parce que ça n’évalue pas mes compétences», a lancé Mathilde Laliberté en entrevue.
De futurs enseignants demandent au ministère de l’Éducation de réformer le Test de certification en français écrit pour l'enseignement (TECFÉE), célèbre examen imposé à tous les étudiants du Québec afin d’obtenir leur baccalauréat en enseignement.
C’est le cas de Mathilde Laliberté et de Rosalie Mageau. Les étudiantes de troisième année en éducation préscolaire à l’Université du Québec en Outaouais estiment que le TECFÉE n’est plus adapté «à notre époque».
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Lors d’un entretien avec le Noovo.Info, les aspirantes enseignantes au primaire précisent d’emblée que leur intention n’est pas d’abolir l’examen, mais simplement de le mettre à jour. D’ailleurs, plusieurs étudiants auraient envoyé des lettres à des députés et au nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, à ce sujet.
«On trouve que c’est important de maîtriser la langue, a lancé Rosalie Mageau en entrevue. C’est notre langue, on l’aime, on veut la garder et c’est notre devoir de la transmettre aux enfants. On est d’accord que c’est important d’avoir des barèmes de français.»
«Par contre, il faudrait peut-être revoir les contenus et revoir leur utilité, leur pertinence, parce que c’est tellement déconnecté de ce qui se passe sur le terrain, de ce qu’on va enseigner. C’est plus ça qui nous dérange, c’est plus le contenu que l’examen en tant que tel.»
Bien que Rosalie ait obtenu la note de passage lors de l’examen, cela n’a pas été le cas pour Mathilde Laliberté, qui a reçu un 63%, soit 7% sous la note de passage. Après avoir pris connaissance de son résultat, l’étudiante de 21 ans y est allée d’un cri du cœur sur Facebook, mentionnant qu’elle devra mettre ses études sur pause en raison de cet examen. La publication a suscité de nombreuses réactions et a été partagée plus de 1700 fois.
«C’est certain que j’étais très déçue, parce que je savais que c’était mon dernier essai pour avoir accès à mon stage 3, a confié Mme Laliberté. Je sais que j’ai les compétences et je sais que je vais être une enseignante passionnée qui maîtrise l’art d’enseigner, qui maîtrise aussi les matières, mais cet examen m’a beaucoup remise en question sur tout ce que je pourrais accomplir.»
Mme Laliberté affirme qu’elle n’est pas un cas isolé, alors que plusieurs étudiants auraient échoué.
Contactée par courriel, l'UQO a dévoilé à Noovo Info les résultats des derniers TECFÉE. Les données affichent un taux de réussite de 32% lors de l'examen du 31 août ainsi qu'un taux de réussite de seulement 17% le 1er septembre dernier. Lorsqu'on fait le total des examens depuis le 28 avril 2021, 65% des étudiants de l'UQO ont échoué le TECFÉE à la première passation et 73% ont également échoué lors de la reprise.
Crédit photo: Université du Québec en Outaouais
«Lorsqu’on est à l’université, on est là pour apprendre, pour grandir et pour se perfectionner. De devoir mettre nos études sur pause lorsqu’on a même pas encore fini notre baccalauréat, lorsqu’on a plein de choses à apprendre, c’est tellement démotivant que plusieurs étudiants ont envie de lâcher le programme», avance-t-elle.
«Je ne crois pas que le TECFÉE me définit en tant que future enseignante, parce que ça n’évalue pas mes compétences.»
Selon Radio-Canada, le ministère de l’Éducation mentionnait en septembre 2021 que 247 postes d’enseignants à temps plein étaient toujours à combler dans la province. Le Journal de Québec avance également que près de 40% des enseignants en enseignement de l’Université Laval n’ont pas réussi à obtenir leur diplôme lors de cette année.
Cependant, rien n’empêche un étudiant n’ayant pas obtenu de diplôme de décrocher un contrat en suppléance en raison de cette vaste pénurie d’enseignants. Une chose «d'une grande absurdité» aux yeux de Rosalie Mageau.
«Le gouvernement prive les élèves d’enseignants qualifiés et ils privent les étudiants en enseignement d’une supervision en stage, explique-t-elle. L’examen du TECFÉE n’évalue pas du tout les compétences à enseigner, ça évalue l’habileté à maîtriser la langue, mais à un autre niveau qui n’est même pas nécessaire en tant qu’enseignante au primaire.»
Les étudiantes de 21 ans indiquent que le TECFÉE en divisé en deux parties, soit un texte écrit afin d’évaluer la qualité du français des futurs enseignants et un code linguistique demandant aux étudiants en baccalauréat d’apprendre par cœur plusieurs définitions de mots et d’expressions. Mme Mageau et Mme Laliberté martèlent que la première partie est essentielle pour évaluer la qualité du français des enseignants. C’est plutôt le code linguistique qui est montré du doigt.
«Il y a certaines parties qu’on doit étudier, parce qu’il y a plus de 1000 définitions, plus de 1000 expressions à étudier», soutient-elle.
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Mme Mageau raconte avoir étudié toutes ces expressions francophones par cœur dans le but d’obtenir une note de passage, mais affirme avoir oublié la majorité de ces informations depuis.
«Le vocabulaire et même les expressions, ce sont des expressions qu’on n’utilise pas. J’ai appris tout ça par cœur. J’aidais mon amie Mathilde à étudier et en un an, j’avais tellement oublié de choses que ça m’a fait peur, parce que je me suis dit: “Mon Dieu, je me suis fait du bourrage de crâne juste pour passer l’examen. Après un an, je ne m’en souviens plus, donc ça va être quoi dans 25 ans?”»
De son côté, Mme Laliberté dit avoir reçu plusieurs témoignages de professeurs qui révèlent ne plus se souvenir de ces expressions et de ces définitions.
«Je ne pense pas que les enseignants devraient être des dictionnaires ambulants, ils ne devraient pas être robotiques. Au contraire, ils devraient avoir un côté plus humain.»
Dans son message publié sur Facebook mardi, Mathilde Laliberté avance qu’un tel examen envoie un mauvais message aux étudiants en enseignement.
«Notre système d’éducation préfère diplômer des enseignants qui connaissent les expressions d’antan plutôt que des enseignants compétents», peut-on lire.
Les étudiantes déplorent également que le TECFÉE survient à des moments peu propices lors de leur session universitaire, lui qui doit être effectué en novembre et en avril lors des fins de session universitaires, où la majorité des travaux doivent être remis.
«Par exemple, ça tombe en deuxième année de notre bac pendant notre stage, se souvient Mme Laliberté. Lors de notre stage, on a de la planification à faire, on a tellement d’autres choses à faire que ça, donc il faut faire un choix. Est-ce qu’on veut passer notre stage et apprendre notre métier sur le terrain, ou on choisit d’étudier des expressions?»
«Pour ma part, je dois me concentrer à 100% dans un projet pour le réussir, donc c’est certain que j’ai décidé me mettre mon stage de l’avant.»
Bien que certaines universités offrent plusieurs ressources en vue du TECFÉE, les deux étudiantes de l’UQO affirment que leur université ne dispose pas de cours préparatoires permettant de se préparer face à cet examen de français.
«Il y a tellement de contenu, autant en vocabulaire, en grammaire, syntaxe, ponctuation, etc. C’est vraiment tout. Puis, des fois ça peut être difficile à structurer. Dans le fond, les outils nous aident à structurer notre étude et il y a tellement de choses, donc vu qu’on n’a pas de cours préparatoires pour ça, c’est difficile d’organiser notre étude», mentionne Rosalie Mageau.
À la suite de cet échec au TECFÉE, Mathilde Laliberté n’aura pas l’occasion immédiate d’obtenir un stage afin de faire le saut dans le marché du travail. Elle affirme toutefois que l’examen de français ne l’empêchera pas de réaliser son rêve: devenir enseignante au primaire.
«Depuis toujours, je travaille avec les enfants et oui, c’est une grosse barrière pour mon parcours, mais je pense tellement que je peux amener un changement positif dans la vie des enfants et d’avoir un impact dans leur vie que je ne me vois pas arrêter. J’essaie de garder espoir, j’essaie de continuer malgré tout.»
«Elle ne peut pas abandonner, elle va être une trop bonne enseignante!», conclut Rosalie Mageau.