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Le gouvernement fédéral demande à un juge de rejeter la demande d’une photographe québécoise qui souhaite faire autoriser une action collective.
Le gouvernement fédéral demande à un juge de rejeter la demande d’une photographe québécoise qui souhaite faire autoriser une action collective, impliquant possiblement des millions de personnes, concernant l’utilisation par la GRC d’un outil controversé de reconnaissance faciale.
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Dans une soumission à la Cour fédérale, les avocats du gouvernement ont déclaré que Ha Vi Doan ne peut pas alléguer qu’elle a subi « un préjudice de quelque nature que ce soit » en raison de l’utilisation par la police nationale d’une technologie de la société américaine Clearview AI.
L’action collective proposée par Mme Doan demande des dommages-intérêts non spécifiés pour elle et d’autres Canadiens dont les photos et les informations connexes auraient été incluses dans une base de données massive compilée par Clearview AI et utilisée sous licence par la GRC.
La technologie de Clearview AI a fait l’objet d’un examen approfondi, car elle implique la collecte d’un grand nombre d’images provenant de diverses sources dans le but d’aider les corps de police, les institutions financières et d’autres clients à identifier des individus à partir de photos.
Dans un rapport de février 2021, le commissaire fédéral à la protection de la vie privée Daniel Therrien et trois homologues provinciaux ont déclaré que l’extraction, par la société new-yorkaise, de milliards d’images de personnes sur internet constituait une violation flagrante du droit à la vie privée des Canadiens.
En juin dernier, M. Therrien a déterminé que la GRC avait enfreint la loi en utilisant le logiciel de Clearview AI pour recueillir des renseignements personnels.
Le commissaire à la protection de la vie privée a découvert que la GRC avait effectué 521 recherches via des comptes d’utilisateurs payants et d’essai avec Clearview d’octobre 2019 à juillet 2020.
« En l’absence de toute preuve que la GRC a effectué ces perquisitions et saisies en vertu d’une autorité légale, les perquisitions et saisies sont présumées déraisonnables », a fait valoir Mme Doan dans un document déposé au tribunal.
M. Therrien a conclu que la GRC avait accédé à des images de Canadiens par le biais de Clearview AI dans le cadre de son travail.
La gendarmerie a déclaré publiquement que la force n’utilisait la technologie de l’entreprise que de manière limitée, principalement pour identifier, localiser et secourir des enfants victimes d’abus sexuels en ligne.
Cependant, l’enquête du commissaire à la protection de la vie privée a révélé que la GRC n’avait pas rendu compte de manière satisfaisante de la grande majorité des recherches qu’elle avait effectuées.
Dans le dossier du tribunal, les avocats fédéraux affirment que l’utilisation de Clearview a aidé la GRC à identifier et à localiser trois enfants victimes. D’autres utilisations comprenaient la recherche d’un fugitif recherché et le test de l’application avec des images de policiers, des images modifiées d’une célébrité américaine ou des images médiatiques de personnes disparues.
Clearview AI a cessé d’offrir ses services au Canada le 6 juillet 2020.
L’action collective proposée par Mme Doan indique que la GRC est devenue cliente de Clearview AI même si les services de l’entreprise impliquaient une « invasion à grande échelle de la vie privée des résidants et des citoyens du Canada », ainsi qu’une violation du droit d’auteur.
Mme Doan est passionnée de photographie et prend des photos d’elle-même et d’autres personnes, publiant un nombre important d’entre elles sur son propre site web et sur des plateformes en ligne telles que Facebook et Instagram, indique le dossier.
Elle allègue que ses « informations biométriques personnelles » et ses photos ont été collectées, copiées, reproduites, stockées ou utilisées par Clearview à son insu et sans son consentement.
L’action collective couvrirait les personnes au Canada dont les images sont dans la base de données Clearview AI et celles qui détiennent le droit d’auteur et les droits moraux de ces photos.
Elle demande une ordonnance du tribunal enjoignant à la GRC de détruire tous les documents et renseignements de Clearview en réponse aux recherches dans la base de données impliquant des résidants du Canada.
Dans leur dossier, les avocats fédéraux notent que Mme Doan a obtenu la confirmation de Clearview qu’au 10 juillet 2020, la société avait identifié sept images distinctes d’elle sur internet. Celles-ci semblaient provenir de ses comptes Instagram et Twitter, de son site web commercial et de deux sources indépendantes.
« Qu’il s’agisse de Google, Facebook, Instagram, Clearview ou d’un annuaire téléphonique, l’accès à une base de données publique ou à un moteur de recherche ne crée pas de responsabilité à l’égard de toutes les personnes dont les informations y sont contenues, peu importe la façon dont les informations ont été effectivement accessibles et la nature de ces informations », indique le mémoire fédéral.
Mme Doan n’allègue pas que la GRC a réellement vu, et encore moins copié, même une seule photo d’elle ou prise par elle s’étant retrouvée dans la base de données de Clearview, disent les avocats du gouvernement.
« Son cas est fondé sur la notion que ce fait n’a pas d’importance. Or c’est important. En l’absence de tout fait matériel indiquant que le défendeur a recherché, vu ou copié des informations relatives au demandeur, il est illusoire de parler de violations de ses droits ou de la causalité », indique le dossier fédéral.
« En effet, la plaignante n’a pas (et ne pouvait pas) alléguer qu’elle a subi un préjudice de quelque nature que ce soit. »