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Chronique |

Olivier Primeau et l’avortement

«Cher Olivier, laisse le volant à ceux qui savent conduire.»

Quand j’ai commencé mes chroniques, je croyais avoir à courir après les sujets à aborder. C’était sous-estimer l’époque dans laquelle on vit qui repousse les limites du bon sens. Jamais je n’aurais cru avoir à parler dans un même souffle d’Olivier Primeau et du droit à l’avortement, mais voilà où nous en sommes.

En plein cœur des élections fédérales, l’entrepreneur que vous connaissez comme le propriétaire de l’ancien Beach Club, s’est entretenu avec le chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Pierre Poilievre.

Après tout, qui de mieux placé pour mener une conversation sur les droits humains, vous allez me dire?

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En voici un extrait:

Olivier: Pourquoi pensez-vous que les femmes ont moins confiance au Parti conservateur? C’est une question qu’on m’a demandé de vous poser…

Poilievre: On était au gouvernement pendant 10 ans avec un parti avec une majorité dans le Sénat et la Chambre des communes et on n’a jamais changé les lois là-dessus. On va défendre les droits des femmes.

Olivier: Je pense qu’il y a énormément de gens qui vont être extrêmement contents d’entendre ça, parce que c’est un commentaire que j’ai beaucoup.

Poilievre: Je peux vous garantir qu’un gouvernement conservateur va jamais permettre que la loi soit changée pour restreindre le droit des femmes.

Fin de la discussion.

Olivier Primeau a 650 000 abonnés sur Instagram, où il a diffusé cet échange. On peut facilement déduire que son auditeur moyen est quelque chose comme un homme blanc privilégié, et je vais me permettre d’ajouter, sans études ou connaissance approfondie de la politique. Ceux-là vont certainement boire ses paroles en pensant que les femmes n’ont aucune raison de s’inquiéter.

Mon cher Olivier, Pierre Poilievre a raison sur une chose. Le PCC n’a pas retiré le droit des femmes à l’autonomie, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.

On n’a qu’à reculer en 2023 alors que la députée antiavortement conservatrice Cathay Wagantall a échoué à faire adopter le projet de loi C-311 qui aurait ouvert une brèche dans le droit des femmes à prendre des décisions sur leur corps. La mesure législative a été battue à 205 voix contre 113. Voudrais-tu deviner quel parti a appuyé ce projet loi, Olivier?

Selon la Coalition pour le droit à l’avortement du Canada, au moins 48 projets de loi et motions antiavortements ont été présentés au Parlement du Canada depuis 1987.

Ils ont tous été rejetés. Oli, veux-tu essayer de deviner à quel parti on doit la majorité de ces tentatives de contrôler nos droits reproductifs?  En 2007, le projet de loi C-484 qui considère le fœtus comme une personne est passée en deuxième lecture.

Pour le savoir, il aurait fallu à Olivier Primeau de prendre cinq minutes de son temps pour s’éduquer avant de s’entretenir avec le chef du Parti conservateur. Et c’est là que les entrevues menées par des influenceurs sans aucune connaissance des sujets abordés deviennent dangereux.

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Comme son prédécesseur Stephen Harper, bien sûr que le chef du Parti conservateur ne se targuera pas en entrevue de vouloir restreindre nos droits humains. Il comptait, et avec raison, sur l’inculture de son animateur.

La réalité, c’est que son parti travaille d’arrache-pied depuis des décennies pour bafouer les droits des femmes à sa pleine autonomie. Le retour en arrière d’une cinquantaine d’années avec l’abolition de Roe c. Wade ne s’est lui non plus fait avec des politiciens qui s’en vantaient avant les élections. Comme nous, les Américains se croyaient à l’abri d’un tel revers.

S’il y avait une réelle curiosité de comprendre ce qui pèse actuellement dans les élections, l’influenceur aurait pu inviter un expert de la politique canadienne. Quand on ne comprend pas toute l’étendue de ce qui est en jeu, c’est la décision responsable à prendre.

Mon cher Olivier, pendant l’une des courses électorales les plus importantes de notre vie, rends service à tout le monde et laisse le volant à ceux qui savent conduire.

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