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Société

Quand un père de famille vole pour 5 $ à l’épicerie

«On a eu beaucoup de pertes. On ne peut pas se permettre ça, sinon on va fermer», déplore un épicier.

/ Noovo Info

Les vols à l’étalage sont de plus en plus fréquents dans les épiceries du Québec. La tendance à la hausse est observée sur le terrain notamment par le Conseil canadien du commerce du détail et par les propriétaires de marchés d’alimentation.

Mohamed Ameur est épicier depuis 16 ans dans le marché Afrique Saint-Denis, situé aux coins Saint-Denis et Jean Talon, à Montréal.  Il n’a jamais vu autant de vols en aussi peu de temps et déplore être victime de clients pourtant fidèles, parfois des pères ou mères de famille.

Voyez le reportage de Véronique Dubé la vidéo accompagnant ce texte.

«Juste avant-hier, j’ai eu un gars qui a volé des assaisonnements», s’étonne-t-il. Il raconte que l’homme en question est client chez lui depuis deux ans, qu’il a deux petits garçons et qu’il n’a eu d’autre choix que de le bannir de son commerce. «Des exemples encore pires, un gars qui a pris de la viande emballée dans un plateau. Je pense qu’il a mis la viande dans sa poche ! Un autre est parti avec quatre sacs de crevettes et est parti en courant», décrit-il.

Le marché est doté de 16 caméras qui filment toutes les allées et que le caissier surveille en tout temps. Lors du passage de Nooo Info, l’un des employés a montré plusieurs scènes de vols captées par le système.  On y voit un homme qui consomme une cannette de boisson énergisante sur place sans payer, un couple qui dérobe une bière en la dissimulant dans un sac, etc.  «On prend plus de temps maintenant pour surveiller les gens que pour servir les clients, parce qu’on a eu beaucoup de pertes, on ne peut pas se le permettre ça sinon on va fermer,  laisse tomber M. Ameur.

Le président du Conseil canadien du commerce de détail, Michel Rochette, explique que le cas de Mohamed est généralisé et frappe de plein fouet de grandes chaînes d’alimentation. «L’inflation n’a pas aidé, mais la multiplication des caisses libre-service fait aussi en sorte qu’il y a un peu moins de surveillance et d’encadrement lorsque les gens font leurs emplettes», relève-t-il.

«Volontairement ou involontairement, des fois il y a des produits qui peuvent rester dans le fond du panier ou le code-barre n’est peut-être pas tout le temps le bon quand il est entré manuellement pour les fruits et légumes.»
Michel Rochette, président du Conseil canadien du commerce de détail

 Il ajoute que la pénurie de personnel a pour conséquence qu’il y a aussi moins d’yeux sur le plancher pour faire la vigie.

La grande bannière Métro confirme être touchée par le fléau. «Nous observons au fil du temps une corrélation entre un contexte économique difficile et l'augmentation des vols. De plus, nous constatons une corrélation entre le taux de criminalité d’un secteur et la fréquence des vols dont nous sommes l’objet», écrit la porte-parole Geneviève Grégoire.

«L'ajout d’agents de sécurité visibles et l’utilisation de technologies améliorées sont des exemples de mesure active de dissuasion utilisée pour protéger nos actifs et offrir un environnement de travail sûr pour nos employés.» 
-Geneviève Grégoire, porte-parole de Métro

La hausse des vols ne se répercute pourtant pas sur les statistiques de vols à l’étalage chez les corps policiers. Au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), il y a eu cette année 2430 intervention pour vols à l’étalage tous commerces de détail confondus, comparativement à 3735 l’an dernier.

Pas d'appel à la police

Mohamed Ameur avoue qu’il n’appelle pas la police lorsqu’il se fait voler. «Parce qu’on ne veut pas une mauvaise image sur le magasin.»

Le Conseil canadien du commerce de détail demande aux commerçants de tenir des registres pour détecter de potentiels réseaux de voleurs et de revendeurs. «Pour essayer de comprendre et de savoir comment on peut limiter cette explosion-là parce que les gens se mettent à risque, ça affecte les coûts et tout le monde est affecté ensuite par le vol à l’étalage», explique M. Rochette.

Pour sa part, quand il prend un voleur la main dans le sac, Mohamed lui demande de lui remettre son produit et lui interdit à jamais l’accès à son marché. Il confie que pour lui c’est crève-cœur.  «Un père de famille qui fait ça, ça me chauffe, moi! Pour 5 dollars d’épices, ça veut dire qu’il n’arrive pas à subvenir à leur besoin», conclut-il.