Début du contenu principal.
«Il s'est montré un peu plus à l'aise en français et aussi plus préparé en ce qui concerne la culture québécoise.»
À une semaine des rassemblements familiaux en vue du long congé de Pâques, le chef libéral Mark Carney est allé sur le plateau de la populaire émission Tout le monde en parle (TLMEP), dimanche soir, à Radio-Canada. Il est arrivé à 20 h 25, vêtu d'un habit sombre, veston, cravate, mais il était à l'aise et bien préparé.
«Il n'a pas fait d'erreur majeure. Ça faisait du bien aussi de voir M. Carney dans le cadre d'une entrevue parce qu'il n'en a pas accordé beaucoup depuis le début de la campagne», a noté l'ex-stratège libéral et analyste politique Jeremy Ghio en entrevue à La Presse Canadienne.
Il ne reste plus que 15 jours à la campagne électorale et des analystes observent que les Canadiens ne connaissent pas encore vraiment le chef libéral Mark Carney, outre l'économiste pragmatique, un rôle qui lui a bien servi jusqu'à maintenant, dans la foulée de la guerre commerciale avec l'administration Trump aux États-Unis.
«On n'a pas appris grand-chose de nouveau. Par contre, il s'est montré un peu plus à l'aise que normalement en français et aussi plus préparé en ce qui concerne la culture québécoise. J'ai notamment en tête le moment où le fou du roi lui demande dans quel groupe d'humoristes Guy A Lepage fait partie? Il a répondu, à ma grande surprise, le bon groupe RBO», a souligné M. Ghio qui est aujourd'hui directeur principal en relations publiques chez TACT.
Le chef du Parti libéral du Canada (PLC), Mark Carney, a répondu aux questions de l'animateur Guy A. Lepage pendant une quinzaine de minutes, tout comme le chef conservateur Pierre Poilievre, qui convoite aussi le poste de premier ministre aux élections fédérales du 28 avril. Les deux chefs de parti ont été interviewés séparément par l'animateur. M. Poilievre est arrivé le premier, au son de la chanson «J'entends frapper» de Michel Pagliaro.
«M. Poilievre a été meilleur que M. Carney ce soir. Il a été plus souriant, plus détendu, plus à l'aise. Et c'est sûr que M. Poilievre a été meilleur ce soir du simple fait de sa meilleure maîtrise de la langue française», a observé M. Ghio.
Questionné par l'animateur de TLMEP sur s'il a hérité «d'une patate chaude» de son prédécesseur Justin Trudeau, l'actuel chef libéral a répondu calmement que c'est justement la raison pourquoi il a fait le saut en politique, pour gérer la crise actuelle, y compris la crise du logement, sinon il ne serait pas là.
«Non, la vie est plus simple au privé, mais c'est trop important maintenant pour notre pays», a répondu celui qui est premier ministre du Canada depuis un mois et chef libéral.
Mark Carney s'était préparé depuis quelques jours pour son passage à l'émission TLMEP, selon des sources au sein de l'équipe libérale. Elles se disaient conscientes qu'il s'agissait de l'une des émissions les plus écoutées au Québec et que M. Carney y voyait une opportunité pour parler directement aux Québécois et se faire connaître davantage.
À VOIR AUSSI | La qualité du français de Mark Carney pourrait-elle lui coûter des votes?
Au sein de l'équipe libérale, on assure que c'est important pour M. Carney, qui a grandi à Edmonton, en Alberta, de parfaire son apprentissage du français. Il s'y pratiquerait régulièrement avec des membres francophones de son équipe de campagne.
La dernière fois que Mark Carney a participé à une émission de fin de soirée de type talk-show, c'était le 13 janvier dernier, au Daily Show, de l'animateur Jon Stewart, aux États-Unis, qui traite des sujets d'actualités de manière humoristique.
À ce moment-là, Mark Carney n'avait pas encore confirmé sa candidature dans la course à la direction du Parti libéral du Canada (PLC), qu'il a finalement remportée le 9 mars, succédant à Justin Trudeau comme chef libéral, puis en tant que 24e premier ministre du Canada le 14 mars. La rencontre de 20 minutes avec l'animateur américain Jon Stewart, sur un ton léger et humoristique, avait permis de dévoiler un autre côté de l'économiste et ancien gouverneur de la Banque du Canada.
Cette fois, l'entrevue s'est déroulée en français, qui n'est pas sa langue maternelle.
«Je suis loin d'être parfait. C'est évident, mon français, par exemple. J'ai fait des gaffes (...) Pour moi, c'est mieux d'être comme ça, d'être transparent.»
«Ce genre d'humilité, qui n'est pas traditionnelle chez un politicien, ça semble fonctionner jusqu'à présent auprès d'un certain électorat. De le voir l'appliquer dans une entrevue de grande écoute, ça peut être payant pour lui», a observé l'analyste politique Jeremy Ghio.
En campagne plus tôt dans la journée à L'Ascension-de-Notre-Seigneur, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, le chef du Bloc québécois (BQ), Yves-François Blanchet, avait indiqué qu'il allait écouter avec intérêt l'entrevue de M. Carney à l'émission TLMEP, avec du maïs soufflé.
À VOIR AUSSI | Singh sur TikTok, Poilievre sur Instagram: comment se débrouillent les chefs sur les réseaux sociaux?
Durant l'entrevue, il a souligné une affirmation de M. Carney à qui Guy A. Lepage a demandé «si c'est plus le fun d'être premier ministre que candidat?»
«Dans un sens, c'est plus facile dans une crise parce que j'ai beaucoup d'expérience avec des crises», a dit Mark Carney en référence à la crise financière de 2008 au Canada, alors qu'il était gouverneur de la Banque du Canada et celle liée au Brexit alors qu'il était gouverneur de la Banque d'Angleterre.
«Dans une crise, il faut agir. Il faut prendre de grandes décisions. Il faut avoir de l'audace. D'être candidat, c'est différent. On fait des discours, on sert des mains, on regarde des vaches», a-t-il affirmé sans préciser sa pensée, ce que n'a pas manqué de faire ressortir le chef bloquiste Yves-François Blanchet.
«On regarde des vaches. La vision de Mark Carney de la démocratie, et de la campagne», a écrit le chef du BQ dans un gazouillis sur le réseau social X, à peine ces mots prononcés par le chef libéral.
L'affaire a bien fait rire l'ex-stratège libéral, Jeremy Ghio.
«Je pense que c'est les limitations de la langue pour M. Carney. On comprend bien qu'il a essayé de faire référence à un moment de campagne. En campagne, les politiciens vont visiter plusieurs entreprises, des fermes locales (...) On comprend facilement ce qu'il veut dire», a analysé M. Ghio.
Jusqu'à présent, Mark Carney n'a accordé que très peu d'entrevues, à l'extérieur des conférences de presse de campagne, dont les questions sont limitées. Il a fait face aux questions de trois journalistes de Radio-Canada à l’émission spéciale Cinq chefs, une élection, le 3 avril dernier.
Sa participation à l'émission Tout le monde en parle, qui a une bonne cote d'écoute au Québec le dimanche soir, visait à apporter un nouvel éclairage sur le nouveau politicien.
«Les deux chefs n'ont pas fait de faux pas, mais je ne pense pas que les deux chefs vont avoir été chercher de nouveaux appuis après l'émission de ce soir», a résumé pour sa part M. Ghio.
Place maintenant aux débats des chefs, plus tard cette semaine, qui peuvent contribuer à convaincre des électeurs indécis. Les débats de mercredi, en français, et de jeudi, en anglais, où les chefs des principaux partis fédéraux s'affronteront pour la première fois depuis le déclenchement des élections le 23 mars, pourraient marquer un moment décisif de la campagne.
En date du 12 avril, l'agrégateur de sondages 338Canada rapportait que le PLC était toujours en avance dans les intentions de vote des Canadiens à 44 %, avec une marge d'erreur de plus ou moins 5 %, suivi du Parti conservateur à 37 %, avec une marge d'erreur de plus ou moins 4 %, suivi du NPD à 9 %, du BQ à 6 % et du Parti vert du Canada (PVC) à 2 %. Les sondages ont peu bougé dans l'appui aux libéraux et aux conservateurs depuis le début de la campagne électorale.
Au Québec, l'avance des libéraux dans les sondages se situait à 43 %, suivi par 24 % des intentions de vote allant plutôt au Bloc québécois (BQ) et ensuite au Parti conservateur du Canada (PCC) à 23 %, puis au Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD) à 6 %.