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Politique

«Les électeurs ne croient plus que Poilievre sera premier ministre», selon Blanchet

«Il y a plus de chances que le Bloc québécois ait 35 sièges que de chances que (le chef conservateur) Pierre Poilievre soit premier ministre.»

Patrice Bergeron
Patrice Bergeron / La Presse canadienne

Le Bloc québécois propose près de 133 milliards $ de nouvelles dépenses au fédéral sur cinq ans, selon le cadre financier du parti déposé vendredi.

Il baisse légèrement la barre concernant le transfert fédéral en santé réclamé pour le Québec.

Les déficits cumulés sur 5 ans totaliseraient 205,6 milliards $, soit un peu plus que le scénario actuel du Directeur parlementaire du budget, estimé à 168,5 milliards $.

Le parti souverainiste devient ainsi la première formation à déposer son cadre financier dans la campagne électorale.

Les 133 milliards $ représenteraient ainsi la valeur des engagements pris par le Bloc en campagne s'il pouvait les réaliser.

Un gouvernement libéral ou conservateur qui réaliserait donc tous le engagements bloquistes en plus des siens endetterait encore plus le Canada?

«Ça ne fonctionne pas comme ça, a rétorqué le chef bloquiste Yves-François Blanchet, en mêlée de presse à Longueuil, devant un centre pour itinérants.  Dans la réalité, ça se négocie, on va voir le gouvernement avec notre idée et si le gouvernement l'adopte, elle appartient à la Chambre.» 

 

Les deux principaux postes de dépenses du cadre du Bloc seraient, de un, la mise en place d'une subvention salariale dans le cadre de la guerre commerciale (22 milliards $), et de deux, 15 milliards $ pour financer le transport en commun. 

Il y a aussi la hausse du transfert fédéral en santé destiné aux provinces, qui représenterait 11,6 milliards $.

Étonnamment, c'est beaucoup moins que sa position traditionnelle, alignée sur celle du Québec et des provinces, soit la hausse de la part fédérale du financement des soins de santé de 23 % à 35 %, ce qui représenterait une cagnotte de 28 milliards $ supplémentaires par an, dont 6 milliards $ pour le Québec.

«J'ai bien compris que les 28 milliards $ ne seront pas donnés (par le fédéral), a plaidé M. Blanchet. On s'est dit qu'en augmentant de 1 % par année la part du fédéral, on aurait une demande qui apparaîtrait plutôt raisonnable.»

Enfin, il y a la bonification de la pension de la sécurité de la vieillesse élargie pour les personnes de 65 à 74 ans, plutôt que seulement 75 ans et plus. Cela représenterait 14 milliards $ de plus.   

Carney et non Poilievre

En matinée, M. Blanchet s'est risqué à un petit exercice de prévision. 

«Il y a plus de chances que le Bloc québécois ait 35 sièges que de chances que (le chef conservateur) Pierre Poilievre soit premier ministre», a-t-il déclaré.

Selon lui, à dix jours du vote, «les électeurs ne croient plus que M. Poilievre sera premier ministre du Canada, rendu au stade où on est».

À la dissolution de la Chambre des communes, le Bloc disposait de 33 sièges, mais les sondages actuels laissent croire qu'il bataillerait pour conserver ses acquis en raison de la remontée du Parti libéral du Canada partout au pays. 

M. Blanchet a été appelé à préciser sa pensée lors d'une conférence de presse un peu plus tard en matinée, à Terrebonne, alors qu'il était accompagné de ses candidats de la couronne nord.

Quand on lui a demandé quelles étaient les probabilités qu'il gagne donc deux sièges supplémentaires, à 35, il a été plus évasif.

Il ne s'est pas avancé sur des probabilités, mais a dit: «Je ne sais pas si j'aurai 35 sièges ou pas.»

Aux élections de 2021, le leader bloquiste s’était risqué à souhaiter 40 sièges, or ses attentes avaient été déçues. Il avait fini avec le même nombre de sièges qu’à la dissolution de la Chambre, soit 32.

Maintenant que la victoire du chef libéral Carney semblerait plus assurée selon ce qu'il laisse entendre, M. Blanchet veut tenter pour les dix derniers jours de campagne de convaincre les indécis ou ceux qui misaient sur le Parti libéral comme valeur refuge de revenir au Bloc.  

«Y a-t-il une meilleure fin de semaine que Pâques pour dire aux gens de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier», a-t-il plaidé: il souhaite qu'un éventuel prochain gouvernement libéral soit minoritaire et que le Bloc ait suffisamment de sièges pour avoir la balance du pouvoir.

Congé de TPS

Le Bloc a proposé vendredi un congé de TPS sur l'achat d'une maison neuve pour les acheteurs qui se procurent une première propriété sur les premiers 750 000 $. 

Les libéraux ont aussi proposé le congé de TPS pour l'achat d'une première maison d'un million $ et moins. Les conservateurs promettent la même mesure, mais pour les premières maisons de moins de 1,3 million $.

Devant une maison neuve en construction à Terrebonne, M. Blanchet a rappelé que l'accessibilité au marché immobilier a grandement diminué pour les acheteurs en raison de l'explosion des prix. 

M. Blanchet demande aussi l'abolition de la TPS sur les frais afférents, par exemple les notaires ou les inspecteurs en bâtiment.

Le gouvernement Legault avait refusé d'abolir de son côté la TVQ, estimant que cela ne ferait que surchauffer davantage le marché déjà haussier.

 «Mon espoir est que le cap qu'on met là-dessus ne provoquera pas une spirale inflationniste», a plutôt rétorqué M. Blanchet.

Il propose également que le fédéral offre un prêt sans intérêt d’un maximum de 20 000 $, soit 4 % pour une propriété d’une valeur maximale de 500 000 $, pour aider les premiers acheteurs à ficeler leur mise de fonds initiale.

Cela coûterait au fédéral un peu de 1,5 milliard $ sur cinq ans, juge-t-on.  

Pour un ménage touchant le maximum de 20 000 $, cela équivaudrait à un montant mensuel de 166,66 $ ou bimensuel de 76,92$, estime le Bloc.  

Une commission à abolir

Tôt vendredi, au lendemain du débat en anglais, M. Blanchet a tiré à boulets rouges sur la Commission des débats des chefs, qu'il décrit comme des «pas bons», qui devraient «disparaître».

La commission, critiquée depuis quelques jours pour sa gestion des débats des chefs, a dû annuler jeudi soir les points de presse de chacun des chefs après le débat en anglais en raison de tensions dans la salle de presse.

Le directeur général de la commission, Michel Cormier, a expliqué qu'il n'était «pas capable d'assurer l'environnement propice à la tenue de cet événement», mais n'avait pas voulu répondre aux questions des journalistes. 

En mêlée de presse vendredi matin dans un hôtel montréalais, M. Blanchet a dénoncé le fait qu'il n'a donc pas pu s'adresser à ses concitoyens en français après la tenue du débat. 

On a mis des millions de dollars dans une commission qui est «entre nuisible et inutile», a-t-il dénoncé.

En entrevue avec Patrick Lagacé au 98,5, vendredi matin, M. Blanchet a reproché à la commission d'avoir accordé cinq accréditations au média de droite Rebel News. Les employés de ce média avaient dominé la période de questions la veille, après le débat en français.

«C'est des pas bons, pis il faut que ça disparaisse», a-t-il tonné en parlant de la commission.

La commission avait expliqué sa décision d'accorder des accréditations par sa crainte de se faire poursuivre par Rebel News. M. Cormier avait souligné que le média avait obtenu des injonctions judiciaires en 2019 et 2021 l'autorisant à participer aux débats.

Rebel News a indiqué mercredi sur son site internet qu'il avait exercé des pressions juridiques sur la commission pour obtenir un meilleur accès aux débats et que cette dernière avait permis à cinq journalistes de poser des questions.

«Ben, qu'ils soient poursuivis», a rétorqué M. Blanchet lorsqu'il a été questionné par M. Lagacé sur le sujet.

«Quand t'as quelque chose à faire, t'as une responsabilité, t'arrives pas au micro, piteux-piteux, en disant: "On va annuler parce qu'on a peur d'eux autres".»

Tensions dans la salle de presse

Dans la salle de presse jeudi soir avant le débat, la tension a monté d’un cran lorsque des journalistes ont accusé des membres de la délégation de Rebel News d’avoir monopolisé la période de questions la veille, mercredi soir, mais aussi, ont reproché à Rebel News d’être enregistré comme tiers parti.

Les tiers partis sont des groupes qui cherchent à influencer les élections, mais qui ne sont ni des partis ni des candidats. Ils sont tenus de s'inscrire pour diffuser des publicités.

Michel Cormier est alors intervenu et a discuté longuement avec un représentant de Rebel News hors de la salle de presse, alors que la sécurité avait confiné les journalistes à l’intérieur de la salle en leur interdisant de franchir la porte. 

Rebel News est affilié à ForCanada, une organisation qui amasse des fonds pour faire circuler des camions affichant des publicités que certains jugent complotistes sur le chef libéral Mark Carney. 

L'Association canadienne des journalistes et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ont déclaré que la commission ne les avait pas consultées sur les règles d'accès aux médias cette année, malgré leur demande d'aide pour définir les critères.

En septembre dernier, un juge de la Cour fédérale a confirmé la décision d'Ottawa de refuser les crédits d'impôt pour journalisme à Rebel News, car l'organisme ne produit pas suffisamment de contenu d'information original.

Patrice Bergeron
Patrice Bergeron / La Presse canadienne