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«Malheureusement, on a perdu le contrôle. On va être obligé de laisser brûler Clova», lançait le premier ministre François Legault le 5 juin.
«Malheureusement, on a perdu le contrôle. On va être obligé de laisser brûler Clova», lançait le premier ministre François Legault le 5 juin, au plus fort de la saison historique des feux de forêt. Loin d’avoir été détruit, le hameau situé à l’intérieur de la municipalité de La Tuque, en Mauricie, est aujourd’hui rempli de vie.
Le motel et le restaurant de Dominic Vincent sont pleins ces jours-ci — en grande partie grâce aux travailleurs de l’industrie forestière qui tentent de récolter une partie du bois brûlé avant qu'il ne se détériore à cause de la sécheresse et des insectes.
«On en a pour trois ans de récolte, mais on a seulement une année pour la faire, donc on peut parler d’une course», souligne M. Vincent en entrevue téléphonique.
«Il y a pas mal de travailleurs de l’industrie forestière qui sont ici en ce moment qui, habituellement, sont déjà partis», ajoute-t-il, notant au passage que les motels sont «pleins, pleins, pleins».
Début juin, le portrait était cependant bien différent. Pendant que plus de 150 incendies de forêt brûlaient partout au Québec, presque tous les résidants de la petite communauté ont été forcés d’évacuer.
En raison de l’intensité des flammes, qui a fait en sorte que les avions-citernes n’ont pas pu décoller, M. Legault avait même annoncé en conférence de presse que les équipes seraient forcées de «laisser brûler Clova».
Ce que le premier ministre ne savait pas, toutefois, c’est que la bataille pour sauver Clova était loin d’être terminée.
M. Vincent faisait partie des quelque neuf résidants du hameau qui sont restés sur place pour protéger leur communauté, en arrosant les abords des maisons et des routes pendant deux nuits consécutives, parfois jusqu’à 4 h 30 du matin.
Au départ, la seule machinerie qu’ils avaient à leur disposition était une vieille pompe fournie par les pompiers locaux. Dans les heures qui ont suivi, ils ont pu mettre la main sur de l’équipement plus moderne, gracieuseté d’entreprises de la région.
Peu de temps après la déclaration du premier ministre, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a tenté de corriger le tir en mentionnant que des efforts étaient toujours déployés à Clova, notamment du travail au sol et de l'arrosage héliporté, pendant que les avions-citernes étaient cloués au sol.
Selon M. Vincent, le pire de la crise était même déjà passé lorsque M. Legault a fait sa déclaration — ce qui n’a pas empêché ses proches de lui envoyer des messages en panique.
«Ça avait l’air pire vu de l’extérieur», affirme M. Vincent. Les personnes qui sont restées dans le village avaient tout de même mis en place un plan d’évacuation lorsque les flammes se sont approchées à deux kilomètres de Clova.
Éric Chagnon, qui est conseiller municipal à La Tuque pour le secteur qui couvre Clova, déplore que M. Legault n’ait pas été mieux informé de la situation avant de donner son point de presse.
«Quand le premier ministre a dit qu’il va falloir abandonner Clova pour sauver d’autres endroits, j’ai trouvé que ça manquait un peu de respect pour les gens qui étaient encore là», dit-il en entrevue.
M. Chagnon rappelle que même si le hameau ne compte officiellement que 36 résidants, on y trouve toujours en moyenne environ 100 ou 200 personnes qui séjournent dans des chalets ou qui travaillent dans l’industrie forestière.
Le secteur est aussi très populaire pour la chasse, la pêche, et les excursions en motoneige, qui attirent «beaucoup de touristes».
Le conseiller municipal, qui a aidé à amener des réservoirs d’eau à Clova pendant les feux, estime que la province devrait apprendre à mieux se préparer afin que les villageois ne soient pas «laissés à eux-mêmes» en cas d’incendie.
«Ce n’est pas normal qu’au Québec ou au Canada, on ait une armée et plein de gens qui combattent les flammes, mais qui n’ont aucune formation pour ce travail et qui ne savent pas comment aider les gens dans des moments difficiles comme ceux-là.»
Aucune maison n’a été détruite par les flammes à Clova, mais plusieurs personnes ont perdu leur chalet — une situation qui, selon M. Vincent, aurait pu être évitée si les habitants avaient eu accès à plus de ressources.
«Il y a des gens qui ont perdu leur chalet parce que nous n'étions pas assez bien équipés pour le protéger», dénonce-t-il.
La saison des incendies a également été difficile à encaisser pour l'industrie forestière et les entreprises touristiques, qui ont dû fermer leurs portes pendant la haute saison.
Olivier Brossard, propriétaire de «César Camps du Nord» à Clova, n’a perdu aucun de ses chalets, mais il a été privé de revenus substantiels en raison de l’interdiction des activités en forêt qui a été imposée pendant une bonne partie du mois de juin.
«On venait de traverser deux années pandémiques, où le tourisme a été au ralenti, et là, on a eu les incendies», mentionne-t-il, ajoutant que plusieurs pourvoyeurs comme lui espèrent obtenir de l’aide financière de la part du gouvernement.
Aujourd'hui, lorsque M. Brossard survole la forêt avec ses avions, il peut voir les chalets qui ont été détruits et les arbres qui ont brûlé.
«Je pense que les habitants de Clova ont fait preuve de beaucoup de courage pour sauver leur village», dit-il.
De son côté, M. Chagnon se réjouit que la vie revienne petit à petit à la normale à Clova, au point où les propriétaires qui ont perdu leur chalet envisagent déjà de le reconstruire.
«Il y a des gens qui vont toujours rester. Ils ne partiront jamais.»