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«Les pires meurtriers de masse ne devraient jamais être autorisés à se promener dans nos rues», a lancé Pierre Poilievre.
Le chef conservateur Pierre Poilievre entend faire fi de la décision de la Cour suprême d’empêcher les peines consécutives aux meurtriers en série en faisant de la Charte des droits et libertés un outil à géométrie variable pour les criminels.
M. Poilievre a ainsi promis, lundi matin à Montréal, d’utiliser la disposition de dérogation – aussi connue sous le nom de clause nonobstant – pour permettre aux tribunaux d’imposer des peines de prison à vie consécutives dans les cas de meurtres multiples.
«Les pires meurtriers de masse ne devraient jamais être autorisés à se promener dans nos rues. Pour eux, une peine à vie devrait avoir le sens qu'elle a: une peine de prison à vie», a-t-il déclaré, ajoutant, dans la portion anglaise de son annonce, qu’«ils ne devraient sortir que dans une boîte.»
Il s'agirait, pour les conservateurs, de ramener la Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples, qui permettait de cumuler les périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle, adoptée en 2011 par le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Le plus haut tribunal avait toutefois invalidé la loi en 2022, dans la foulée de l'imposition de la peine d'Alexandre Bissonnette, auteur de la tuerie à la Grande Mosquée de Québec, qui avait d'abord reçu une peine de 40 ans de prison avant possibilité d'obtenir la libération conditionnelle.
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«De telles peines sont de nature dégradante, et donc contraires à la dignité humaine, puisqu’elles retirent aux contrevenants toute possibilité de réinsertion sociale, ce qui présuppose, de manière finale et irréversible, que ces derniers ne possèdent pas la capacité de s’amender et de réintégrer la société», avait noté la Cour suprême dans sa décision.
Dans le communiqué du Parti conservateur, on écrit que «l'opinion de la Cour suprême est totalement déconnectée des peines que le public canadien exige pour les pires meurtriers». Pour soutenir cette affirmation, M. Poilievre a rappelé le cas d’Alexandre Bissonnette, mais aussi celui de Justin Bourque, condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 75 ans pour le meurtre de trois policiers de la GRC en 2014 à Moncton, au Nouveau-Brunswick, dont la peine a aussi été réduite à un maximum de 25 ans avant de pouvoir faire une demande de libération conditionnelle.
Interrogé quant au respect qu’il porte à la Cour suprême, M. Poilievre a répondu qu’il «va respecter les décisions de la Cour suprême tout en protégeant la sécurité des Canadiens», indiquant qu’il allait tout de même utiliser la disposition de dérogation, affirmant que «c'est nécessaire, dans ce cas, de le faire parce que sinon, des meurtriers multiples vont être libérés pour tuer encore du monde». M. Poilievre n’a toutefois pas été en mesure de donner des exemples de meurtriers multiples remis en liberté qui auraient récidivé lorsqu'interrogé à cet effet.
Il s’est du même coup défendu de contourner la volonté de la Cour suprême: «Non, je suis en train de renforcer la Charte des droits et libertés en utilisant la clause 33 (de dérogation) pour garder des criminels violents et dangereux en prison et protéger la sécurité et la vie des gens respectueux des lois.»
Il était clair, dans son discours, que la Charte canadienne des droits et libertés ne devrait pas s’appliquer de la même manière pour tous : «Moi, je serai le défenseur de la Charte des droits et libertés pour tous les Canadiens, surtout les victimes d'actes criminels.»
M. Poilievre a déjà promis plusieurs autres mesures en matière de criminalité, dont l'imposition de peines d'emprisonnement à perpétuité pour les «pires criminels» accusés de trafic de personnes, de contrebande d'armes à feu ou de trafic de fentanyl.
Il s'est aussi engagé à créer une accusation criminelle spécifique visant les hommes qui agressent leurs partenaires de vie assortie de peines beaucoup plus sévères.
Interrogé sur des actes des vandalisme visant la communauté juive, Pierre Poilievre a aussi révélé lundi sa volonté de «mettre en place des lois avec des pénalités financières massives et de prison pour ceux qui endommagent la propriété, qui font des actes criminels motivés par la haine, qui vont déporter les visiteurs au Canada qui font partie des actes criminels ciblant les juifs et d'autres Canadiens et les pénalités seront très sévères pour avoir ciblé avec violence et vandalisme les communautés juives.»
Il promet, cependant, de restreindre l’usage de la disposition de dérogation «seulement pour combattre la criminalité. On va simplement utiliser la clause nonobstant pour contrer les criminels et jamais pour enlever les droits des Canadiens.»
Se trouvant aussi dans la région de Montréal, le chef libéral, Mark Carney, n’a pas tardé à réagir, affirmant qu’un tel usage de la disposition de dérogation «n’est pas du tout correct et c’est très dangereux».
Affirmant que le rôle et la responsabilité du premier ministre et du gouvernement fédéral est de défendre la Charte, il a déclaré que «la politisation de certaines questions liées aux droits fondamentaux est une pente glissante qui mène à davantage de politisation».
Il en a profité pour répéter que la première étape pour durcir le ton contre la criminalité est d’abord d’être intraitable avec les armes à feu et la violence par arme à feu et a dénoncé les «plus de 200» votes de Pierre Poilievre contre toutes les mesures de contrôle d’armes à feu dans «sa très longue carrière comme politicien de carrière et membre de la Chambre des communes».