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Après avoir siégé toute la nuit, les députés de l'Assemblée nationale ont adopté sous bâillon, tôt samedi matin, le projet de loi 15 réformant le réseau de la santé à 75 voix contre 27.
Après avoir siégé toute la nuit, les députés de l'Assemblée nationale ont finalement adopté, tôt samedi matin, le projet de loi 15 réformant le réseau de la santé à 75 voix contre 27.
Le vœu du ministre de la Santé Christian Dubé a donc été exaucé. Vendredi, il avait déclaré être «tanné» et pressé de passer à autre chose, soulignant que son projet de loi avait déjà fait l'objet de plus de 200 heures d'étude en commission parlementaire.
En point de presse samedi matin, M. Dubé s'est réjoui de l'adoption du projet de loi, en se disant convaincu que ce dernier allait avoir des effets positifs sur les patients dans les hôpitaux, ce dont doutent fortement les partis d'opposition.
Le ministre a notamment soutenu que sa réforme donnera aux Québécois un meilleur accès aux médecins spécialistes.
Par ailleurs, il sera possible de se faire soigner partout, peu importe son code postal, et se faire offrir une solution de rechange, vers une autre région ou vers le réseau privé (gratuitement), lorsque les délais d'attente sont jugés déraisonnables.
«C'est une belle journée, parce que c'est le Jour 1 de la transition qui commence et qui va faire la transformation de notre grand réseau de la santé», a déclaré M. Dubé.
Il a également tenu à rassurer les employés du réseau, qui vivront dans les prochains mois des «changements importants». Il s'est engagé à «bien expliquer» ces changements, notamment ce qui adviendra du ministère de la Santé.
Le projet de loi 15 crée l'agence Santé Québec, qui sera chargée de coordonner les opérations du réseau. Le ministère, lui, se concentrera surtout sur la définition des grandes orientations.
Au moment de présenter sa pièce législative, en mars, le ministre Dubé avait estimé que de 30 % à 40 % des 1200 employés du ministère migreraient, de façon volontaire, vers Santé Québec.
Santé Québec deviendra l'employeur unique pour le réseau de la santé et des services sociaux; les CISSS et CIUSSS y seront intégrés. Les accréditations syndicales seront fusionnées. On instaure aussi une liste d'ancienneté unique, ce qui permettra la mobilité du personnel d'une région à l'autre.
Le projet de loi 15 s'inscrit dans la volonté du gouvernement Legault d'obtenir plus de «flexibilité» des acteurs du réseau de la santé, qui sont pour la plupart en grève jusqu'au 14 décembre dans le cadre de la renégociation de leurs conventions collectives.
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«Maintenant que le projet de loi 15 est adopté, je vais être capable de retourner sur le terrain, d'aller dans les hôpitaux et m'occuper un peu de nos employés», s'est félicité le ministre.
Les partis d'opposition ont dénoncé avec véhémence l'utilisation du bâillon pour adopter cette grande réforme du réseau de la santé. En cours de soirée vendredi, ils étaient pugnaces, exigeant que le ministre explique chacun des articles ou amendements qu'il adoptait.
Le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a été le dernier à s'opposer à l'adoption du projet de loi avant le vote samedi matin.
«C'est une mauvaise idée pour notre démocratie, pour notre système de santé, pour le Québec d'imposer sous bâillon la plus grosse réforme des services publics de l'histoire du Québec. Ce gouvernement a fait le choix de la confrontation», a-t-il déploré.
Le gouvernement avait proposé aux oppositions de prolonger l'étude détaillée du projet de loi 15 la semaine prochaine, une «admission» implicite qu'il restait beaucoup de travail à faire, selon le député de QS Guillaume Cliche-Rivard.
L'offre a été rejetée, entre autres parce qu'elle comprenait une date butoir, c'est-à-dire que le gouvernement insistait pour que les travaux se terminent au plus tard le 15 décembre, même si les quelque 2000 articles n'avaient pas tous été passés au peigne fin.
«Ça a été une longue nuit. Jusqu'à la dernière minute (...), il y a encore plusieurs erreurs qui ont été soulevées (...) dans les quelques articles qu'on a eu le temps de traiter. C'est la démonstration que ce projet de loi là était encore hautement perfectible», a déclaré M. Cliche-Rivard.
Tout au long du processus, les oppositions ont d'ailleurs déploré l'incapacité du ministre à répondre aux questions sur de grands pans de sa réforme, ainsi que sur les amendements qu'il déposait lui-même.
Finalement, elles auront accepté d'adopter des amendements en bloc, en échange d'améliorations dans le projet de loi, notamment concernant l'autonomie des sages-femmes, ce qui explique la relative courte durée de la procédure de bâillon.
«Les 400 articles qu'on n'a pas eu le temps d'étudier (...), qu'auront-ils comme effet?» s'est demandé le porte-parole du Parti québécois (PQ) en santé, Joël Arseneau, en point de presse samedi matin.
Selon le chef intérimaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, le projet de loi 15 n'améliorera pas les services aux patients.
«C'est une mauvaise réforme qui ne viendra pas régler les immenses problèmes d'accès aux soins. Les urgences débordent au Québec, partout, et on a pu voir des personnes qui sont décédées même aux urgences et il y avait un lien avec les délais», a dénoncé M. Tanguay.
Il s'agit du cinquième bâillon imposé par le gouvernement Legault pour forcer l'adoption de projets de loi depuis son arrivée au pouvoir en 2018. Les travaux parlementaires ont été ajournés jusqu'au 30 janvier 2024.