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Conseil de la magistrature a bel et bien entamé l’examen d’une plainte à l’endroit du juge Matthieu Poliquin.
Le Conseil de la magistrature a bel et bien entamé l’examen d’une plainte à l’endroit du juge Matthieu Poliquin.
Matthieu Poliquin est ce jeune juge qui a accordé une absolution conditionnelle à l’ingénieur Simon Houle en juin dernier après que celui-ci eut reconnu sa culpabilité à des accusations d’agression sexuelle et de voyeurisme pour des gestes posés en 2019.
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Dans une missive aux auteurs d'une pétition réclamant la révocation de la nomination du juge Poliquin dont La Presse Canadienne a obtenu copie, le Conseil de la magistrature accuse réception de la plainte et confirme que «conformément à la procédure applicable, les membres du Conseil en entreprendront l'examen lors d'une prochaine réunion».
La note ajoute que, dans un premier temps, les membres du Conseil «examineront si les faits allégués sont susceptibles, ou non, de constituer un manquement au Code de déontologie de la magistrature et, le cas échéant, s'il y a lieu de faire enquête sur la plainte».
Le Conseil de la magistrature lui-même refuse de confirmer l'examen, les plaintes étant confidentielles à cette étape. La secrétaire du Conseil, Annie-Claude Bergeron, a toutefois reconnu, lorsque rejointe par La Presse Canadienne, qu'«on ne peut pas empêcher des gens de reproduire la réponse qui a pu leur être acheminée». La prochaine réunion des membres du Conseil doit avoir lieu à la fin de mois d'août et c'est à ce moment qu'une décision devrait être prise.
La pétition, mise en ligne le 7 juillet, a recueilli plus de 4600 signatures en une semaine, ce qui a agréablement surpris son initiatrice, Kareen Emery.
«Les gens ont embarqué super vite. J'ai été moi-même surprise parce qu'on s'entend qu'on ne voit pas toujours un engouement pour des pétitions», a-t-elle raconté lors d'un entretien téléphonique.
«J'avais plus de 3000 signatures quand j'ai contacté le Conseil de la magistrature en leur disant justement que la pétition était encore jeune et que ça allait augmenter et ç'a été le cas.»
Mme Emery n'a pas caché sa satisfaction devant le résultat obtenu.
«Ce que je demandais, c'était d'évaluer si cette personne doit aller sous enquête et c'est exactement ce qu'ils vont faire. Donc, je suis satisfaite.
«Je pense que c'est là où on pouvait aller au plus loin. On a démontré qu'on était insatisfaits et je me dis que si ce genre d'action est reprise dans le futur et que chaque fois qu'il y a des juges qui démontrent des décisions qui ne vont pas en fonction de qui on veut être comme nation, à un moment donné ils vont y penser un peu plus avant de les rendre», a-t-elle ajouté.
La décision du juge a soulevé un tollé, non seulement en raison de l'absolution elle-même, mais surtout à cause des motifs invoqués par le juge pour l'accorder. Le magistrat estimait ainsi, en soutien à l'absolution, que l'agression sexuelle s'était déroulée «somme toute rapidement», que l'accusé avait bu et qu'il était «une personne de bonne moralité».
Le juge soulignait également qu'une condamnation «aurait à son égard des conséquences particulièrement négatives et disproportionnées, alors qu'il pourrait difficilement voyager à l'extérieur du pays, ce qui risquerait possiblement d'entraver sa carrière d'ingénieur».
Comme plusieurs autres, Kareen Emery n'a pas digéré les propos du magistrat.
«J'ai eu une frustration complète de voir qu'un juge inexpérimenté arrivait à des conclusions du genre en 2022. Je me suis dit que ça n'avait pas de bon sens. Les raisons données sont tellement faibles.
«Je me suis mise dans la peau d'une victime ou d'une victime présumée et d'entendre ce genre de choses-là dans le verdict en fin de procès, c'était inadmissible dans ma tête. J'ai vu qu'il y avait la même frustration dans mon entourage», a-t-elle ajouté pour expliquer sa décision de lancer la pétition.
Une courte recherche lui a appris que le Conseil de la magistrature est le seul à avoir un pouvoir disciplinaire sur les juges.
«Je me suis demandé ce que je pouvais faire comme citoyenne pour avoir un impact là-dessus et j'ai vu ce que ça prenait pour avoir une plainte formelle, donc j'ai lancé la pétition.»
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), qui réclamait 18 mois d'emprisonnement, a déjà indiqué qu'il portera cette décision en appel.
Contrairement à l'habituelle discrétion affichée par un ministre de la Justice, le titulaire du poste, Simon Jolin-Barrette, est sorti de sa réserve, se disant «profondément choqué par la décision». C'est le ministre Jolin-Barrette qui a procédé à la nomination du juge Poliquin en septembre 2021.
La décision a également entraîné une manifestation devant le palais de justice de Montréal, dimanche, et une lettre ouverte signée par près d'une quarantaine d'ingénieurs, publiée mardi, visait à dénoncer le fait que la profession de l'agresseur ait pu servir à atténuer sa sentence.
L'ingénieur Simon Houle, qui a perdu son emploi à la suite de la médiatisation de son dossier, avait aussi reconnu dans le cadre de son procès avoir posé un autre geste d'agression sexuelle en 2015 qui n'avait pas été judiciarisé.
Qui plus est, une autre femme vient de porter plainte contre lui pour des attouchements de nature sexuelle qui se seraient produits tout récemment lors d'un voyage à Cuba. La plainte a été déposée à la police et le DPCP ne s'est pas encore prononcé sur une éventuelle suite à cette plainte. Une porte-parole a cependant expliqué à La Presse Canadienne par voie de courriel qu'«il existe en droit canadien des précédents reconnaissant la sanction d'un bris d'une ordonnance de probation à l'étranger».
De plus, ajoute-t-elle, «l'article 730(4) du Code criminel permet l'annulation d'une absolution lorsqu'une personne soumise à des conditions d'une ordonnance de probation est déclarée coupable d'une infraction, incluant le bris d'une ordonnance de probation».