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La présidente du syndicat, Julie Bouchard, a soutenu mardi qu'elle s'attendait à une véritable loi contraignante contre les agissements des agences privées et contre le recours à leurs services dans le réseau.
Pas assez de mordant, pas assez de clarté, le projet de loi visant à encadrer le recours aux agences privées en santé est loin de satisfaire le plus grand syndicat d’infirmières du Québec. Si le ministre Christian Dubé s’attendait à un «merci», il a plutôt eu droit à un soupir de déception.
Dès l’ouverture des consultations sur le projet de loi 10, soit la «Loi limitant le recours aux services d’une agence de placement de personnel et à de la main-d’œuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux», la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a fait part de sa déception et de sa suspicion.
La présidente du syndicat, Julie Bouchard, a soutenu mardi qu’elle s’attendait à une véritable loi contraignante contre les agissements des agences privées et contre le recours à leurs services dans le réseau.
En guise de réponse, le ministre Dubé s’est plaint de ne pas recevoir de remerciements de la FIQ pour avoir adopté un projet de loi comme elle le réclamait.
«Si le projet de loi avait eu toutes les contraintes auxquelles on s’attendait, avec ce que l’on a mentionné autant dans notre mémoire que lors de ma présentation, vous auriez probablement eu un réel merci sur la place publique», a répliqué Julie Bouchard.
«Quand on a vu le projet de loi lui-même, c’est le mordant qu’il manquait. La contrainte pour les agences de placement et le fait que vous décidiez d’agir avec des règlements», a-t-elle poursuivi.
Ce qui agace le plus la FIQ, c’est justement l’énorme place laissée aux règlements adoptés à la discrétion du ministre dans le projet de loi. Aux yeux de Mme Bouchard, cette approche entraîne trop d’incertitude et rend la loi trop vulnérable aux volontés du gouvernement en place.
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De son côté, le ministre de la Santé affirme que l’approche par règlement donne au gouvernement la flexibilité de réagir plus rapidement au cours du processus vers l’élimination des agences de placement de main-d’œuvre. Selon M. Dubé, il pourrait aussi plus facilement cibler des régions prioritaires, où le recours aux agences devrait cesser plus tôt que prévu dans le plan initial.
Par ailleurs, le ministre a insisté sur le fait que les règlements encadrant les pratiques des agences ne prendront personne par surprise. Il soutient que les règles proviendront en grande partie du contenu des décrets adoptés pendant l’état d’urgence au plus fort de la pandémie de COVID-19.
Ainsi, des règles devraient notamment imposer des taux horaires maximaux réclamés par les agences, favoriser le personnel public avant le personnel privé en matière d’horaires de travail et empêcher de recruter du personnel public d’un établissement pour le réaffecter dans le même établissement sous le couvert d’une agence.
Or, le véritable détail des règlements n’a toujours pas été rendu public par le ministre de la Santé.
Ce dernier a aussi mis en garde les intervenants de la Commission de la santé et des services sociaux qu’il devait agir avec prudence et qu’il ne pourrait pas discuter de certains éléments en raison à la fois des négociations de conventions collectives du secteur public et des contestations judiciaires intentées par les agences privées.
Dans un autre témoignage, des membres de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ont voulu mettre en lumière ce qu’ils qualifient d’’angle mort' du projet de loi, c’est-à-dire les «services achetés» au privé par le réseau de santé.
Selon les données disponibles consultées par l’APTS, Québec aurait dépensé trois fois plus d’argent pour acheter des services professionnels de santé au privé que pour recourir à de la main-d’œuvre indépendante. Le syndicat appelle le gouvernement à faire en sorte que le réseau de la santé s’affranchisse complètement du privé.
Le syndicat craint également qu’avec la future structure de l’agence Santé Québec, la responsabilité d’engager de la main-d’œuvre indépendante lui soit dévolue. On s’inquiète alors que le problème perdure et qu’on perde en transparence.
Sur un autre thème, l'Association des établissements privés conventionnés a plaidé pour que le gouvernement tienne compte de la réalité particulière de ses membres et de leur difficulté à recruter du personnel.
Les centres d'hébergement et de soins de longue durée privés conventionnés craignent le jour où ils seront forcés de renoncer aux agences malgré une pénurie de personnel. Ces établissements ont peur de se retrouver en bris de service.
D'autres ressources, comme les résidences pour aînés et les ressources intermédiaires, ont interpellé les parlementaires pour dénoncer les comportements abusifs des agences privées. Elles sont toutefois inquiètes des défis à venir lors de la période de transition entre l'amélioration des conditions de travail promises au personnel et l'élimination du recours à la main-d'œuvre indépendante.
Ces établissements dont les finances sont souvent précaires assurent qu'ils ne font appel aux agences qu'en ultime recours et ils ne voudraient surtout pas être mis à l'amende par Québec s'ils devaient se tourner à nouveau vers cette solution empoisonnée.