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La chercheuse aurait fait une découverte révolutionnaire dans la recherche sur le cancer.
Une chercheuse de l’Institut de recherche du CUSM a remporté le prestigieux Prix international L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science pour l’Amérique du Nord.
Ce prix est remis chaque année à cinq femmes scientifiques provenant de cinq régions du monde.
La Dre Nada Jabado a été saluée pour avoir «révolutionné notre compréhension des défauts génétiques responsables des tumeurs cérébrales pédiatriques agressives».
La Presse Canadienne a discuté avec la Dre Jabado quelques jours après l'annonce du prix.
Comment avez-vous réagi quand vous avez appris que le prix vous était décerné pour l'Amérique du Nord?
Nada Jabado: J'étais complètement stupéfaite. Je ne m'y attendais absolument pas. C'est un très bel honneur et j'en suis très reconnaissante. C'est une belle visibilité et c'est une belle reconnaissance d'un travail d'équipe. Je savais que j'avais été nommée par mon institution, mais je ne m'attendais vraiment pas à le recevoir, et c'est une très belle surprise.
Le jury a écrit que votre «découverte fondamentale des toutes premières mutations d’histones dans la maladie humaine, appelées oncohistones, a déclenché un changement fondamental dans la sphère de la recherche sur le cancer». On dit aussi que grâce à votre recherche «innovante» et à votre leadership «efficace» dans la mise en place d’un réseau mondial de collaboration, vous «avez remodelé l’approche médicale du cancer pédiatrique, faisant progresser les capacités de diagnostic et les traitements cliniques pour les jeunes patients». Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement?
NJ: J'ai un laboratoire de recherche où on travaille avec des enfants et de jeunes adultes qui sont atteints de cancer, et surtout des cancers du cerveau. Et il y a un des cancers du cerveau qui est jusqu'à maintenant intraitable. C'est un avis de mort dès qu'on est diagnostiqué avec ce cancer et le pari que j'ai pris quand j'ai commencé mon laboratoire, c'est d'essayer de trouver ce qui anime cette tumeur. Et notre séquençage a créé la première découverte, publiée en 2012, de ces mutations dans ces gènes que personne, vraiment personne, ne pensait pouvoir être abîmés ou mutés tellement ces protéines sont importantes dans le maintien de l'intégrité de notre matériel génétique. C'est pour ça que ça a eu énormément de retentissement.
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À quel point est-ce que c'était important comme découverte?
NJ: Ça compte parmi les découvertes les plus pertinentes dans le domaine du cancer depuis vingt ans, et ce n'est pas moi qui le dis. C'est vraiment un point tournant. Et ce qui a aussi intéressé le jury, c'est le fait qu'avec d'autres personnes, on a vraiment complètement révolutionné la manière dont on voit les cancers du cerveau chez l'enfant. On a donné des entités moléculaires et des endroits pour améliorer le diagnostic et surtout il y a des endroits maintenant, on a des thérapies ciblées ou un médicament oral qui suffit à contenir une maladie. Et mon but c'est que pour ces tumeurs cérébrales, on comprenne assez pour pouvoir faire la même chose.
Donc c'est vraiment un changement de paradigme.
NJ: Absolument. Mais maintenant, dix ou onze ans après cette découverte, après avoir compris comment ça marche, on a découvert des vulnérabilités que seule la tumeur a, et certaines font à l'heure actuelle l'objet d'essais cliniques, pas simplement par notre équipe, par des équipes dans le monde. Et ces mutations sont maintenant utilisées comme des outils pour mieux comprendre comment les cellules se développent et se différencient. Ça a généré tout un nouveau domaine et c'est un peu une reconnaissance de la part des membres du jury de ce travail.
Qu'est-ce que ce prix pourrait changer pour vous, concrètement?
NJ: Quand on l'obtient, quand c'est quelqu'un de l'extérieur qui n'a absolument aucun biais favorable ou défavorable, qui regarde ce qui s'est passé de manière neutre et décide que ce qu'on a fait en vaut la peine... pour moi, c'est une énorme connaissance que je peux utiliser pour avancer les traitements ou pour avancer des recherches que je j'ai envie de faire. Ça donne un peu une crédibilité supplémentaire qui de temps en temps est importante à avoir.
À quel point est-il important d'avoir des prix qui s'adressent spécifiquement aux femmes dans le monde de la science?
NJ: Est-ce que j'aurais eu ce prix dans un truc où il y a hommes et femmes? Probablement. Oui, j'ai eu d'autres prix, mais pour moi, ce qui est important là-dedans, c'est que ça peut motiver d'autres femmes qui hésitent, qui se disent on n'y arrivera pas, on ne peut pas, à regarder et à voir qu'il y a des exemples et que ce ne sont pas des exemples rares. Il y a énormément d'étudiants qui rentrent en sciences, mais après, le nombre de chercheurs qui sont des femmes est beaucoup moindre. Il faut encourager des femmes à aller de l'avant, à y croire. Les gens parlent du plafond de verre. Il existe et on travaille beaucoup pour l'enlever, mais moi je travaille beaucoup plus pour que les femmes apprennent à avoir des ailes, qu'elles soient capables de voler. Pour arriver au plafond de verre, il faut savoir qu'on peut voler, avoir envie de vouloir voler. Et je pense que des prix comme celui-ci ou des exemples comme le mien et d'autres peuvent inciter d'autres jeunes à se dire, on peut le faire et y croire et aller de l'avant.
Une dernière remarque, en terminant?
NJ: J'aimerais beaucoup dire que le fait de travailler au Québec et au Canada a été des ailes pour moi. Et je ne pas dis ça pour faire plaisir. Ce que j'adore ici, c'est que c'est en fonction de notre valeur et de ce qu'on peut apporter à la société qu'on grandit, pas pour notre nom, pas pour qui on est, pas pour d'où on vient. C'est vraiment ce que nous, en tant que personne, valons. C'est un bonheur de savoir que le Québec et le Canada vont être reconnus à travers ce prix aussi.