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Les inquiétudes concernant le partage de données, en particulier avec sa société mère chinoise Bytedance, ont été une préoccupation majeure au milieu des tensions canado-chinoises.
Après une enquête fédérale sur le géant des médias sociaux TikTok, le Canada a annoncé qu’il interdirait l’application sur les appareils mobiles émis par le gouvernement – une décision qui, selon les experts en cybersécurité, met en lumière les préoccupations préexistantes concernant la sécurité des données personnelles des Canadiens.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News
Bien que le gouvernement fédéral n’a pas dit s'il ajoutera d’autres restrictions sur l’application pour le grand public, le premier ministre Justin Trudeau a affirmé que «cela est une première étape, et peut-être la seule étape que nous allons prendre. Nous devons cependant nous assurer de la sécurité des Canadiens.»
L’expert en cybersécurité Terry Cutler a déclaré à CTV News que les Canadiens peuvent utiliser l’application à leurs propres risques: leurs données personnelles peuvent être utilisées et, bien que la suppression complète de l’application de leur téléphone peut être une option, ses liens avec d’autres applications suscitent des inquiétudes. TikTok peut s'y connecter pour accéder aux données personnelles des utilisateurs.
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À la suite de l’enquête du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada sur TikTok, Mona Fortier, présidente du Conseil du Trésor, a affirmé lundi que la décision était une mesure de prudence.
«La décision de supprimer et de bloquer TikTok des appareils mobiles du gouvernement est prise par mesure de précaution, en particulier compte tenu des inquiétudes sur le régime juridique», a-t-elle soutenu dans un rapport.
Mme Fortier a également mentionné que, bien qu’il n’y a aucune preuve indiquant que des données gouvernementales ont été compromises, il existe toujours des risques pour les utilisateurs de l’application. Les Canadiens devraient en être conscients avant de s’engager à l’utiliser.
D’autres provinces envisagent maintenant d’interdire l’application à leur gouvernement, comme le Québec qui a rapidement emboîté le pas en interdisant l’application sur les appareils gouvernementaux mardi.
En réponse, TikTok a demandé pourquoi le gouvernement fédéral avait imposé l’interdiction sans fournir de préoccupations spécifiques ni contacter d’abord la société de médias sociaux, selon un porte-parole de la société.
«Nous sommes toujours disponibles pour rencontrer nos responsables gouvernementaux pour discuter de la manière dont nous protégeons la vie privée et la sécurité des Canadiens, mais prendre TikTok à part de cette manière ne fait rien pour atteindre cet objectif commun. Tout ce que cela fait, c’est empêcher les responsables d’atteindre le public sur une plate-forme appréciée par des millions de Canadiens», a dit le porte-parole.
Selon la politique de confidentialité de TikTok, l’application peut accéder aux données personnelles d’un utilisateur telles que la date de naissance, l’emplacement, la liste de contacts téléphoniques, entre autres informations. En plus d’utiliser ces données pour personnaliser son algorithme, il peut également les partager avec d’autres réseaux sociaux comme Google et Facebook, aux annonceurs et autres filiales ou sociétés affiliées à son groupe de sociétés.
Les inquiétudes concernant ce partage de données, en particulier à propos de la société-mère chinoise Bytedance, ont été une préoccupation majeure au milieu des tensions canado-chinoises.
Rob Falzon, responsable de l’ingénierie de la société de cybersécurité Check Point, souligne que TikTok a eu des vulnérabilités dans le passé. Les équipes de recherche de Check Point ont découvert que les pirates pouvaient divulguer des informations privées en connectant le profil d’un utilisateur aux numéros de téléphone associés au compte, révéler des informations personnelles ou télécharger des vidéos non autorisées.
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«Je pense qu’il y a un problème plus vaste en jeu ici qui n’est pas résolu en interdisant simplement Tiktok», a déclaré M. Falzon à CTVNews.ca lors d’un entretien téléphonique mardi. «Ça concerne les lois sur la protection des données et la vie privée au Canada en général.»
Falzon dit que bien qu’il soutient l’interdiction de l'utilisation de TikTok sur les appareils émis par le gouvernement, il reste encore beaucoup à faire pour assurer la sécurité des Canadiens en ligne, et pas seulement avec cette appli.
«Nous devons commencer à nous demander si les personnes qui créent ces applications devraient assumer cette responsabilité ou s’il devait y avoir une sorte de seuil que le gouvernement devrait mettre en œuvre du point de vue des règles pour dire: "Vous devez respecter ces règles de base pour être autorisé à faire des affaires au Canada"», a-t-il mentionné.
Sharon Polsky, présidente du Conseil canadien de la protection de la vie privée et de l’accès, affirme que les utilisateurs canadiens devraient être plus conscients de leur activité en ligne. Mais il peut être difficile de le voir de cette façon, car une grande partie de leurs activités quotidiennes sont devenues tellement dépendantes de l’utilisation de la technologie, qu’il s’agisse de se connecter avec des amis ou de faire des achats en ligne.
«Il y a des problèmes avec les sites web, qu’il s’agisse de médias sociaux, de détaillants ou à peu près de n’importe quel site web, y compris les sites web médicaux et de santé mentale qui collectent des informations personnelles. [Ce sont] des informations personnelles très, très sensibles», a-t-elle affirmé à CTV News.
M. Falzon dit que les Canadiens doivent commencer à se poser davantage de questions pour savoir si les appareils qu’ils utilisent quotidiennement nécessitent ou non des informations personnelles pour fonctionner.
«S’il s’agit d’un appareil comme un téléviseur intelligent ou une cafetière intelligente... Avez-vous besoin d’une cafetière intelligente? Avez-vous besoin de l’application qui accompagne la cafetière intelligente?» demande l’expert. «Votre cafetière vient-elle de vous demander quel était votre anniversaire? Pourquoi? Pourquoi est-ce que je mets cette information là-dedans?»
Comme quand il est recommandé aux parents de surveiller l’activité en ligne de leurs enfants, M. Falzon dit que tout le monde devrait prendre le soin de déterminer la quantité d’informations personnelles qu’il souhaite exposer sur les applications et les appareils.
Mme Polsky, elle, dit qu’il ne doit pas nécessairement s’agir de parcourir chaque politique de confidentialité, mais de rechercher des outils éducatifs qui peuvent montrer aux jeunes comment ils peuvent ajuster les données personnelles qu’ils souhaitent partager.
«Il existe des sources d’informations légitimes et fiables qui ne sont pas des arnaques par l'entremise desquelles les gens peuvent apprendre», a-t-elle conclu.