Début du contenu principal.
«Il y a une limite à la passion, car la passion ne paie pas les comptes».
Les agriculteurs sont particulièrement affectés par l'inflation, si bien que 11 % d'entre eux prévoient arrêter ou fermer leur entreprise, selon un sondage réalisé par l'Union des producteurs agricoles (UPA).
L’augmentation du coût des intrants de production, comme les engrais, le carburant et les semences, a été trois fois supérieure (28 entre janvier 2020 et septembre 2022, selon l’UPA, qui demande l’aide du gouvernement du Québec.
«On n’arrive pu pantoute», a indiqué le producteur de grain en Abitibi-Témiscamingue Pascal Rheault, qui était présent lors d’une conférence de presse de l’UPA à Longueuil mercredi matin.
«Avec la hausse au niveau de l’inflation, ça l’a eu un impact majeur sur les coûts de production», a soutenu le président général de l’UPA, Martin Caron, entrevue avec la cheffe d’antenne, Marie-Christine Bergeron, au bulletin Noovo Le Fil 17.
M. Caron ajoute que généralement, les producteurs agricoles doivent investir 8$ pour chaque dollar de profit dans leur entreprise.
Voyez l’entrevue intégrale dans la vidéo de cet article.
« En région, on est habitué à avoir des coûts de transport plus élevés, mais avec la hausse rapide du coût du diesel, chaque transport qui rentre ou sort de ma région coûte entre 500 $ et 600 $ supplémentaires », a indiqué celui qui est également président de l’UPA en Abitibi-Témiscamingue.
Les agriculteurs des régions périphériques sont « les canaris dans la mine » et présentement, « les canaris sont en train de plier les pattes, ils vont avoir besoin d’une bouffée d’air pur », a imagé l’agriculteur.
Selon le coup de sonde réalisé par l’UPA, 20 % des entreprises agricoles ont actuellement une mauvaise ou une très mauvaise santé financière, alors que la moitié d’entre elles anticipent une détérioration de leur situation au cours de la prochaine année.
Quatre entreprises sur dix indiquent que la hausse des taux d’intérêt pourrait les empêcher de respecter leurs obligations financières et 11 % prévoient arrêter ou fermer leur entreprise.
La situation financière est particulièrement difficile pour les agriculteurs de la relève, qui doivent subir l’impact de l’augmentation des taux d’intérêt.
« L’augmentation du coût des terres, des intrants et de la machinerie », combinée à celle des taux d’intérêt, constitue « une vraie bombe à retardement », selon la productrice laitière Julie Bissonnette.
« En cinq ans à la présidence de la fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), je n’ai jamais entendu autant de jeunes remettre en question leur avenir en agriculture », a ajouté la productrice laitière.
Elle est particulièrement inquiète de constater que plusieurs jeunes agriculteurs doivent se trouver un deuxième emploi pour subvenir à leurs besoins.
« En 2021, 44 % de la relève avait un travail à l’extérieur » et « si on regarde les démarrages, c’est 70 % de la relève qui doit avoir un autre emploi ».
Julie Bissonnette a souligné qu’il faut être passionné pour se lancer en agriculture, mais « il y a une limite à la passion, car la passion ne paie pas les comptes ».
« Le nerf de la guerre dans ce type de production, c’est le pâturage », a ajouté Jean-Thomas Maltais, qui exploite une ferme de centaines de bovins à Saguenay.
L’augmentation de la valeur des terres agricoles, combinée à la hausse des taux d’intérêt, fait en sorte que les producteurs « sont à bout de souffle et il y en a qui abandonnent le combat », a expliqué le président des Producteurs de bovins du Québec.
Le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’agriculture, André Fortin, a qualifié les résultats du sondage de l’UPA « d’épouvantablement inquiétants ».
Le député libéral a indiqué que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, ne semble pas entendre le « cri du cœur des agriculteurs », car « chaque fois qu’on l’interpelle sur le sujet, il prétend que tout va bien et que le secteur agricole reçoit toute l’aide nécessaire du gouvernement de la CAQ ».
En fin d’après-midi, le ministre Lamontagne a réagi en expliquant par courriel qu’il était « très sensible à la situation que vivent les agriculteurs » et qu’il avait rencontré les dirigeants de l’UPA la semaine dernière au sujet des résultats du sondage.
« Au Québec, la majorité de notre agriculture est couverte par des programmes de soutien de revenus qui captent la hausse des coûts de production. Ce qu’on observe dans les derniers mois, c’est la vitesse de certaines augmentations. Il y a eu des sommes dans le dernier budget. J’ai demandé aux équipes du ministère et à la Financière (agricole) qu’on regarde la situation de près, avec une sensibilité particulière pour la relève agricole. Notre objectif, c’est d’avoir les meilleurs outils et toute la flexibilité pour nos entreprises dans le contexte actuel », a écrit le ministre de l’Agriculture.
L’UPA demande au gouvernement de mettre en place une mesure de type « compte d’urgence » pour les entreprises agricoles en grande difficulté.
Les agriculteurs souhaiteraient que cette aide financière soit en partie non remboursable.
Parmi les autres demandes, l’UPA voudrait également voir le gouvernement augmenter les sommes du programme de protection contre la hausse des taux d’intérêt de la Financière agricole du Québec et bonifier le programme Agri-Québec pour les entreprises agricoles situées dans les régions périphériques.