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Économie
Chronique |

S’affranchir de la finance américaine? Mission quasi impossible!

Et si la souveraineté économique commençait… par le choix de votre carte de débit?

On aime se penser souverains au Canada, surtout lorsqu’il s’agit de notre argent. Parce qu’on a remplacé quelques items américains de notre panier d’épicerie, on croit avoir affaibli les amis de Donald. Un instant. La partie ne fait que commencer.

Dans les coulisses de notre économie, de puissants acteurs américains sont omniprésents. Bien souvent invisibles, ils sont pourtant incontournables.

Voici huit exemples frappants qui démontrent à quel point la finance canadienne est imbriquée dans les rouages de l’économie américaine — et quelques pistes pour se réapproprier une part de notre autonomie.

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Chaque transaction par carte de crédit nourrit Visa et Mastercard

Au Canada, plus de 90 % des cartes de crédit en circulation sont émises sous les marques Visa ou Mastercard. Chaque fois que vous payez au restaurant, à l’épicerie ou en ligne, une partie des frais (appelés interchange) est versée à ces deux géants. Ces frais totalisent environ 6 à 8 milliards de dollars par an au Canada seulement !

Anecdote frappante : En 2022, la société Visa a généré plus de 33 milliards $ US en revenus mondiaux… en grande partie grâce aux milliards de microtransactions effectuées tous les jours dans des pays comme le Canada.

S’en affranchir ? Favoriser les paiements par débit Interac (100 % canadien), utiliser des virements bancaires ou, mieux encore, les cartes prépayées ou de débit rechargeables qui ne paient pas de frais de réseau aux grandes marques.

Notre score de crédit est contrôlé par Equifax et TransUnion

Deux seules firmes américaines contrôlent l’identité financière de chaque Canadien. Une erreur dans votre dossier Equifax peut nuire à votre capacité d’acheter une maison ou de louer un appartement. En 2017, le piratage massif d’Equifax a compromis les données personnelles de 19 000 Canadiens (et 147 millions d’Américains) — un des pires scandales de cybersécurité de l’histoire. Et pourtant, peu de voix s’élèvent au pays pour favoriser notre souveraineté numérique financière.

Statistique marquante : Equifax détient les informations financières de plus de 25 millions de Canadiens et génère plus de 5 milliards $ US de revenus annuellement.

S’en affranchir ? Vérifier régulièrement votre dossier (gratuitement) auprès des deux agences. Utiliser les alertes de crédit pour détecter les fraudes. Exiger davantage de transparence et soutenir les initiatives canadiennes d’identification numérique comme Verified.Me. Et, militer pour une véritable agence de crédit 100 % canadienne.

Le S&P/TSX est sous l’autorité de Standard & Poor’s, une société américaine

Même notre principal indice boursier national — le S&P/TSX — est « co-brandé » par Standard & Poor’s, entreprise américaine qui gère des indices mondiaux selon ses propres règles.

Fait peu connu: En 2006, la Bourse de Toronto (TSX) a signé une entente avec S&P pour gérer les indices canadiens. Cela signifie que la pondération de notre propre marché est dictée par une firme étrangère.

S’en affranchir? Investir dans des fonds gérés activement ou passivement selon des critères purement canadiens ou européen (ex. : FTSE Canada ou indices Solative), ou utiliser des FNB qui répliquent des paniers thématiques plus indépendants.

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Les géants technos américains dominent les paiements numériques

Apple Pay, Google Pay, PayPal, Stripe… Les solutions les plus populaires de paiement appartiennent à des firmes américaines. Chaque fois que vous payez avec votre téléphone, ces entreprises récoltent des données sur vos habitudes d’achat et une fraction des frais.

Fait à noter : Apple prélève jusqu’à 0,15 % de chaque transaction Apple Pay — ce qui semble peu, mais multipliez ça par des millions de transactions quotidiennes au Canada.

S’en affranchir ? Utiliser Interac Flash, qui traite localement les transactions. Explorer des options comme KOHO qui s’apprête à nouer un partenariat avec Postes Canada. Éviter d’enregistrer vos cartes dans les portefeuilles numériques liés à Apple ou Google.

Nos portefeuilles d’investissement sont truffés de titres américains

L’indice S&P 500 est souvent la plus grosse composante des portefeuilles des Canadiens. Il n’est pas rare qu’un CELI soit investi à plus de 50 % dans des titres américains. Pourquoi ? Parce que les firmes américaines dominent les capitalisations mondiales. Mais cela signifie que notre retraite dépend souvent de la santé de la Bourse de New York et du Nasdaq.

Exemple frappant : Fin février 2025, les 10 plus grandes entreprises du monde par capitalisation boursière étaient… toutes américaines (Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, etc.).

S’en affranchir ? Diversifier avec des titres canadiens de qualité, des FNB canadiens thématiques ou des placements alternatifs non cotés en bourse (immobilier, coopératives, placements privés) et même dans l’or avec les RTB (Reçu de transactions boursières) de la Monnaie royale du Canada.

Les agences de notation d’entreprises sont américaines (ou possédées par elles)

Lorsqu’un gouvernement ou une entreprise canadienne veut émettre des obligations, elle dépend de la note attribuée par Moody’s, Fitch ou Standard & Poor’s. Or, une mauvaise note (ou la menace d’en baisser une) peut faire grimper les taux d’intérêt à payer.

Petite trahison : L’agence DBRS Morningstar, longtemps considérée comme l’alternative canadienne, a été rachetée en 2019 par… une firme américaine, Morningstar Inc.

S’en affranchir ? Militer pour une véritable agence de notation 100 % canadienne. Diversifier ses sources d’information sur les entreprises (au-delà des seules agences de crédit).

Les réseaux bancaires et de compensation sont américains

Même les transferts entre banques canadiennes dépendent souvent de technologies ou d’infrastructures sous contrôle américain. Le réseau SWIFT, utilisé pour les virements internationaux, est basé aux États-Unis et surveillé par les autorités américaines.

Anecdote révélatrice : En 2022, le Canada a dû coopérer avec les États-Unis pour bloquer l’accès de banques russes au système SWIFT — preuve de notre dépendance technologique.

S’en affranchir ? Favoriser les solutions de paiement canadiennes, comme Interac, et encourager l’innovation locale (ex. : Moneris, plateformes fintech canadiennes).

Nos données bancaires et financières sont hébergées sur les serveurs des GAFAM

Les grandes banques canadiennes hébergent de plus en plus leurs services en nuage (cloud), souvent sur les plateformes américaines comme AWS (Amazon Web Services), Microsoft Azure ou Google Cloud.

Fait choquant: Microsoft Azure héberge une bonne partie des services bancaires numériques des cinq grandes banques canadiennes. Cela signifie que nos données financières peuvent transiter par les États-Unis, et donc être assujetties au Patriot Act américain. Ça n’a rien de rassurant.

 S’en affranchir? Choisir des institutions financières qui garantissent un hébergement 100 % canadien. Militer pour des lois de protection des données plus strictes et transparentes.

Un voisin omniprésent… mais pas invincible

S’affranchir complètement de la finance américaine est illusoire à court terme. Le Canada est structurellement lié à son voisin du Sud. Mais chaque geste compte. Chaque choix conscient — dans vos paiements, vos investissements ou vos données — peut encourager des alternatives locales, plus résilientes et plus éthiques.

Et si la souveraineté économique commençait… par le choix de votre carte de débit?

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