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La nouvelle m’est tombée sur la tête comme un coup de massue.
La nouvelle m’est tombée sur la tête comme un coup de massue. Comme plusieurs d’entre nous, ma boule de cristal de la vie n’aurait pas pu prédire que l’institution qu’est Juste pour rire depuis les années 1980 battait de l’aile. Que du jour au lendemain, cette machine du gros rire allait devenir silencieuse, comme une salle comble lorsqu’un gag tombe à plat.
Et pourtant, oui, c’est arrivé.
J’ai bien sûr pensé à mes collègues humoristes qui voyaient leurs tournées chamboulées et peut-être même tomber dans le trou de noir de l’annulation de toute la patente. Mon cœur s’est serré pour eux.
Mais c’est en pensant à toute cette belle gang qui travaille dans l’ombre du gros follow spot de la scène que mon cœur s’est encore plus resserré. Des gens qui ont le «Juste pour rire» tatoué dans l’âme. Des passionnés de la blague et du spectacle qui ont été les artisans d’un monument de notre culture québécoise. Des collègues et souvent des amis qui ont perdu leurs repères et un gagne-pain. Des travaillants acharnés qui ont toujours eu envie de donner leur meilleur et de propulser ce festival toujours plus haut et d’innover sans cesse.
Je le sais parce que Juste pour rire fait partie de ma carrière depuis les tout débuts. J’y ai travaillé sur scène et en coulisses. Ces petits bonhommes verts m’ont permis de vivre bien des moments d’exaltation. Ça m’a rendu nostalgique et ça m’a donné envie de me souvenir…
De me souvenir de mon premier gala Juste pour rire. Fin des années 1990. Avec, bien sûr, mes deux garçons des Mecs comiques, Jean-François et Louis. On n’avait pas encore beaucoup d’expérience de scène et tout coup, on se retrouvait dans la ligue majeure des galas de la blague.
À l’époque, faire un gala Juste pour rire, c’était big! C’était une porte qui s’ouvrait devant nous. La chance de se faire connaître. La chance de montrer ce qu’on était capable de faire. La chance d’aller chercher notre carte de membre officielle du club des humoristes connus.
Comme on dit dans le métier, ce soir-là, on a fait un hit avec notre numéro du «Catcher».
Je n’oublierai jamais cette première vague de rires qui part de fin fond de la salle ben pleine du Saint-Denis et qui vient te ramasser sur scène. Une décharge électrique qui te parcourt tout le corps. Une dose de drogue euphorique qui te rend instantanément dépendant. J’en veux encore! Je me souviens que c’est Lyne, la fabuleuse régisseuse, qui nous a poussés hors de la coulisse pour qu’on aille sur scène savourer et saluer notre ovation. Trois p'tits culs qui ne comprennent pas trop ce qui vient de se passer! Mais notre carrière venait de prendre un léger tournant.
J’ai eu la chance de faire plusieurs apparitions lors des galas subséquents au cours des années. En groupe, et ensuite en solo, parfois dans un numéro de groupes avec d’autres humoristes. Chaque fois, je l’ai pris comme un cadeau et un privilège d’être là. Comme une petite tape dans le dos qui semble dire: «Tu es encore à la bonne place!» Chaque mois de juillet, c’était comme aller faire une saucette dans un camp d’été avec d’autres amis de l’humour qu’on croise seulement une fois de temps en temps le reste de l’année.
J’ai aussi travaillé en coulisses des galas. Pendant quatre ans, j’ai animé une émission spéciale télé en marge des galas pour faire découvrir les coulisses de la machine. J’en ai vécu des affaires. J’ai pu faire des entrevues avec des artistes de partout dans le monde. Des vedettes françaises charmantes, d’autres qui m’ont claqué la porte de leur loge au visage après une performance tiède sur scène. J’ai eu mon lot de clowns louches, de mimes qui m’ont offert une fleur imaginaire, des contorsionnistes qui répondaient à mes questions avec un pied sur la tête, des danseurs nus du 281, en costume d’Adam, qui me jasaient comme si de rien n’était et j’ai couru derrière Diane Dufresne pour lui parler, bien qu’on m’avait bien averti de la laisser tranquille (elle a été super gentille).
EN RAPPEL | Incursion dans les coulisses de Juste pour rire
Bref, un marathon de coulisses qui m’a donné la chance de vivre une tonne de choses toutes plus loufoques les unes que les autres. Des fois, je terminais ma journée de tournage et je me disais: «Tabarnak! Kossé qu’on vient de vivre?» Dans le bon sens du tabarnak, bien sûr.
C’est aussi grâce à Patrick Rozon que j’ai fait mes premiers pas dans le monde de la mise en scène. Deux étés de suite, j’ai gossé un spectacle sur l’Esplanade de la Place des arts avec des artistes fabuleux de diverses disciplines. Une opportunité qui m’a fait découvrir que c’est une facette du métier qui me plaît beaucoup. Que je veux explorer dans l’avenir. Merci pour ça, Pat.
Si je vous écris tout ça, ce n’est pas pour vous faire un mini CV de quelques moments de ma carrière, c’est pour vous dire à quel point Juste pour rire a été important pour moi et pour une cargaison d’autres artistes. Un tremplin exceptionnel pour faire nos pirouettes de la joke. On perd, pour le moment, un important joueur de la culture québécoise. Montréal perd, pour le moment, un festival majeur. Le public perd, pour le moment, une façon de se faire beaucoup du bien parce que le rire c’est magique. Ça fait bobo.
Je termine en faisant, à mon tour, une ovation pour chacune des personnes qui a mis son talent et son travail au service de Juste pour rire. À bientôt.
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