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Société
Chronique |

Je veux être écoutée, respectée, reconnue. Et visible!

Est-ce tant demandé?

Je ne suis pas invisible. Je fais partie de la population active, je travaille, je gère, je suis mère, fille, sœur, amie, amoureuse, tantôt proche aidante, tantôt infirmière, coach, cuisinière, chef des finances, supporter. Pourquoi ai-je cette impression qu’on veut m’effacer?

Je suis visible — en fait j’ai l’impression de ne jamais l’avoir autant été. Et pourtant, on dirait qu’on veut m’effacer.

Sur les réseaux sociaux et dans la rue, on m’interpelle de façon si vulgaire que je me demande si c’est à moi qu’on s’adresse. Dans les transports en commun et dans les endroits publics, on me tasse, on me coince (ça suffit, le manspreading).

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À la maison, trop souvent, je suis agressée, battue, parfois violée, violentée, même tuée. Les hommes ont peur que les femmes les laissent; les femmes ont peur que les hommes les tuent.

Jugée

Je ne suis pas invisible, mais je me demande où est ma place. Jugée de retourner sur le marché du travail trop vite après être devenue mère, je suis également jugée si je choisis de rester à la maison. Je suis aussi jugée si je ne veux pas d’enfants, si je veux six enfants, si je veux être célibataire, si je ne veux pas dormir ou habiter avec mon partenaire.

Quoi que je fasse, dise, décide, je suis jugée. Mon corps aussi est jugé. On aime tant me dire quoi faire avec ce corps, qu’il soit gros, petit, mince, musclé, vieux, flétri, jeune, sexy, on aime me dire comment l’habiller, comment le porter, comment l’exhiber et même, quoi faire avec.

On essaie de me dire comment réfléchir et penser à ce corps.

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Rien ne me fait sentir plus invisible que des gens qui décident ce que je devrais faire avec mon corps, des gens qui décident, par exemple, ce que je dois faire de ma reproduction, de ma contraception, de cette grossesse non désirée.

Fossé

Je ne suis pas invisible, mais on me retrouve très peu dans les livres de sciences médicales. Je suis trop souvent exclue des tests et des études sur des maladies qui me concernent. Mes caractéristiques, mes particularités, mes spécificités sont encore trop souvent méconnues ou pire, ignorées.

Le fossé est encore très grand, trop grand, quand on me compare à mes comparses masculins en ce qui concerne les revenus, la richesse à la retraite, le nombre d’heures de tâches domestiques, les heures travaillées rémunérées (merci au travail invisible), à la lourdeur de la charge mentale, les soins aux enfants (qu’on fait à deux), l’avancement dans les postes de direction, la présence sur les conseils d’administration, je pourrais continuer, la liste est longue.

Un autre fossé existe, le fossé orgasmique. Vous connaissez? Googlez-le. 

Dans l’histoire

Je ne suis pas invisible, mais je ne me retrouve pas dans les modèles qu’on me présente, trop peu représentés dans les postes-clés de ceux qui sont au pouvoir, que ce soit judiciaire, politique, législatif, administratif, exécutif. Je suis là, mais en bas de la pyramide, écrasée, bafouée, trop peu entendue (ça suffit, le mansplaining).  

Je ne suis même pas reconnue dans l’histoire: celles qui sont devenues des légendes, des pionnières, des premières, où sont-elles? Je ne suis pas invisible, mais je suis invisibilisée, en sciences, en lettres, en sports, trop souvent, mon nom est oublié.

En tout cas, il figure très peu en toponymie: ce sont des noms d’hommes célèbres, et non de femmes, qui représentent nos rues, nos immeubles, nos places publiques, nos parcs, nos stations de métro…

Une journée

Je ne suis pas invisible, mais je me sens floue jusque dans la reconnaissance de la journée officielle qui me célèbre. Des géants (Apple, Google) ont choisi d’effacer la célébration du 8 mars, ça sert à quoi, après tout, si non à rappeler que j’existe, que j’ai fait du chemin, que je suis 50 % de la population, que je vise l’équité et l’égalité.

Et je ne les veux pas que dans ma vie personnelle et professionnelle, je les veux partout, je veux tout égal, le fun aussi.

La Journée internationale des droits des femmes, c’est aujourd’hui. Laissez faire les fleurs et le bain moussant, je n’en ai rien à foutre.

Ce que je veux, c’est être écoutée, respectée, reconnue. Je veux être visible.

Est-ce tant demandé?