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Société

Des chaînes humaines pour défendre les droits des femmes et s’opposer à Trump

«Vous n’êtes pas des rois et nous ne serons jamais vos servantes.»

Une manifestation à Montréal à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2025.
Une manifestation à Montréal à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2025.
Caroline Chatelard
Caroline Chatelard / La Presse canadienne

Une marée rouge s’est emparée samedi matin du centre-ville de Montréal. À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, une foule compacte s’est rassemblée devant le consulat des États-Unis sur la rue Sainte-Catherine à l’appel du collectif Mères au Front.  

Des rassemblements similaires étaient également organisés dans une quinzaine d’autres villes du Québec, ainsi qu’à Ottawa pour former des chaînes humaines de couleur rouge. Celle-ci doit symboliser ici le sang, la colère et l’amour, explique Mères au front.  

Ces rassemblements, baptisés «Ensemble pour nos filles», visaient à dénoncer les atteintes de la nouvelle administration américaine aux droits des femmes ainsi qu'aux droits de la personne, à la santé, à l’environnement et à l'économie.  

Pour l'écosociologue et co-instigatrice de Mères au front Laure Waridel, «il est temps de prendre notre indignation et nos peurs à bras le corps pour devenir le contre-pouvoir que l’on attend». La militante fait référence à un autre objectif de la mobilisation de samedi: la montée de l'autoritarisme chez nos voisins du Sud. 

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«Faisons ce qui n’a pas été fait dans les années 30 en Europe afin d’éviter les dérives démocratiques qui ont mené à la guerre», écrit Mme Waridel dans un communiqué envoyé par Mères au Front pour annoncer la mobilisation. 

Le début d'une résistance

Devant une foule compacte de Montréal qui s’étendait sur plusieurs blocs, Mme Waridel a affirmé que ceci n’est que la «petite pointe naissante de notre résistance».  

Au micro, devant le consulat américain, l'écosociologue a lancé à la masse rouge devant elle: «Nous avons un message pour Trump, Musk, Vance et l’oligarchie américaine: ‘we see you for the bullies that you are. (...) We are here to tell you shame on you for your treatment of women’. [on voit quel genre d'intimidateurs vous êtes. On est ici pour dire: ayez honte de la façon dont vous traitez les femmes]» Un message qui a aussi fait son chemin parmi les manifestantes et manifestants, qui ont repris à la volée et en anglais «shame on you!».  

Ce à quoi l’autre instigatrice de la manifestation, Anaïs Barbeau-Lavalette, a ajouté: «Vous n’êtes pas des rois et nous ne serons jamais vos servantes», brandissant fièrement son majeur et sous les acclamations de la foule. 

Les deux cheffes de file de la manifestation pointent la menace que représentent les politiques de Donald Trump pour le Canada, car, selon elles, l’influence du président américain, et de son allier Elon Musk, s’étend partout dans le monde, y compris ici au Canada. «Ils sont la plus grande menace aux droits des femmes dans le monde», soutient Laure Waridel en entrevue.  

Sa camarade Anaïs Barbeau-Lavalette prolonge le raisonnement en expliquant que les menaces aux droits des femmes sont un début: «C’est la porte d’entrée à beaucoup d’autres choses immondes qui sont en train de se décider de l’autre côté (de la frontière). (...) à partir du moment où s’insurge par rapport à ce qui est menacé pour nos droits, évidemment, ça ouvre les portes sur toutes les autres facettes de notre identité, qui sont elles aussi menacées.» L'autrice et son acolyte pointent également que se lever pour les droits des femmes, c'est se lever pour les droits de toute la population. 

Avortement, guerre commerciale et risques d'ingérence

La criminalisation de l’avortement par certains États américains, dans laquelle le locataire de la Maison-Blanche a pesé lourd, les inquiète tout particulièrement. La guerre commerciale est aussi au centre des préoccupations, car les deux femmes estiment que la fragilisation de l’économie canadienne fera sentir ses conséquences d’abord sur les femmes, aux situations majoritairement plus précaires que les hommes. «On constate aussi qu’il y a une augmentation de la violence faite aux femmes dans ces périodes-là», ajoute Mme Waridel. 

Celle-ci insiste sur les risques d’influence américaine dans les élections à venir. Elle demande aux Canadiens de se montrer vigilants et demande au futur premier ministre par intérim, dont on connaîtra le nom dimanche soir selon toute vraisemblance, de «protéger les droits des femmes» et de «ne pas se laisser influencer par les valeurs d’extrême droite qui prennent de plus en plus d’ampleur partout dans le monde». 

Les instigatrices de la manifestation s’inquiètent aussi d’un point, peut-être anodin, mais qui est lourd de sens, selon elles. Il s’agit de la disparition de la mention dans l’agenda Google de la Journée internationale des droits des femmes. En jetant un oeil sur le calendrier préinstallé dans de nombreux appareils, on peut constater que le 8 mars est un jour comme un autre, alors que la Saint-Valentin ou le changement d’heure sont inscrits noir sur blanc. «C’est une expression de la montée des valeurs de la droite dans l’ensemble de la société et de comment de grandes entreprises adhèrent à ce qui est véhiculé par les masculinistes et d’autres», explique Laure Waridel. 

Les différents événements étaient notamment liés par un geste commun: huit minutes de silence symboliques à 11 h 35. Huit longues minutes durant lesquelles un silence rare s’est emparé du centre-ville de Montréal, habituellement saturé de bruit. Des chants, écoutés religieusement, sont venus ponctuer ces minutes passées bras dessus bras dessous, avant que les acclamations n’explosent à nouveau. 

Au milieu de la masse, un groupe d’amis confie qu’ils sont venus, car ils sont en opposition avec ce que fait Donald Trump. Aux côtés de ses amies, Francine et Marie-Josée, Pierre-Yves, est venu apporter son soutien face au recul des droits des femmes chez nos voisins américains, car il juge qu’on assiste à un retour au Moyen-âge. «C’est important, même si ce n’est pas chez nous et un jour, ça pourrait être chez nous», explique-t-il. Marie-Josée surenchérit: «Si on laisse Trump réduire les droits des femmes, les droits de tout le monde vont reculer. On ne peut pas se mettre la tête dans le sable et minimiser ce qu’il fait.» 

De son côté, Frédérique Pelletier, une habituée des événements du 8 mars, est descendue dans la rue pour s’opposer à la montée de l’extrême droite et souligne la difficulté d’être une femme en 2024-2025. Plus loin, Mathieu Jean-Blais est venu pour sa mère ainsi que celle des autres. Le manifestant rappelle que nous sortons tous du ventre d'une femme.

Cette journée du 8 mars 2025, comme l’ont souligné Laure Waridel et Anaïs Barbeau-Lavalette face aux manifestants, rappelle que la mise en garde de la philosophe française Simone de Beauvoir est toujours d’actualité. «N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.» 

Caroline Chatelard
Caroline Chatelard / La Presse canadienne