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Si les constats sont clairs pour une très grande partie de la société civile, le gouvernement aurait tout intérêt de profiter de l’été pour prendre la réelle mesure de la crise et de jouer un rôle de leadership pour une réelle politique de l’habitation.
Au cours des dernières semaines, la crise du logement a pris beaucoup de place dans les médias. Mais ce sont surtout les propos qualifiés d’insensibles et qui furent tenus par le premier ministre François Legault et la ministre France-Élaine Duranceau qui ont suscité le plus de réactions.
Des propos qui a fait sursauter davantage quand l’information sur la pratique de «flips» (achat-revente rapide d’immeubles) par la ministre fut publiée dans un quotidien. On le sait «le flip» d’un immeuble est souvent accompagné d’une éviction de locataires et s’avère très payant pour ceux et celles qui le pratique. Cette vente rapide d’immeubles, avec une grande marge de profit, a pour conséquence des hausses de prix vertigineuses de l’immobilier et des logements.
Le premier ministre n’est pas en reste : lors d’une sortie où il tentait de protéger sa ministre, il en a plutôt ajouté une couche en parlant de hausses «normales» des loyers qui seraient en corrélation avec la hausse des revenus des ménages québécois. Des économistes des HEC et de l’institut de développement économique de Montréal ont dû corriger le tir indiquant qu’il n’y avait aucun lien entre ces deux réalités.
Il en va tout autant de sa déclaration sur la minimisation des impacts du 1er juillet sur les ménages n’ayant pas trouvé un nouveau toit à cette date. Les chiffres démontrent qu’en 3 ans au Québec, on a triplé le nombre de personnes qui ont dû avoir recours à des mesures d’urgence. Si 600 ménages ont fait appel à un tel service l’an dernier, des milliers d’autres s’ajoutent à cette statistique puisque ces derniers ont plutôt fait appel à des amis ou de la famille pour dormir sur un sofa, le temps de continuer de se chercher un toit. Une situation d’instabilité qui peut s’étendre sur plusieurs mois comme nous le rappelait cette mère de famille dans un article de La Presse du 21 juin dernier. C’est à se demander qui conseille le premier ministre Legault dans ses sorties de presse.
Le point de départ de toute cette médiatisation a été l’annonce du projet de loi 31 qui devait viser un meilleur équilibre entre les propriétaires et les locataires. Du côté des locataires, on aurait dû voir poindre avec ce projet de loi une réelle amélioration de leur protection. Malgré une proposition d’un recours possible des locataires après une reprise ou une éviction par une fausse raison du propriétaire, cela n’amènera probablement pas de réel changement sur les abus possibles.
Les reprises et évictions ne se feront plus automatiquement si les locataires ne répondent pas à l’avis c’est un gain pour eux, mais cela n’empêchera pas comme c’est le cas actuellement, le propriétaire d’évoquer de fausses raisons pour avoir gain de cause. Certes, les locataires pourront avoir des recours a posteriori, ce qui est un gain dans le cas de fausse déclaration du propriétaire, mais combien le feront réellement après avoir aménagé dans un nouveau logement ? C’est en amont, lors des demandes de reprises ou d’évictions par les propriétaires, que ces vérifications devraient être faites avec une exigence de garanties.
Pour ce qui est de la fin possible de cession de bail faite par les locataires mettant fin au bail, le contrôle complet de la sélection du nouveau locataire par le propriétaire dans un contexte de pénurie de logements donne les coudées franches à ces derniers pour augmenter le loyer, bien au-delà des barèmes du Tribunal administratif du logement (TAL), sans trop de risque de contestation.
De plus, des propriétaires auront davantage le pouvoir de discriminer sur la sélection du nouveau ménage locataire. Dans ce contexte de crise, s’il est difficile pour quiconque de se trouver un nouveau toit, ce défi est d’autant plus grand pour une famille monoparentale, des personnes racisées ou des gens issus de groupes marginalisés. La cession de bail entre locataires était souvent le dernier rempart à pouvoir dénicher un toit pour ces ménages. La bourde de la ministre Duranceau : «qu’ils investissent en immobilier», a démontré une réelle déconnexion de ce qui est vécu du côté des locataires.
Il y a une certaine impression que le projet de loi 31 passe à côté du réel objectif d’un meilleur équilibre. La modification des règles du jeu dans le secteur du logement locatif privé devrait répondre à mieux protéger l’abordabilité. Les abus en matière d’augmentation, de reprises et d’évictions ont été monnaie courante ces dernières années et ont contribué aux hausses plus généralisées de l’immobilier et des loyers. C’est à cela que la ministre aurait dû répondre dans sa proposition de projet de loi.
Si les constats sont clairs pour une très grande partie de la société civile, le gouvernement aurait tout intérêt de profiter de l’été pour prendre la réelle mesure de la crise et de jouer un rôle de leadership pour une réelle politique de l’habitation au Québec ainsi qu’à jeter les bases visant à solutionner le manque d’offre afin de résoudre de manière durable la crise de l’abordabilité.