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Pendant que les élus débattent sur la perspective d'interdire ou non les armes d’assaut à la suite de la tuerie de l’école primaire d’Uvalde au Texas, plusieurs politiciens ont une autre interdiction en tête, celle de livres « dangereux » pour les élèves.
Pendant que les élus débattent sur la perspective d'interdire ou non les armes d’assaut à la suite de la tuerie de l’école primaire d’Uvalde au Texas, plusieurs politiciens ont une autre interdiction en tête, celle de livres « dangereux » pour les élèves.
Entre le 1er juillet 2021 et le 31 mars 2022, l’organisme PEN America a recensé 1586 livres qui furent retirés des classes et des bibliothèques scolaires dans plus de la moitié des États américains. Cette grande épuration s’inscrit dans une série de lois décrites comme « anti woke ». Parmi les ouvrages, plusieurs titres connus et surtout, de grands classiques de la littérature : « To Kill a Mocking Bird » d’Harper Lee, « Of Mice and Men » de John Steinbeck, « Gender Queer » de Maia Kobabe ou encore « The Handmaid’s Tale » de l’autrice canadienne Margaret Atwoods.
Le Texas, la Pennsylvanie et la Floride sont les trois États où le plus grand nombre d’ouvrages sont désormais interdits. Au Tennessee, un pasteur a même organisé une cérémonie où des livres « démoniques » des séries Harry Potter et Twilight ont été brûlés. Nous en sommes là, un autodafé. Bien que le dernier cas s’inscrive dans une série d’actes plutôt isolés, il s'avère être la caricature dépeignant un phénomène inquiétant aux États-Unis où de plus en plus de livres touchant au racisme, à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle sont considérés comme dangereux par des élus ou conseils d’établissements scolaires.
Tout cela s’inscrit en opposition à la théorie critique de la race, décrite par Stéphane Baillargeon dans le Devoir, comme une « perspective (qui) fait (grosso modo) de la race une construction sociopolitique menant au racisme systémique pour défendre le privilège blanc ».
Les politiciens ont, dans les derniers mois, brandi cet épouvantail afin d’alarmer les parents que leurs enfants allaient vivre de la culpabilité par procuration et payer pour le « passé raciste qui ne les regarde pas ». Ajoutons à cela le désir d’empêcher la lecture de livres touchant à la communauté LGBTQ+.
Cela fait aussi écho aux dernières lois voulant interdire l’enseignement des questions concernant l’homosexualité et l’identité de genre. L’exemple le plus connu est la loi baptisée par ses détracteurs comme le « don’t say gay bill » qui est entrée en vigueur en Floride en mars dernier. Ces enjeux instrumentalisés par la droite, mais aussi par la gauche, feront assurément parti des débats centraux aux élections de mi-mandat de novembre.
Cette censure d’ouvrage a eu l’effet contraire sur certains organismes et groupes de jeunes. Parmi les initiatives, des étudiants de la Pennsylvanie qui y ont vu l’occasion de former des clubs de lectures où les échanges se font autour des lectures des « livres interdits ». Une boutique californienne envoie gratuitement des copies du roman graphique Maus, sur l’Holocauste, aux étudiants qui ne peuvent légalement avoir une copie ou encore au Missouri, où deux organismes font le don de livres censurés aux élèves qui en font la demande.
Margaret Atwood est allée encore plus loin dans la symbolique en produisant une édition de son roman imbrûlable. Dans une vidéo promotionnelle, on y voit même la femme de 82 ans utiliser un lance-flamme pour tenter de détruire l’ouvrage. Ce geste est en réaction à trois phénomènes : son livre est l’un des plus interdit dans les écoles américaines, des livres ont véritablement été brûlés en signe de protestation et plusieurs ont fait le parallèle entre l’univers dystopique peint dans la Servante écarlate (Handmaid’s Tale) et la réalité que pourraient vivre certaines femmes si l’avortement est illégal aux États-Unis.
Pour les intéressés, le livre est à l’enchère jusqu’au 7 juin prochain et au moment d’écrire ses lignes, la mise actuelle est de 90 000 US $.