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«À Washington, il y a un nouveau shérif en ville.»
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré vendredi lors d'une rencontre avec le vice-président américain JD Vance que son pays souhaitait des «garanties de sécurité» avant toute discussion visant à mettre fin à la guerre entre l'Ukraine et la Russie.
Peu avant de s'entretenir avec Vance à la Conférence de Munich sur la sécurité, Zelensky a indiqué qu'il n'accepterait de rencontrer en personne le dirigeant russe Vladimir Poutine qu'après avoir négocié un plan commun avec le président américain Trump.
Zelensky estime que Trump est la clé pour mettre fin au conflit entre la Russie et l'Ukraine, et a déclaré que le président américain lui avait donné son numéro de téléphone.
Cette semaine, après un appel téléphonique avec Poutine, Trump a renversé des années de soutien indéfectible des États-Unis à l'Ukraine. De nombreux observateurs, en particulier en Europe, espèrent que Vance fera au moins la lumière sur les idées de Trump pour un règlement négocié de la guerre.
Dans ses propres remarques à la conférence, Vance a sermonné les responsables européens sur la liberté d'expression et l'immigration illégale sur le continent, avertissant les élus qu'ils risquent de perdre le soutien du public s'ils ne changent pas rapidement de cap.
«La menace qui m'inquiète le plus vis-à-vis de l'Europe n'est pas la Russie. Ce n'est pas la Chine. Ce n'est aucun autre acteur extérieur», a lancé M. Vance. «Ce qui m'inquiète, c'est la menace de l'intérieur : le recul de l'Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, des valeurs partagées avec les États-Unis d'Amérique.»
Il a mis en garde les responsables européens : «Si vous vous enfuyez devant vos propres électeurs, l'Amérique ne pourra rien faire pour vous.»
Le discours de Vance, et sa brève mention de la guerre en Ukraine, qui dure depuis trois ans, ont été prononcés à un moment d'intense inquiétude et d'incertitude quant à la politique étrangère de l'administration Trump.
«À Washington, il y a un nouveau shérif en ville. Et sous la direction de Donald Trump, nous pouvons être en désaccord avec vos opinions, mais nous nous battrons pour défendre votre droit de les exprimer sur la place publique», a-t-il dit sous des applaudissements tièdes.
Le vice-président a également mis en garde les responsables européens contre l'immigration illégale, affirmant que l'électorat n'avait pas voté pour ouvrir «les vannes à des millions d'immigrants non contrôlés» et faisant référence à une attaque jeudi à Munich où le suspect est un Afghan de 24 ans arrivé en Allemagne en tant que demandeur d'asile en 2016.
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La violence a fait plus de 30 blessés et semble avoir été motivée par un extrémiste islamique.
Plus tôt dans la journée, le secrétaire d'État américain a rencontré séparément le président allemand Frank-Walter Steinmeier, le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, et le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy. Il a profité de ces rencontres pour réitérer l'appel de l'administration républicaine aux membres de l'OTAN pour qu'ils dépensent davantage en matière de défense. Actuellement, 23 des 32 pays membres de l'OTAN atteignent l'objectif de l'alliance militaire occidentale de consacrer 2 % de leur PIB à la défense.
«Nous voulons nous assurer que l'OTAN est réellement construite pour l'avenir, et nous pensons qu'une grande partie de cela consiste à faire en sorte que l'OTAN partage un peu plus les charges en Europe, afin que les États-Unis puissent se concentrer sur certains de nos défis en Asie de l'Est», a rapporté Vance à Rutte.
Rutte a déclaré qu'il était d'accord pour que l'Europe intensifie ses efforts. «Nous devons grandir dans ce sens et dépenser beaucoup plus», a-t-il ajouté.
Quelques heures avant la rencontre entre Vance et Zelensky, un drone russe équipé d'une ogive hautement explosive a percuté le dôme de la centrale nucléaire de Tchernobyl, dans la région de Kyiv, a mentionné le président ukrainien. Les niveaux de radiation n'ont pas augmenté, selon les autorités.
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À Munich, Zelensky a affirmé aux journalistes qu'il pensait que l'attaque de drones sur Tchernobyl était un «message très clair de Poutine et de la Fédération de Russie à la conférence sur la sécurité».
Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a démenti les affirmations de l'Ukraine. Et la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a soutenu que les organisateurs de Munich n'avaient pas invité la Russie depuis plusieurs années.
Le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, devait se joindre à Vance et Zelensky. Il a été retardé lorsque son avion de l'armée de l'air a dû retourner à Washington après avoir rencontré un problème mécanique en route vers Munich. Il a pris un autre avion et devait arriver à temps pour la réunion.
M. Trump, qui a renversé des années de soutien indéfectible des États-Unis à l'Ukraine lors de son appel avec M. Poutine mercredi, a été vague sur ses intentions spécifiques - à part suggérer qu'un accord aboutira probablement à ce que l'Ukraine soit contrainte de céder le territoire que la Russie a saisi depuis qu'elle a annexé la Crimée en 2014.
«La guerre en Ukraine doit prendre fin. Les jeunes sont tués à un rythme que personne n'a vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Et c'est une guerre ridicule.»
Les réflexions de Trump ont laissé les Européens dans l'embarras, se demandant comment - ou même s'ils peuvent - maintenir la sécurité d'après-guerre que l'OTAN leur a offerte ou combler le manque à gagner des milliards de dollars d'aide à la sécurité que l'administration démocrate Biden a fournis à l'Ukraine depuis l'invasion russe de février 2022.
Trump s'est montré très sceptique à l'égard de cette aide et devrait la réduire ou la limiter d'une autre manière à mesure que les négociations s'engageront dans les prochains jours.
Cette semaine, Trump et le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, ont sapé les espoirs de l'Ukraine de faire partie de l'OTAN, ce que l'alliance a déclaré il y a moins d'un an être «irréversible», ou de récupérer son territoire capturé par la Russie, qui en occupe actuellement près de 20 %, y compris la Crimée.
«Je ne vois pas comment un pays dans la position de la Russie pourrait permettre [...] à l'Ukraine de rejoindre l'OTAN», avait-il lancé jeudi. «Je ne vois pas cela se produire.»
Mais le premier ministre britannique, Keir Starmer, a fait savoir vendredi à Zelensky que l'Ukraine devait être autorisée à rejoindre l'OTAN.
Dans une entrevue accordée au Wall Street Journal, M. Vance a soutenu que les États-Unis frapperaient Moscou de sanctions et éventuellement d'une action militaire si M. Poutine n'acceptait pas un accord de paix avec l'Ukraine garantissant l'indépendance à long terme de Kyiv.
L'avertissement selon lequel les options militaires «restent sur la table» était un langage frappant de la part d'une administration Trump qui a souligné à plusieurs reprises son désir de mettre rapidement fin à la guerre.
L'équipe de Vance a par la suite réfuté l'article du journal.
Les assurances des États-Unis ont peut-être quelque peu apaisé les craintes de Zelensky, bien qu'elles ne remplaceront pas le soutien militaire ou économique perdu que l'administration du président Joe Biden avait apporté.
Le dirigeant ukrainien a concédé jeudi qu'il n'était «pas très agréable» que Trump ait parlé en premier à Poutine. Selon lui, le principal enjeu est de «ne pas laisser les choses se dérouler selon le plan de Poutine».
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«Nous ne pouvons pas accepter, en tant que pays indépendant, des accords (conclus) sans nous», a lâché le président ukrainien lors de sa visite d'une centrale nucléaire dans l'ouest de l'Ukraine.
La voie empruntée par Trump a également ébranlé l'Europe, tout comme ses commentaires dédaigneux sur la France et l'Allemagne l'ont fait lors de son premier mandat.
Le vice-ministre français des Affaires étrangères, Benjamin Haddad, a décrit l'Europe comme étant à un tournant, avec un terrain qui se dérobe rapidement sous ses pieds, et a déclaré que l'Europe devait se défaire de sa dépendance envers les États-Unis pour sa sécurité. Il a averti que le fait d'accorder une victoire à la Russie en Ukraine pourrait également avoir des répercussions en Asie.
«Je pense que nous ne saisissons pas suffisamment à quel point notre monde est en train de changer. Nos concurrents comme nos alliés sont occupés à accélérer», avait-il dit jeudi à la radio France Info.