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À la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), on se dit «extrêmement déçu du peu de contenu» du projet de loi.
Le ministre de la Santé Christian Dubé a déposé son projet de loi en vue d'encadrer le recours à la main-d'œuvre indépendante dans le réseau public. Pour les syndicats, on constate une bonne intention, mais aucun plan de match précis pour atteindre l'objectif souhaité.
À la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), on se dit « extrêmement déçu du peu de contenu » du projet de loi. On martèle que la FIQ se bat depuis 15 ans contre le « fléau » des agences privées et on regrette que le projet de loi n’envoie pas « le message clair » tant espéré. La présidente de la FIQ, Julie Bouchard, parle d’un rendez-vous manqué alors qu’on ne saura pas véritablement ce qu’entend faire le ministre avant qu’il ne dévoile le contenu de ses fameux règlements.
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« On est surtout déçu de voir un projet de loi aussi vide puisque du moment où M. Dubé a pris la parole en conférence de presse, il y avait plus d’informations qui émanaient. Par contre, ce sont des intentions », prévient Mme Bouchard, qui préfère ne pas s’emballer avant de lire le détail des éventuels règlements.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) craint que « ce n’est pas avec ce projet de loi que l’on va réussir à stopper l’hémorragie du personnel de la santé vers les agences privées ».
« C’est de la pensée magique que de penser qu’un règlement est la principale solution pour attirer et retenir le personnel de la santé », a raillé la présidente Magali Picard par voie de communiqué. « Gérer les agences privées par règlement, cela veut dire quoi exactement ? On tourne en rond », a-t-elle renchéri.
Selon la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Caroline Senneville, le projet de loi a surtout le mérite de « mettre sur la place publique le réel problème des agences de placement ». Elle déplore toutefois à son tour le « manque de détails » puisque le ministre se réserve le pouvoir d’agir par règlements.
« On sent l’intention, mais on ne voit pas le plan de match précis pour arriver à destination », résume-t-elle en entrevue à La Presse canadienne. Et à son avis, il faudra bien plus que de bonnes intentions.
À ses yeux, ce projet de loi est d’abord et avant tout l’aveu d’un échec. « C’est l’aveu de l’échec de l’appui au système de santé depuis des décennies. C’est l’aveu de l’échec de bien traiter le personnel dans le réseau public en général et dans le système de santé en particulier », analyse Mme Senneville.
Son collègue de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Réjean Leclerc, n’apprécie pas la propension de Québec à négocier sur la place publique. Il estime que le ministre Dubé fait beaucoup de liens en conférence de presse entre ses projets de loi et les conventions collectives alors que ces enjeux devraient faire l’objet de discussions aux tables de négociations.
Une position partagée par le vice-président de la Fédération de la Santé du Québec affiliée à la Centrale des syndicats du Québec (FSQ-CSQ), Déreck Cyr. Il s’inquiète notamment du désir évoqué par le ministre de pouvoir déplacer le personnel en soins d’une unité à l’autre ou d’un établissement à l’autre alors que les conventions collectives encadrent déjà tout ça.
Dans un communiqué transmis tout juste après la conférence de presse du ministre, la FSQ-CSQ a tout de même salué la démarche du gouvernement pour limiter le recours à la main-d’œuvre indépendante puisqu’il faut mettre fin à l’« aberration » d’un employeur public ayant recours à deux classes d’employés dans un même réseau de soins.
Le secrétaire-trésorier de la CSQ, Luc Beauregard, a qualifié la pratique des agences privées de « bar ouvert » en soutenant que Québec a dépensé trois milliards de dollars en six ans pour les services de cette main-d’œuvre externe.
« Ces montants, substantiels, auraient été mieux investis pour améliorer les conditions de travail du personnel, épuisé et à bout de souffle, partout dans le réseau », peut-on lire dans une citation attribuée à M. Beauregard.
Le ministre Christian Dubé a reconnu à plusieurs reprises que le réseau public devait régler son problème d’attraction et surtout de rétention de la main-d’œuvre. Les syndicats ne cessent de répéter la même chose depuis des années et ils espèrent enfin être entendus.
Pour Julie Bouchard, si le gouvernement est sérieux dans sa volonté de négocier pour améliorer le sort des infirmières et autres professionnels en soins, il doit accélérer la cadence des discussions. Celles-ci se font actuellement au rythme d’une séance aux deux semaines.
La présidente de la FIQ estime que pour ramener des professionnelles dans le réseau, il faut mieux faire en matière de conditions générales, de conciliation travail-famille et de rémunération.
Voyez le récapitulatif de Simon Bourassa au bulletin Noovo Le Fil 17.
À la CSN, Caroline Senneville souligne que ceux qui vont dans les agences de santé « aiment pouvoir savoir quand ils vont travailler et avoir le contrôle sur leurs heures de travail ». « Comment ça se fait qu’on n’est pas capable de leur offrir ça dans le réseau public ? », s’interroge-t-elle.
Son collègue, Réjean Leclerc, s’inquiète de son côté d’une tendance du ministre à changer de ton lorsque vient le temps de négocier pour vrai. « Ce que je dénote, c’est qu’il peut admettre plein de choses, mais quand on arrive concrètement aux tables de négociations, on dirait que l’argument ne tient plus », relate-t-il en ajoutant ne pas être sûr que « les bottines et les babines sont sur la même personne ».
Déreck Cyr, de la FSQ-CSQ, insiste aussi sur l’importance de stabiliser les équipes de travail dans les établissements. Le roulement de personnel exacerbé par le recours à la main-d’œuvre indépendante a des impacts majeurs sur l’ambiance de travail et la qualité des services.
Plusieurs fois en conférence de presse, le ministre Dubé a appelé les syndicats à participer aux forums consultatifs du Conseil de Trésor. En guise de réponse, les syndicats invitent plutôt le ministre à s’asseoir à la table de négociation.
« Les Forums de discussion dont parle le ministre, ça s’appelle une table de négociation. C’est fini le placotage inutile », a tranché la présidente de la FTQ Magali Picard.
Réjean Leclerc, de la FSSS-CSN, explique que les syndicats participent déjà à une table de consultation dans la foulée du Plan santé du ministre, en plus de débattre de leurs revendications aux tables de négociation des conventions collectives.
« Il y a des endroits déjà prévus pour négocier les choses que le gouvernement demande. Je ne comprends pas pourquoi on veut passer à côté du mécanisme qui est déjà prévu dans les lois. On va respecter la loi que le gouvernement lui-même a voté », développe-t-il.
La FIQ non plus n’a aucune intention de se présenter à ces forums. Pour Julie Bouchard, « ce n’est pas le temps de multiplier les lieux de discussions qui tournent en ronds » alors que le gouvernement connaît déjà très bien la nature des demandes syndicales.
Par ailleurs, les grandes centrales syndicales devaient se rencontrer plus tard mercredi afin d’échanger sur la possibilité d’effectuer une sortie publique commune en réaction au projet de loi du ministre Dubé.