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Le président du Conseil national des musulmans canadiens a annulé un entretien prévu lundi avec Justin Trudeau, estimant qu'il était inutile de parler au premier ministre libéral.
Le président du Conseil national des musulmans canadiens a subitement annulé un entretien prévu lundi avec le premier ministre Justin Trudeau, estimant qu'il était inutile de parler avec un gouvernement qui ne peut pas protéger les Palestiniens et qui n'a pas posé de gestes «tangibles» pour contrer les crimes haineux au pays.
«Nous ne croyons plus qu'il soit productif de discuter avec ce premier ministre, a déclaré le président de l'organisme, Stephen Brown, en conférence de presse lundi. Il n'y a rien de nouveau à dire. Nous avons déjà tout dit.»
M. Trudeau n'a pas abordé directement ce rendez-vous annulé, lundi, avant la période des questions aux Communes, limitant ses commentaires à la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie. Son cabinet a déclaré plus tard qu'il n'avait «rien à ajouter».
M. Brown devait rencontrer le premier ministre lundi pour discuter de la lutte contre la haine envers les musulmans. Il a décidé d'annuler cette rencontre, a-t-il dit, parce que le premier ministre avait jusqu'ici négligé de donner suite aux promesses faites à la communauté musulmane lors de la campagne électorale de 2015 qui l'a porté au pouvoir à Ottawa. Il déplore notamment que l'on n'intente pas davantage de poursuites contre les auteurs de crimes haineux et qu'on ne finance pas adéquatement des programmes destinés à prévenir de tels crimes, comme le financement des caméras de surveillance autour des sites religieux.
«Il est devenu clair que nous semblons obtenir une réforme politique seulement lorsque nos vies, ou notre sécurité, sont détruites, a déclaré M. Brown. Notre gouvernement n'a pas réussi à adopter une loi substantielle contre les crimes haineux.»
Selon le leader musulman, rien n'indique par ailleurs qu'Ottawa soit prêt à faire pression sur Israël pour que l'État hébreu ralentisse ses bombardements sur la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, dont l'attaque brutale contre Israël le 7 octobre dernier a provoqué une riposte militaire massive.
«Nous souhaitons que le gouvernement prenne des mesures concrètes et réelles pour réduire l'islamophobie dans ce pays (et) pour mettre fin aux hostilités au Proche-Orient», a déclaré M. Brown.
«C'est bien quand on nous dit: "on est préoccupés par la situation". Mais d'être préoccupés par la situation, ce n'est pas assez: ce qu'on a vraiment besoin de voir, ce sont des actions tangibles pour amener du changement.»
Il a enfin souligné que le Canada avait rompu avec nombre de ses alliés en refusant d'appeler Israël à suivre les ordonnances de la Cour internationale de justice (CIJ), qui a appelé vendredi l'État hébreu à empêcher un génocide des Palestiniens. Ottawa a jusqu'ici déclaré qu'il soutenait la CIJ, mais que ce soutien ne signifiait pas que le gouvernement acceptait les prémisses de la plainte de l'Afrique du Sud au tribunal de La Haye.
Le premier ministre a toujours indiqué que le Canada n'était pas nécessairement d'accord avec la prémisse de l'argumentation de l'Afrique du Sud, mais il n'a jamais précisé s'il rejetait cette requête ou si le Canada respecterait la décision du tribunal international sur un présumé «génocide des Palestiniens».
Selon M. Brown, cette posture démontre que les libéraux fédéraux soutiennent uniquement la justice pour certains groupes, au lieu de défendre les institutions multilatérales. «Ils ont compromis l'intégrité de l'ordre international fondé sur des règles et l'intégrité de la CIJ, en contestant les prémisses de cette affaire», a-t-il estimé lundi.
M. Trudeau a été porté au pouvoir en 2015 en partie grâce à sa promesse de mettre fin à une période particulièrement conflictuelle dans la politique fédérale et d’adopter une approche plus humanitaire du gouvernement.
La campagne électorale de cette année-là a coïncidé avec une vague de migration en Europe ponctuée par la mort tragique d'Alan Kurdi, un petit garçon syrien de deux ans, dont le corps s'est échoué sur une plage de Turquie et a contribué à cristalliser la consternation de l'opinion publique face au sort des réfugiés syriens.
De nombreux musulmans ont donné le nom de Trudeau à leurs enfants en raison de sa promesse de maintenir l'égalité et la tolérance, a déclaré M. Brown. «Cette grande promesse semble désormais rompue — et peut-être de façon irrémédiable.»
Le Conseil national des musulmans canadiens exprime également son inquiétude quant à la décision d'Ottawa de suspendre le financement d'une agence des Nations unies qui soutient les Palestiniens (UNRWA), en réponse aux allégations selon lesquelles certains de ses employés auraient joué un rôle dans l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.
Ottawa a ordonné une pause temporaire sur «tout financement supplémentaire» pour l'UNRWA, que les libéraux avaient récemment décrit comme indispensable pour maintenir les Palestiniens en vie.
Cette décision fait suite au gel par Washington des fonds destinés à l'agence, après que son directeur a licencié des employés soupçonnés d'être impliqués dans l'attaque du Hamas, sans préciser le rôle qu'ils auraient pu jouer.
M. Brown a déclaré lundi qu'il était essentiel que quelqu'un fournisse une aide vitale aux Palestiniens de Gaza et soutienne ceux qui sont confrontés à une recrudescence de la violence en Cisjordanie.
Le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, a déclaré lundi que le Canada parviendrait à obtenir des fonds pour les Palestiniens par l'intermédiaire d'autres ONG comme le Programme alimentaire mondial, l'UNICEF, l'Organisation mondiale de la santé, Médecins sans frontières et la Coalition humanitaire, un groupe d'organismes caritatifs canadiens comme Oxfam.
«Notre niveau de soutien aux civils palestiniens ne sera pas diminué par (cette décision)», a déclaré le ministre Hussen.