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Québec veut s'assurer que la mise en application de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, 25 ans après son entrée en vigueur, est adaptée au contexte évolutif de la société.
Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, lançait mercredi les travaux entourant l'application de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui sous la loupe d'experts.
Dans un communiqué envoyé aux médias, le gouvernement du Québec affirme vouloir s'assurer que la mise en application de la loi P-38, 25 ans après son entrée en vigueur, «en respecte toujours la finalité et est adaptée au contexte évolutif de la société». À l’issu de ces travaux, la loi pourrait être modifiée ou le contexte d’application de cette loi d’exception pourrait être revu.
Voyez le reportage de Simon Bourassa sur ce sujet dans la vidéo de cet article.
«Depuis toujours, on entend les mêmes plaintes et je crois que la prochaine étape, c'est l'étape actuelle. (...) C'est le bon moment pour le faire», a affirmé le ministre Carmant.
Les travaux ont été confiés à l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ) qui aura comme mandat d'examiner les divers enjeux de cette loi «tout en tenant compte des perspectives de l'ensemble des parties prenantes».
«Je suis heureux que l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice ait accepté le mandat de réaliser des travaux entourant son application. On aura ainsi des assises solides pour mieux comprendre les enjeux et les défis qui persistent sur le terrain, autant pour les personnes qui appliquent la loi que celles qui en sont touchées», a indiqué le ministre Carmant par voie de communiqué.
Le mandat octroyé à l'IQRDJ comportera deux volets, le premier concernant la recherche. Les experts auront à établir un état des lieux de la situation actuelle de l'application de la loi P-38 en tenant compte notamment des aspects juridiques, de l'analyse du droit comparé à l'échelle internationale, de la littérature entourant la loi et des intervenants appelés à appliquer la loi.
Le deuxième volet du mandat de l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice concerne la consultation publique où des témoignages d'experts, de partenaires et d'acteurs clés concernés par l'application de la loi P-38 seront entendus.
Le Dr Pierre Bleau, directeur national des Services en santé mentale et en psychiatrie légale, accueille favorablement ce désir du gouvernement du Québec de mettre à jour la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
Il indique que la loi P-38 a été pensée pour offrir aux personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui un cadre législatif et un accompagnement qui assure leur sécurité tout en respectant leurs droits, «mais comme toute loi, il est possible que des difficultés d'application se présentent.»
«Le mandat confié aux experts de l'Institut permettra de voir en quoi on peut mieux répondre aux besoins actuels de notre société, le tout dans le respect des droits individuels, de la dignité et de la sécurité de chaque personne», a affirmé le Dr Bleau.
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Ce sont les familles des gens atteints de problèmes de santé mentale qui souhaitent une révision de la loi. Les gens qui obtiennent une ordonnance de garde sur leur proche réalisent que la démarche est souvent insuffisante, mais toujours déchirante.
Selon René Cloutier, directeur général du Réseau avant de craquer, qui regroupe 51 organismes d’aide en santé mentale partout au Québec, les gens qui demandent une ordonnance de garde pour leurs proches se butent souvent au phénomène des «portes tournantes». L’ordonnance de garde ne garantit pas que la personne va accepter les soins qu’on lui propose, le patient peut donc retourner chez lui et dans la plupart des cas, l’histoire se répète.
Le directeur national des services en santé mentale au ministère de la Santé affirme que les professionnels en santé mentale ont été formés et outillés pour traiter des «cas de P-38». Il ajoute qu’il n’y a jamais eu autant de ressources en santé mentale au Québec, mais qu’une révision de l’application de cette loi d’exception est nécessaire.
La Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui vise à assurer une plus grande protection des droits de la personne qui n'a pas l'utilisation complète et autonome de tous ses moyens et de toutes ses facultés.
Les dispositions de la loi P-38 complètent celles du Code civil portant sur la garde par un établissement de santé et de services sociaux des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui et sur l'évaluation psychiatrique visant à déterminer la nécessité d'une telle garde.
Lorsque l’état mental de la personne en cause présente un danger grave et immédiat, la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui permet de passer outre au consentement de la personne et à l’autorisation du tribunal. Cela fait en sorte que la personne sera conduite contre son gré dans un établissement en vue d’une garde préventive.
Il faut savoir également que la loi P-38 ne relève pas du Code criminel et est complètement distincte des démarches de la Commission d'examen des troubles mentaux (CETM) pour évaluer, notamment, la possibilité de remettre en liberté ou non des personnes ayant posé des gestes criminels pour lesquels ils ont été reconnus non criminellement responsables. La question de l'évaluation de ces personnes relève d'une autre loi, bien qu'elle touche également à la libre circulation ou non de personnes dangereuses en raison de leur état mental.
La loi prévoit en autres qu'un agent de la paix peut amener contre son gré une personne dans un hôpital ou un CLSC si son état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui à la demande d’un intervenant d’un service d’aide en situation de crise ou d’un proche. La personne doit être libérée après 72h, à moins qu’un tribunal n’ait ordonné que la garde soit prolongée afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique.
Avec des informations de Simon Bourassa, Noovo Info, et de La Presse canadienne.