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Force est de constater que certaines vieilles habitudes n’ont pas mis de temps avant de faire un retour remarqué.
Chassez le naturel, il revient au galop.
Après trois saisons passées sous le joug de la pandémie et des mesures sanitaires, les sports mineurs ont pu reprendre leurs activités normales en 2022, au plaisir de jeunes et moins jeunes. Mais le retour des compétitions s’est accompagné d’une recrudescence des gestes disgracieux, et ce, en pleine pénurie d’officiels.
Matchs, tournois et même saisons complètes annulées: les dernières années n’ont pas été simples pour les jeunes sportifs québécois. Après plans de relance par-dessus plans de relance, ils ont pu retrouver le cours normal de leurs activités au fil de la dernière année.
Mais si l’on pouvait croire que cette pause obligée entraînerait un changement des mentalités sur la scène sportive, force est de constater que certaines vieilles habitudes n’ont pas mis de temps avant de faire un retour remarqué.
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En mai, une vidéo montrant un grand-père sautant sur un terrain de soccer pour frapper un arbitre de 17 ans a rapidement fait le tour du Web, en plus de circuler abondamment dans les médias. Au hockey, plus récemment, une autre vidéo virale montrait une femme en train de s’agripper à une baie vitrée pour enguirlander un officiel.
Ce genre d'histoire, Éric Black en entend presque tous les jours depuis le début de la saison de hockey. En tant qu'arbitre-chef de la région de Montréal, c'est sur son bureau que se retrouvent les situations problématiques impliquant des officiels de partout sur l'île.
«En 24 ans dans le monde de l'arbitrage, je n'ai jamais connu ça. C'est l'une des pires années, si ce n'est pas la pire. À tous les matchs, c'est terrible», lance-t-il d'emblée lors d'un entretien avec La Presse Canadienne.
Selon lui, la problématique est encore plus visible lors des matchs de catégories jeunes, comme le M11 ou le M13, même si «tout le monde sait que ce sont des arbitres qui commencent».
Cet automne, M. Black a notamment dû gérer un cas où, dans un match M13 C, deux nouveaux arbitres qui en étaient à leur premier match en carrière se sont fait intimider à leur sortie de la patinoire par des parents. Un parent s'est même rendu jusqu'au vestiaire des officiels pour leur faire savoir sa façon de penser.
Pour l’un des deux officiels impliqués, cette rencontre aura été la seule fois où il aura porté le chandail rayé, lui qui, de concert avec ses parents, a choisi dès ce moment d’accrocher son sifflet.
D'autres officiels ont même été confrontés à des menaces de mort, selon M. Black.
L'entraîneur en question a été suspendu sept matchs et est depuis de retour derrière le banc de son équipe, indique M. Black.
En pleine pénurie d'officiels, ce genre de comportement est «ridicule», selon l'arbitre-chef. S'il reconnaît que des arbitres sont parfois appelés à travailler dans des catégories supérieures à leur niveau, il rappelle que cela demeure une meilleure option que d'annuler complètement des parties, faute de pouvoir offrir le service.
Depuis quelques années, les arbitres de moins de 18 ans portent par ailleurs un brassard vert pour indiquer à tous les intervenants — entraîneurs, joueurs et parents — qu'ils commencent dans le milieu. Or, «les gens s'en foutent complètement», soutient M. Black.
Pour lui, la seule façon efficace de contrôler des parents en colère dans les estrades serait d'assigner un responsable de chaque association de hockey mineur chargé d'aller raisonner les personnes qui posent problème.
«On a eu ça une fois pendant une finale de tournoi, et ça a marché», plaide-t-il.
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M. Black affirme cependant qu'il faudra absolument que l'atmosphère change en 2023, parce qu'avec la saison des tournois en janvier et février, il devra compter sur des effectifs motivés pour réussir à fournir tous les arbitres requis.
«Les arbitres ne seront pas meilleurs, ils ne seront pas pires: ils ont une "job" à faire, une "job" qui n’est pas toujours facile à faire, mais ils sont les seuls à pouvoir la faire. Et les arbitres ne peuvent pas toujours gérer ce qui se passe dans les estrades, rappelle-t-il.
«Oui, on va se faire crier après, ça fait quand même partie du métier, mais est-ce que ça vaut vraiment la peine de recevoir des menaces de mort parce que tu as fait deux ou trois mauvais 'calls' dans un match? Vraiment pas», insiste M. Black.
Depuis le début de la saison, «quatre ou cinq» nouveaux arbitres ont déjà quitté les rangs à Montréal, et une quinzaine de parties ont dû être annulées en raison du manque d'officiels disponibles.
Au-delà de ces malheureux incidents, la «machine» des sports mineurs a pu reprendre sa vitesse de croisière en 2022.
Le tout ne s’est pas fait du jour au lendemain, notamment en raison de la vague Omicron, qui a affecté les premiers mois de l’année. Mais la situation sanitaire, qui s’est stabilisée avec le temps, a fait en sorte qu’il ne reste aujourd'hui pratiquement plus aucun frein pour les activités sportives au Québec.
Dans les différentes régions de la province, les événements qui ont été annulés en 2020 et 2021 ont fait leur grand retour, parfois après beaucoup de travail pour trouver des bénévoles prêts à s'investir dans un court délai.
C'est le cas notamment en Outaouais, où le festival de hockey «Mahg en fête» d'Aylmer a fait son grand retour cette semaine, avec 178 joueurs âgés de 4 à 6 ans. Ce rendez-vous, qui était considéré comme un incontournable dans la région avant la pandémie, a été organisé en un temps record cette année, à la demande des parents de jeunes joueurs.
«Les parents voulaient fêter avec leurs enfants au hockey, ils voulaient leur donner cette opportunité-là», raconte au bout du fil la responsable du festival, Karine Labelle.
Devant la forte demande pour retrouver ce qui est en quelque sorte une fête familiale à l'aréna, Mme Labelle a pris les choses en main cet automne, a recruté des bénévoles et trouvé plusieurs commanditaires qui ont accepté de se joindre à l'aventure.
Elle-même mère du jeune Victor, qui a foulé la glace de l’aréna Frank Robinson pendant le festival, Mme Labelle est bien placée pour constater le succès de ce retour.
«Les estrades sont pleines, on applaudit à chaque but, chaque fois c'est comme si on venait de célébrer un match de la Ligue nationale. Tout le monde est très heureux de voir les enfants s'amuser, apprendre à patiner et faire leur premier but. C'est vraiment beau à voir», raconte-t-elle.
Si, pour les jeunes qui restent, les activités ont repris leur cours normal en 2022, on ne peut passer sous silence le fait que plusieurs organisations sportives ont vu leur nombre d'inscriptions baisser lors des années marquées par la pandémie. Et malgré un léger rebond dans certains sports pour les saisons qui ont eu lieu cette année, il faudra encore trimer dur pour convaincre certains jeunes de remonter à bord du navire.
L'édition de 2022 du Bulletin de l’activité physique chez les enfants et les jeunes de ParticipACTION donnait une note de «D» aux enfants canadiens, car moins du tiers des enfants et des jeunes, soit 28 %, respectent la recommandation des Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures.
Au cabinet de la ministre québécoise du Sport, du Loisir et du Plein air, Isabelle Charest, on assure être bien au fait de la situation et vouloir agir rapidement, «et c’est d’autant plus vrai après les dernières années de pandémie que nous venons de traverser».
«Pour ce faire, il est certain que nous aurons à continuer de développer des infrastructures sportives, mais on misera également sur la création d’espaces verts, on favorisera l’accès à la nature, on développera nos sentiers, et on le fera en collaboration avec tous les acteurs du milieu. On veut aussi déployer une offre sportive qui réponde mieux aux besoins et aux aspirations des femmes et des filles, et la ministre y verra personnellement», précise l'attaché de presse de la ministre Charest, Lambert Drainville.
La ministre se fait aussi un devoir d'améliorer la sécurité et l'intégrité dans les sports, ajoute-t-il, ce qui passera entre autres par la refonte de la Loi sur la sécurité dans les sports, le printemps prochain.
Ce serait une première depuis 1997.