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À 155 ans passés, le Parti libéral du Québec (PLQ) vit sa crise d'adolescence. Il se sent mal aimé, mal dans sa peau, se questionne sur son identité, ne sachant trop de quoi sera fait son avenir.
À 155 ans passés, le Parti libéral du Québec (PLQ) vit sa crise d'adolescence. Il se sent mal aimé, mal dans sa peau, se questionne sur son identité, ne sachant trop de quoi sera fait son avenir.
En 2022, le PLQ aura vécu son «annus horribilis», récoltant le pire score de son histoire lors du scrutin du 3 octobre, un désaveu massif, sans ambiguïté, de la population.
Une crise majeure a aussitôt éclaté, divisant les troupes, promptes à contester ouvertement le leadership de la cheffe, Dominique Anglade, tenue responsable d'une campagne catastrophique. À peine un mois plus tard, la tempête aura provoqué sa démission, point d'orgue d'une crise qui aura constitué un des événements majeurs de l'actualité politique québécoise de l'année qui s'achève.
Une fois la tempête passée, un constat s'impose: le parti des Jean Lesage, Robert Bourassa et Jean Charest, rompu à l'exercice du pouvoir pendant des décennies et auquel on peut associer tant de grandes réalisations, n'est plus que l'ombre de lui-même.
Le 3 octobre, il a dû se contenter de figurer au quatrième rang des cinq principaux partis, en termes d'appui populaire, avec seulement 14 % du vote et 21 députés. En dehors de la grande région de Montréal, le PLQ a été désavoué pratiquement partout, massivement, par les électeurs francophones. Plus que jamais, on dira de lui qu'il est devenu le parti des «Anglais».
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L'année 2022 aura donc agi comme un révélateur, servant au PLQ un électrochoc. Il a dû prendre conscience que la population ne voulait plus de lui, ne se reconnaissait plus en lui, ne voulait plus le voir diriger le Québec.
Il reste à savoir dans quelle mesure la direction du parti et la base militante seront disposées en 2023 à faire leur examen de conscience, pour comprendre les raisons du divorce entre le PLQ et l'électorat francophone, avant de songer à partir à la chasse au sauveur.
Dans le passé, le PLQ ne nous a pas habitués à de longs exercices de remise en question et d'auto-analyse. Pas exactement son style. Mais dans les circonstances, peut-il vraiment éviter de tirer les leçons du dernier scrutin?
Depuis l'amère défaite du 3 octobre, le parti a tout de même entrepris de procéder à un post mortem, en demandant aux présidents d'association de formuler leurs critiques et analyses de la campagne électorale. Un rapport du résultat de cette consultation doit être rédigé au début de 2023.
En parallèle, le nouveau président du parti, Rafaël Primeau-Ferraro, n'a pas exclu l'idée de tenir un congrès d'orientation en 2023. L'exécutif du parti devra peser le pour et le contre et trancher à ce propos à court terme, s'il sent un appétit en ce sens émanant de la base.
Cet hiver, la direction du PLQ ne chômera pas, car elle devra en priorité fixer les règles de la future course au leadership, qui devront être assez strictes pour écarter les candidatures farfelues, mais assez souples pour ne pas faire fuir des candidatures de grand calibre. Ces règles devront être approuvées par les membres réunis en conseil général.
En priorité, on devra rapidement choisir la date, au mieux à la fin de l'automne 2023 ou au plus tard au printemps 2024, de l'élection du futur chef.
Disons-le franchement, le futur leader du PLQ héritera d'un parti en lambeaux. Pratiquement tout est à refaire.
À ce jour, les éventuels sauveurs ne se bousculent pas au portillon. À l'extérieur du caucus libéral, personne n'a encore levé la main. Quelques noms ont circulé - notamment celui de l'ex-ministre Pierre Moreau et de l'ex-directeur général du parti devenu président du Conseil du patronat, Karl Blackburn - de libéraux bien connus qui se sont aussitôt empressés de décliner l'invitation.
Dans le caucus, trois élus ont montré de l'intérêt: l'actuel chef par intérim, Marc Tanguay, le député de Nelligan, Monsef Derraji, et celui de Pontiac, André Fortin, qui vont cependant attendre de connaître les règles de la course et, surtout, de voir qui est prêt à les appuyer avant de confirmer leurs intentions.
La redoutable machine rouge n'est plus ce qu'elle était: les bénévoles, la plupart vieillissants, désertent le parti, les associations de circonscriptions sont souvent inexistantes ou moribondes, le nombre de membres (autour de 20 000) connaît un creux historique. Le financement est à l'avenant.
À l'Assemblée nationale, le caucus libéral, qui s'est déchiré sur la place publique tout l'automne, ne compte plus que 19 députés, après la démission de Mme Anglade et le départ de la députée de Vaudreuil, Marie-Claude Nichols, devenue indépendante après avoir été exclue du caucus parce qu'elle refusait les fonctions qu'on lui demandait d'exercer.
À tous ces défis qui attendent le futur chef s'ajoutera en fond de scène une question fondamentale, lancinante: quelle est la raison d'être de cette formation politique en 2023? Pourquoi voter libéral aujourd'hui?
Le PLQ a toujours misé sur le fait qu'il n'avait qu'à brandir l'épouvantail d'un référendum sur la souveraineté pour prendre ou conserver le pouvoir. Mais aujourd'hui, alors que le scénario d'un référendum à court ou moyen terme semble infinitésimal, quel doit être l'argumentaire libéral pour séduire l'électorat à temps pour 2026?
Traditionnellement, le PLQ, parti de l'économie et des libertés individuelles, avait toujours réussi à être représentatif de l'électorat, trouvant le fragile point d'équilibre entre les aspirations des fédéralistes inconditionnels et les francophones modérément nationalistes, sans s'aliéner pour autant les anglophones et les allophones.
Jusqu'à récemment, c'était le parti de l'ambivalence et des contradictions assumées par une grande majorité de Québécois, partisans d'«un Québec indépendant dans un Canada uni», pour reprendre le célèbre mot d'Yvon Deschamps.
Mais aujourd'hui, au Québec, alors que l'offre politique se diversifie et se radicalise, comment un «vieux parti» comme le PLQ peut-il se moderniser, sans renier son passé et ses valeurs, et comment rester lui-même en se démarquant des autres partis?
Voilà autant de questions difficiles qui occuperont sans nul doute les pensées des libéraux dans l'année qui vient, qu'ils soient membres de la direction, militants, bénévoles, élus ou aspirants chefs.
De tout temps, des partis politiques naissent, tandis que d'autres vivotent et finissent par s'éteindre. Depuis des années, on nous annonce l'agonie du Parti québécois, qui réussit toujours malgré les déconvenues à garder la tête hors de l'eau. Depuis le 3 octobre, il y a des libéraux qui, en coulisses, disent craindre l'agonie du Parti libéral du Québec.
Le prochain chef du PLQ devra donc faire la démonstration que ces gens-là se trompent, qu'ils ont tout faux, que la crise d'adolescence est terminée. À la suite des Jean Lesage, Robert Bourassa et Jean Charest, il ou elle aura fort à faire pour convaincre les Québécois que le PLQ est plus que jamais le parti de l'avenir et non celui du passé.