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En cette journée du «420», Noovo Info s'est intéressé aux impacts d'une légalisation du cannabis aux États-Unis pour le Québec.
C'est aujourd'hui le «420»: en cette journée toute spéciale pour les stoners de ce monde, Noovo Info s'est intéressé aux impacts d'une légalisation du cannabis aux États-Unis pour le Québec.
Alors que le cannabis est légal au Canada depuis 2018, ce n’est toujours pas le cas chez nos voisins du Sud. La donne pourrait cependant changer si le projet de loi MORE (Marijuana Opportunity Reinvestment et Expungement) était adopté par le Sénat américain. L’industrie québécoise du cannabis suit le dossier avec attention.
«C’est quelque chose qui est surveillé de très près par plusieurs de nos membres, admet le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie du cannabis (AQIC), Pierre Leclerc. Il y a des effets qui pourraient être très positifs pour l’industrie canadienne, mais aussi d’autres qui pourraient être plus indésirables dans le contexte actuel.»
Une répercussion positive de la légalisation du cannabis aux États-Unis pour le Québec et le Canada est que cela pourrait contribuer à la déstigmatisation de l’industrie relativement aux institutions financières. M. Leclerc souligne qu’il s’agit présentement d’un enjeu majeur pour ses membres, notamment en ce qui a trait aux assurances.
Même aux yeux du grand public, une légalisation américaine du cannabis pourrait redorer le blason de cette plante, selon lui. Car M. Leclerc insiste : ses bienfaits vont bien plus loin que ceux du «bon vieux pot» récréatif. Ce dernier souligne que l’on peut en faire usage comme biomasse, fibre textile, isolant, etc.
Selon le directeur général de l’AQIC, le Canada a peu d’intérêt économique pour l’industrie du cannabis à l’heure actuelle. Avec une arrivée dans le décor des Américains qui ont, de leur côté, une approche plus proche du libre-marché, il espère que cela pourrait changer. M. Leclerc voit tout de même d’un bon œil l’annonce de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, concernant la mise en place d’une Table stratégique sur le cannabis.
M. Leclerc note également que le secteur du cannabis a eu peu d’appuis pour se développer et pour innover.
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À savoir si l’industrie québécoise aurait les moyens d’augmenter ses moyens de production afin de s’exporter au sud de la frontière, M. Leclerc souligne qu’un appui du gouvernement serait apprécié. Selon lui, ce le gouvernement Trudeau traite présentement le secteur du cannabis sur le même pied d’égalité que l’industrie du tabac et n’est pas enclin à fournir des programmes d’aide ou à accorder des aides financières.
«Les producteurs auraient la capacité. Nous avons des producteurs d’envergure au Québec, comme Hexo ou Cannara Biotech. Encore faut-il permettre qu’il y ait un marché et certaines alternatives au marché récréatif. Le Québec pourrait très bien se positionner […] mais tout ça découle d’une compréhension et d’une volonté politique.»
Cannara Biotech est un producteur de cannabis basé au Québec qui veut se positionner comme chef de file du marché canadien avec ses produits de qualité. La compagnie mise sur deux méga installations s’étendant sur plus de 1 650 000 pieds carrés et peut fournir jusqu’à 125 000 kg de production annualisée.
Pour son directeur financier, Nicholas Sosiak, la légalisation du cannabis aux États-Unis est un dossier riche en émotions de par ses nombreux rebondissements. Il est toutefois optimiste qu’elle se réalise dans un horizon de cinq ans, du moins au sein des différents États, si ce n’est sur le plan fédéral. Si elle survient, il croit d’ailleurs qu’elle serait très bénéfique pour sa compagnie et pour le marché québécois.
«Pour l’instant notre objectif est d’être les rois au Canada. Une légalisation aux États-Unis serait une opportunité de s’étendre davantage et de faire des partenariats avec des marques américaines», souligne-t-il.
Une serre de la compagnie Cannara Biotech située à Farnham. Crédit photo : Cannara Biotech
Pour M. Sosiak, le marché canadien du cannabis est en effet relativement saturé, notamment en raison des restrictions imposées par Santé Canada.
«Les opportunités sont seulement entre les mains des joueurs actuels du marché. La légalisation aux États-Unis permettrait aux compagnies canadiennes de s’étendre davantage en s’attaquant à un autre marché.»
D’après lui, une invasion américaine du marché canadien est moins à craindre, puisqu’il y a déjà suffisamment de travail à faire en la matière aux États-Unis.
Comme le directeur général de l’AQIC, M. Sosiak est d’avis qu’une légalisation aux États-Unis pourrait attiser l’intérêt des institutions gouvernementales et bancaires pour l’industrie québécoise du cannabis.
Nico Hache est directeur des services horticoles chez la firme Deloitte et compte sur une longue expérience dans l’univers du cannabis, notamment en tant que consultant. De son côté, il est plus ou moins optimiste quant à une légalisation imminente aux États-Unis, car il s’agit d’un dossier qui traîne en longueur depuis des années.
Il souligne qu’une telle mesure aurait davantage d’impact sur le plan des investissements, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, que sur les ventes en tant que telles. Selon M. Hache, les banques pourraient potentiellement se laisser tenter.
«Mais l’excitation d’investir va-t-elle encore être au Canada, ou est-ce que ça va plutôt être stabilisé? Les investisseurs dans le cannabis cherchent plutôt à faire de grosses transactions. Ça va être plus facile chez les institutions bancaires, oui, mais pour les investissements en général, je ne sais pas. Je ne saurais dire si ça va aider au Canada», relativiste-t-il toutefois.
Un homme fume un joint à New York à l'occasion du «420», en 2021. Crédit photo : Mark Lennihan | AP Photo
M. Hache considère que le marché américain risque d’être difficile à percer pour les producteurs canadiens. «Je pense que ça va être difficile pour le Canada de compétitionner avec les États-Unis. Il va y avoir tellement de choix, il va avoir beaucoup plus de nouveaux produits, de nouvelles entreprises et génétiques», explique-t-il.
Le directeur des services horticoles ajoute que les compagnies américaines n’accuseront pas de retard, si la légalisation va de l’avant. Étant déjà présentes dans certains États où le cannabis est légal sur les plans médicaux ou récréatifs, elles seront prêtes à prendre le marché d’assaut lorsque ce sera possible. «Je pense que ça risque d’être plus facile pour ces entreprises que pour les compagnies canadiennes», souligne-t-il.
«C’est comme la microbrasserie, illustre M. Hache. On en a beaucoup au Canada, il y en a plein dans les commissions de liqueur, mais il y en a peu qui vient des États-Unis, parce que le Canada en a déjà beaucoup et compte sur son propre marché.»
À savoir si, au contraire, l’arrivée de produits américains risque de faire compétition aux produits québécois et canadiens, M. Hache n’est pas de cet avis.
«Surtout au Québec, je pense que ça va être dur de mettre des produits américains à la Société québécoise du cannabis (SQDC). Je ne pense pas que les Québécois vont se ruer sur les produits américains. Ils vont préférer les produits de chez eux, c’est comme le sirop d’érable!»
Du côté de la SQDC, on juge qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’impact potentiel d’une légalisation du cannabis aux États-Unis.
«Si cette légalisation se concrétise, il n’est pas impossible qu’une instabilité puisse se ressentir dans l’industrie canadienne, car certains fournisseurs pourraient être attirés par ce nouveau marché, a fait savoir par courriel un relationniste de la société d’État. Toutefois, la SQDC mitige son risque en misant sur un porte-folio diversifié de producteurs à la fois québécois et canadiens.»
Un client entre dans la SQDC, en janvier 2022. Crédit photo : Graham Hughes | La Presse canadienne