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Lundi matin, la défense a pu contre-interroger à nouveau la plaignante sur sa participation à un documentaire sur son expérience dans le système judiciaire.
Dans une procédure pour le moins inhabituelle, le juge Serge Francoeur a autorisé la réouverture d’enquête et le retour de la plaignante à la barre des témoins au procès d’Harold LeBel pour agression sexuelle, lundi au palais de justice de Rimouski.
La défense a reçu des nouveaux éléments de preuve sur la plaignante dont le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’était pas au courant. A donc suivi un contre-interrogatoire de la plaignante, dont l’identité est protégée par un interdit de publication, sur sa participation à un documentaire concernant son expérience dans le système judiciaire.
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La présumée victime s'est justifiée sur sa participation à visage découvert à ce documentaire, alors qu'elle avait soutenu dans son précédent témoignage que l'une des raisons qui l'avait poussé à porter plainte était la protection de son identité.
La plaignante affirme avoir accepté la proposition d’un journaliste pour participer à un documentaire, à condition que cela permette de «démystifier les étapes d’un processus judiciaire». Alors qu’elle ne pensait pas le faire au début dudit processus judiciaire, la plaignante a finalement décidé que cela faisait partie de ses étapes de guérison.
«Je voulais transformer ces deux événements traumatisants (l'agression elle-même et les révélations entourant son identité trois ans plus tard, NDLR) en quelque chose de positif», a-t-elle déclaré.
On lui aurait assuré que le documentaire devait rester dans la confidentialité. La plaignante a aussi souligné que ce long métrage ne porterait pas uniquement sur elle.
Lors du contre-interrogatoire, elle a indiqué ne pas en avoir pas parlé lors de son témoignage parce «la question n’a pas été posée» et n’a aucun rapport avec l’allégation d’agression sexuelle.
Elle a précisé que c'est à la suite de rencontres où on lui avait expliqué que son identité serait protégée par la loi qu'elle était finalement allée de l'avant. Toutefois, lors de l'arrestation de M. LeBel en décembre 2020, certains éléments d'information véhiculés par un journaliste sur les réseaux sociaux dans l'heure suivante avaient permis de déduire son identité, détails qui avaient été largement repris par l'ensemble des médias et un commentateur l'avait même nommée.
«Ç'a été la pire journée de ma vie», a-t-elle affirmé, disant se demander si quelqu'un en position d'autorité allait intervenir pour s'assurer que la loi soit respectée et pour aviser les médias de cesser de publier ces détails.
Sa famille n'a pas tardé à être informée, jusqu'à sa grand-mère qui l'avait appelée pour prendre de ses nouvelles. «Je n'ai jamais autant pleuré de ma vie», a-t-elle raconté.
Par ailleurs, elle a affirmé qu’elle n’a porté plainte qu'en 2020 pour les événements survenus en octobre 2017 surtout parce qu'elle avait peur que sa famille, ses amis, ses proches soient mis au courant.
Voyez le compte-rendu de Laurence Royer au bulletin Noovo Le Fil 17 dans la vidéo.
Pour l’avocat de la défense, Me Maxime Roy, ne pas parler du documentaire lors de son témoignage doit être vu comme un élément additionnel servant à mettre en doute la sincérité de la plaignante.
«Rappelez-vous tous les efforts qui sont déployés pour assurer la confidentialité de son identité. Rappelez-vous qu'au même moment, elle donne des entrevues, elle se fait filmer à visage découvert pour un documentaire», a-t-il soulevé.
Du côté de la Couronne, Me Manon Gaudreault a fait valoir que la décision de la plaignante d'avoir accepté de participer à un documentaire s'inscrit tout à fait dans l'ordre des choses.
«Est-ce que ce n'est pas en lien avec la démarche qu'elle fait depuis le début?» Selon la procureure — et comme l’a déjà dit la plaignante — la pertinence de ce documentaire par rapport à la culpabilité ou l'innocence de l'accusé mérite d'être questionnée.
Le juge Francoeur a averti le jury de ne pas faire de cas du fait qu'on avait rouvert l'enquête pour ces nouveaux éléments. «Cette partie de son témoignage ne doit pas recevoir une considération différente parce que vous l'avez entendu en dernier», a-t-il commenté.
«Les éléments rapportés par le témoin n'ont pas moins ni plus d'importance que le reste de son témoignage. C'est l'ensemble de celui-ci que vous devez apprécier», a aussi rappelé le magistrat aux jurés.
Avant ce revirement de situation, tout était en place pour la dernière étape avant que le jury ne se retire pour délibérer au palais de justice de Rimouski, soit les directives du juge Francoeur. Ces directives ont été repoussées à l'après-midi.
La plaignante reproche à Harold LeBel de l'avoir d'abord embrassée alors que les deux se trouvaient dans son condo à l'automne 2017, puis d'avoir tenté de dégrafer son soutien-gorge avant d'aller se coucher à ses côtés pour se livrer à des attouchements à son endroit durant plusieurs heures dans la nuit.
L’accusé soutient au contraire qu'il y a eu un baiser consensuel entre les deux et qu'il s'est ensuite couché à ses côtés, toujours habillé, puis s'est endormi sans que rien d'autre ne se soit produit.
La semaine passée, l'ex-député de Rimouski a fait entendre sa version des faits et a nié l’accusation d’agression sexuelle qui pèse contre lui. «C’est faux, je n’ai jamais fait ça», avait-il lancé. M. LeBel avait toutefois admis qu’il a embrassé la présumée victime. «Ça, c’est arrivé», avait-t-il raconté devant le jury.
La défense et la Couronne ont présenté toutes leurs preuves dans le procès de l’ex-péquiste Harold Lebel. Mercredi dernier, les avocats ont défendu leurs théories permettant de démontrer au jury si, oui ou non, l’accusé est coupable d’agression sexuelle.
Avec les informations de Laurence Royer et Martin Brassard pour Noovo Info, ainsi que de Pierre Saint-Arnaud pour la Presse canadienne, et la collaboration de Guillaume Théroux pour Noovo Info.