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L'explosion du nombre d'abeilles productrices de miel sur l'île de Montréal pourrait représenter une menace pour les abeilles sauvages.
L'explosion du nombre d'abeilles productrices de miel sur l'île de Montréal pourrait représenter une menace pour les abeilles sauvages, prévient une équipe menée par des chercheuses de l’Université Concordia.
Les abeilles de petite taille dont le rayon de butinage est plus limité seraient particulièrement menacées.
La croissance exponentielle de l'apiculture urbaine dans la métropole se fait sans le moindre encadrement, a déploré l'auteure principale de l'étude, l'ancienne chercheuse postdoctorale Gail MacInnis.
«Actuellement, on peut installer autant de ruches qu'on veut dans la ville, a-t-elle dénoncé. On ne sait pas du tout où sont les abeilles. Ça a explosé dans des quartiers comme Rosemont, où il peut y avoir des centaines de ruches dans quelques kilomètres carrés.»
L’équipe de recherche a comparé des données relatives aux populations d’abeilles collectées à divers endroits sur l’île de Montréal en 2013 aux données recueillies aux mêmes endroits à l’été 2020.
Les chercheurs ont visité 15 lieux montréalais reconnus pour attirer les pollinisateurs. Environ 4000 abeilles capturées en 2020 étaient des abeilles mellifères, comparativement à environ 2200 abeilles sauvages. En revanche, en 2013, les quelque 5200 abeilles capturées aux mêmes endroits provenaient pratiquement toutes de 163 espèces sauvages.
Les chercheurs ont constaté que le nombre d'abeilles sauvages est à son plus bas là où la population d’abeilles mellifères a le plus augmenté au fil du temps. La diversité des espèces sauvages diminuait de manière importante là où les abeilles mellifères étaient abondantes, mais elle restait essentiellement inchangée depuis 2013 dans les zones où ces abeilles étaient moins nombreuses.
Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec calcule qu'il y a maintenant près de 3000 colonies d’abeilles mellifères sur l’île de Montréal, comparativement à seulement 250 en 2013. On retrouve aussi sur l'île environ 180 autres espèces d’abeilles, avec qui les abeilles productrices de miel entrent en concurrence pour des ressources telles que le pollen et le nectar.
«Les abeilles mellifères ne sont qu'une espèce d'abeille, et c'est une espèce qui est introduite et gérée par les humains, a rappelé Mme MacInnis. Toutes nos autres espèces vivent dans la nature et elles ont elles aussi besoin de nectar et de pollen pour survivre. Donc l'introduction de toutes ces abeilles mellifères, qui prennent aussi le pollen et le nectar des fleurs, devient problématique quand elles rivalisent toutes pour les mêmes sources de nourriture.»
Les chercheurs ont d'ailleurs mesuré une diminution du pollen dans les fleurs de trèfle blanc là où les abeilles productrices de miel étaient abondantes.
Les abeilles mellifères sont des bonnes pollinisatrices, a dit Mme MacInnis, mais certaines abeilles sauvages sont encore meilleures, d'autant plus qu'elles ont développé dans certains cas «une relation très évoluée avec les fleurs».
«On pourrait donc influencer la reproduction des plantes en remplaçant les pollinisateurs natifs et naturels avec des abeilles mellifères, a-t-elle dit. Ce n'est vraiment pas fantastique si c'est ce qui est en train de se produire.»
Les problèmes très médiatisés des abeilles mellifères touchent surtout les abeilles qui sont utilisées pour polliniser des récoltes commerciales comme le canola et les bleuets, a-t-elle ajouté, puisque ces abeilles sont déployées dans des environnements agricoles où elles seront davantage exposées aux pesticides.
La multiplication des ruches urbaines n'aide en rien ces abeilles pollinisatrices de récoltes, a souligné Mme MacInnis, «et les gens qui pensent qu'ils sauvent les abeilles se trompent: ils sauvent les mauvaises abeilles».
«Ce sont nos abeilles sauvages qui sont vraiment en déclin à l'échelle mondiale, a-t-elle dit. On peut commander des abeilles mellifères par la poste. On connaît leur biologie tellement bien qu'on peut les reproduire à volonté. Elles sont le poulet du monde des abeilles. Les gens pensent que l'abeille mellifère est menacée, mais ce n'est pas le cas.»
En revanche, on n'en sait pas encore assez au sujet de l'écologie ou de l'habitat d'autres espèces pour être en mesure de les aider, a ajouté Mme MacInnis, dont un grand nombre d'espèces à propos desquelles on ne sait pratiquement rien.
Les conclusions de cette étude sont publiées par le journal scientifique PeerJ.