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Les experts préviennent que la situation pourrait perdurer et devenir la pire sécheresse vue en Europe depuis 500 ans.
La rivière Tille, dans le village français de Lux, n'est plus qu'une tranchée desséchée dont le fond est jonché de poissons morts.
Des réservoirs vides et craquelés de l'Espagne au niveau sans cesse plus bas de grandes artères comme le Danube, le Rhin et le Po, une sécheresse sans précédent touche près de la moitié de l'Europe, endommageant l'économie agricole, entraînant l'imposition de restrictions sur l'utilisation de l'eau, provoquant des feux de forêt et menaçant la faune aquatique.
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Il n'a presque pas plu depuis deux mois dans l'ouest, le centre et le sud de l'Europe. Au Royaume-Uni, un pays typiquement pluvieux, le gouvernement a officiellement déclaré vendredi une sécheresse dans le sud et le centre de l'Angleterre, alors que se poursuit l'un des étés les plus secs et les plus chauds jamais vus.
Les experts préviennent que la situation pourrait perdurer et devenir la pire sécheresse vue en Europe depuis 500 ans.
Les changements climatiques exacerbent la situation, au moment où une chaleur plus intense accélère l'évaporation, que des plantes assoiffées absorbent plus d'humidité et que des chutes de neige plus modestes en hiver limitent la quantité d'eau disponible en été.
On rapporte aussi des conditions de sécheresse dans l'est de l'Afrique, l'ouest des États-Unis et le nord du Mexique.
La Commission européenne a prévenu cette semaine que les conditions de sécheresse continueront de s'intensifier et qu'elles pourraient éventuellement toucher 47 % du continent.
Andrea Toreti, une chercheuse principale de l'Observatoire européen de la sécheresse, a dit que la sécheresse qui a frappé en 2018 était si intense qu'on n'avait rien vu de tel depuis 500 ans, «mais cette année, je pense que c'est bien pire».
Au cours des trois prochains mois, ajoute-t-elle, «on voit un risque très élevé de sécheresse sur l'ouest et le centre de l'Europe, et sur le Royaume-Uni», a-t-elle dit.
La situation actuelle est attribuable à de longues périodes de temps sec occasionnées par des changements à la météo mondiale, a dit le météorologue Peter Hoffmann, de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique, près de Berlin.
«C'est simplement qu'on le ressent davantage en été, a-t-il dit. Mais dans les faits, la sécheresse se prépare toute l'année.»
Les changements climatiques ont amenuisé les différences de température entre les régions, affaiblissant le courant-jet qui transporte habituellement le temps humide de l'Atlantique vers l'Europe, a-t-il expliqué.
Un courant-jet plus faible ou plus instable peut voir de l'air chaud arrivé d'Afrique du Nord s'installer en Europe, générant de longues périodes de chaleur. L'inverse est aussi vrai, et c'est ce qui se produit quand un vortex polaire cause du temps froid loin vers le sud.
M. Hoffmann ajoute que les observations des dernières années tombent dans la fourchette supérieure de ce que les modèles climatiques actuels prédisaient.
La sécheresse a poussé certains pays européens à imposer des restrictions sur l'utilisation de l'eau, et le transport de marchandises est menacé sur le Rhin et sur le Danube.
Le niveau du Rhin pourrait atteindre un seuil critiquement bas au cours des prochains jours, compliquant le transport de biens comme le charbon et l'essence. Sur le Danube, les autorités serbes ont commencé à draguer le lit de la rivière pour que les navires puissent continuer à l'utiliser.
Dans la Hongrie voisine, de vastes secteurs du populaire lac Velence, près de Budapest, ne sont plus que des plaques de boue séchée. De l'équipement d'oxygénation et de circulation de l'eau a été installé pour protéger la faune, mais la qualité de l'eau est maintenant si mauvaise que la baignade est interdite en certains endroits.
Le niveau de la rivière Po, la plus longue d'Italie, a tellement chuté qu'on commence à voir apparaître des épaves qui ont coulé il y a des décennies.
La sécheresse touche aussi le Royaume-Uni, qui le mois dernier a connu son mois de juillet le plus sec depuis 1935, selon l'agence météorologique Met Office. L'absence de pluie a vidé les réservoirs, les rivières et les réserves d'eau souterraine. Les champs sont bruns et desséchés.
On interdit déjà à des millions de personnes d'arroser leurs pelouses et leurs potagers. Quinze millions d'habitants de Londres et de la banlieue devront commencer à faire de même au cours des prochains jours.
La sécheresse nuit aussi aux fermiers, qui pourraient manquer d'eau pour irriguer leurs récoltes et qui pourraient devoir utiliser leur grain d'hiver pour nourrir leurs animaux, en l'absence de fourrage.
Même des pays comme le Portugal et l'Espagne, pourtant habitués à de longues périodes sans pluie, doivent composer avec des conséquences graves. Dans la région espagnole de l'Andalousie, des cultivateurs d'avocats ont dû sacrifier certains arbres pour en empêcher d'autres de flétrir alors que le réservoir de Vinuela, dans la province de Malaga, a chuté à 13 % de sa capacité, comparativement à 55 % il y a un an.
Des fermiers européens utilisent l'eau du robinet pour abreuver leurs animaux, là où les étangs et les ruisseaux se sont évaporés. Ils ont besoin de jusqu'à 100 litres d'eau par jour par vache.
Un rapport de S&P Global Commodity Insights prédit que l'UE produira cette année 12,5 millions de tonnes de maïs de moins que l'an dernier, et 1,6 million de tonnes de moins de tournesol, ce qui réduira la quantité de nourriture disponible pour le bétail.