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Changements climatiques, maladies céréalières, guerres... les fermiers canadiens sont de plus en plus anxieux.
Les fermiers canadiens souffrent de plus en plus du stress à cause des aléas climatiques, des maladies céréalières et même des guerres lointaines. Malheureusement, plusieurs doivent endurer l'anxiété en silence à raison des stigmates accompagnant encore aujourd'hui les maladies mentales, déplorent des experts.
Selon une étude d'Andria Jones, une professeure du collège de médecine vétérinaire de l'Université de Guelph, en Ontario, un fermier sur quatre reconnaît avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Deux fois plus de fermiers ont songé au suicide que la population en général.
La Pre Jones souligne que 75% des fermiers ont souffert d'un stress modéré ou élevé. Le phénomène s'est amplifié à cause des changements climatiques.
«Et malheureusement, les problèmes de santé mentale étaient souvent considérés comme une faiblesse dans. Dans certains milieux, c'est toujours le cas,» ajoute-t-elle.
Le journal Rural and Remote Health a publié en août une étude analysant des enquêtes menées en Inde, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni et identifiant sept causes contribuant au problème de suicide chez les agriculteurs. Sa principale autrice, Rebecca Purc-Stephenson, une professeure de psychologie de l'Université de l'Alberta, énumère certains de ces facteurs: crise financière, isolement, accès à des pesticides toxiques et à une arme à feu, environnement imprévisible.
«Pourquoi le travail des fermiers est-il devenu encore plus stressant? demande la Pre Purc-Stephenson. Nous avons découvert que cela est lié à la culture actuelle et au mode de vie. Être fermier, ce n'est pas comme un boulot normal où on peut retourner à la maison à 17h et ne plus y penser. C'est un mode de vie. C'est une vocation. Votre travail, c'est votre vie. Votre vie, c'est votre travail.»
Une majorité des agriculteurs ressentent la nécessité de demeurer fort, stoïque et autonome devant l'adversité. Cela peut les empêcher à aller chercher de l'aide en cas de besoin. Même si les fermiers apprécient le sens de la communauté dans un secteur rural, souvent cela s'accompagne d'une série de problèmes.
«Ils n'aiment pas montrer des signes de faiblesse, souligne la Pre Purc-Stephenson. Ils n'iront pas se rendre au cabinet de consultation local de peur qu'on voie leur véhicule y être stationné.»
En 2019, un rapport du comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes faisait état des mesures prises dans l'ensemble du pays pour aider les fermiers souffrant de problèmes de santé mentale.
Le soutien apporté pouvait prendre diverses formes, notamment des lignes d'écoute téléphonique, des consultations de professionnels de la santé mentale ou du secteur agricole, du financement de la part du gouvernement fédéral ou des organismes de producteurs agricoles.
«Toutefois, ces initiatives sont insuffisantes. L'accessibilité aux soins de santé mentale est encore limitée dans les zones rurales, les professionnels de la santé connaissent encore mal les spécificités du milieu agricole et les efforts actuels qui visent les agriculteurs ne sont pas concertés à l'échelle du pays», pouvait-on lire dans ce rapport.
Christi Friesen, une fermière de Peace River, en Alberta, se souvient des trois tempêtes de neige qui avaient frappé sa région en octobre 2015, recouvrant chaque fois son champ d'un manteau blanc et l'empêchant de lancer la récolte.
«Je suis restée assise dans mon lit et j'ai pleuré en me tenant la tête, se souvient-elle. J'ai pleuré, pleuré et pleuré. Quelle atroce année!»
Elle dit avoir été chanceuse, car son médecin est venu la voir pour s'assurer que les remèdes nécessaires faisaient effet.
Mme Friesen reconnaît avoir éprouvé «une légère inquiétude» en allant acheter les médicaments. Elle n'est même pas allée à sa propre pharmacie. Toutefois, quand elle a réalisé que les pilules l'aidaient, elle a commencé à s'y rendre.
«J'ai pu m'en sortir. Cette légère marque de confiance de mon médecin m'a aidée à passer au travers.»
La Pre Purc-Stephenson observe toutefois qu'il est de l'intérêt général de s'assurer que les agriculteurs obtiennent toute l'aide nécessaire puisque la croissance démographique accroît la demande en nourriture.
«S'attaquer au problème de santé mentale est une façon de s'assurer un avenir durable au secteur agricole.»