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Lors d'une séance d'information technique, l'équipe de M. Legault a indiqué qu'il se rendait à Djerba pour parler essentiellement d'économie.
Le Québec ne se mêlera pas des affaires de la Tunisie, a annoncé jeudi la ministre québécoise des Relations internationales, Martine Biron.
Elle s’est entretenue avec les journalistes à son arrivée sur l’île tunisienne de Djerba, où se tiendra samedi et dimanche le 18e Sommet de la Francophonie.
La question de l’instabilité politique en Tunisie s’est imposée. «C’est sûr que le président Kaïs Saïed a fait un geste inusité, extrême même en décidant de démettre son gouvernement», a commencé Mme Biron.
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«Mais depuis le printemps arabe, la présidence et le premier ministre, ça ne fonctionnait pas, les deux s’annulaient, alors c’était devenu dysfonctionnel et ingérable.»
«Il a pris une décision importante, mais du coup, il a aussi annoncé des élections démocratiques pour le 17 décembre prochain», a-t-elle ajouté.
La ministre affirme que le Québec a «réfléchi» avant de confirmer sa présence au sommet, «mais un moment donné, tu fais la balance des inconvénients et tu dis: 'Qu’est-ce qui est le mieux?'»
«Si on condamne la Tunisie, c’est un peu comme si on condamnait l’Afrique. (…) C’est une voix du Sud, nous on veut faire affaire avec le Sud, alors on s’est dit: « 'OK, on vient. Pour la santé de l’Afrique'.»
Martine Biron estime qu’il faut «donner une chance à la démocratie» en Tunisie. «Il y a des élections démocratiques qui s’en viennent», a-t-elle insisté.
«Nous, on est ici pour la Francophonie. On n’est pas ici pour le contexte politique de la Tunisie, a-t-elle déclaré. On ne condamne pas, mais on ne salue pas la situation.»
Plus tôt dans la journée, l’Observatoire canadien pour les droits et libertés avait sonné l’alarme en déclarant que la démocratie était «en train de mourir» en Tunisie et qu’il fallait agir.
L’organisme a rappelé en conférence de presse à Ottawa que Kaïs Saïed s’était arrogé en 2021 de vastes pouvoirs et octroyé le droit de gouverner par décrets.
Depuis, des juges ont été limogés, des journalistes, emprisonnés, et le parlement tunisien reste fermé, a énuméré la députée néo-démocrate Heather McPherson.
Le député Haroun Bouazzi, de Québec solidaire, est tunisien d’origine. Il déplore en entrevue «des dérives autoritaires qui commencent à ressembler beaucoup à une sortie du processus démocratique entamé en 2011».
Il souligne que le Québec est un membre à part entière de l’OIF, comme la France et la Suisse, par exemple, et qu’à ce titre, il a le pouvoir d’influencer des décisions, à condition bien sûr qu’il prenne toute sa place.
«On pense que le premier ministre du Québec, François Legault, devrait rappeler au président Kaïs Saïed (…) les obligations qu’il a envers le pacte international relatif aux droits civils et politiques», a-t-il exhorté.
Le député Joël Arseneau, du Parti québécois, ne se berce pas d’illusions: il affirme que le Québec a été «plutôt effacé» au cours des quatre dernières années.
«On ne peut pas dire que le Québec sous la direction Legault se distingue sur le plan international ou fait preuve d’une quelconque autonomie en ce qui concerne ses relations internationales», déplore-t-il.
«Au contraire, il semble avoir fait le pari que ses délégations à l’international et son rôle via le ministère, c’est essentiellement d’être un bureau de développement économique pour le Québec», a-t-il ajouté.
Lors d’une séance d’information technique, l’équipe de M. Legault a indiqué qu’il se rendait à Djerba justement pour parler d’économie.
Le premier ministre québécois devrait livrer un discours dimanche au forum économique francophone. Il voudra également aborder les questions de main-d’œuvre, d’immigration et de protection du français.
Son entourage a par ailleurs lancé «plusieurs perches» à d’autres dirigeants, afin d’organiser des rencontres bilatérales, mais aucune de ces rencontres n’a encore été confirmée.
On peut toutefois s’attendre à ce que M. Legault s’assoie quelques minutes avec le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Une rencontre de travail plus formelle est prévue d’ici la fin de l’année.
Le Sommet de la Francophonie se tiendra en fin de semaine dans un contexte international tendu.
Il ne serait pas surprenant que la guerre en Ukraine s’invite dans les discussions; la plupart des pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont comme seule source de blé l’Ukraine ou la Russie.
«Il va y avoir des questions géopolitiques fort importantes, affirme en entrevue le politicologue Frédéric Boily, de l’Université d’Alberta. Les questions alimentaires du côté de l’Afrique sont pas mal criantes.»
Ce n’est plus un secret que le Canada aurait souhaité que l’événement soit à nouveau repoussé, en raison de la situation politique instable en Tunisie. Il avait été annulé en 2020 et 2021 notamment pour cause de pandémie.
Avec ses 88 États et gouvernements membres et observateurs, l’OIF est la deuxième organisation la plus importante au monde après les Nations unies. Elle célèbre son 50e anniversaire.
Cette organisation est la seule où le Québec est considéré comme un membre à part entière. La province du Nouveau-Brunswick a aussi ce statut parce qu’elle est officiellement bilingue. L’Ontario est membre observateur.
Cette année, la secrétaire générale de l’OIF, la Rwandaise Louise Mushikiwabo, sera la seule candidate à sa propre succession, selon des médias français.