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«Nous craignons que cela n'affecte les services de streaming numérique et ne discrimine les entreprises américaines», affirme une une porte-parole de l'ambassade des États-Unis au Canada, Molly Sanchez Crowe.
L'ambassade des États-Unis au Canada se dit préoccupée par le fait que le projet de loi du gouvernement libéral sur la diffusion en ligne pourrait discriminer les entreprises américaines.
Dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne, une porte-parole de l'ambassade, Molly Sanchez Crowe, affirme que des responsables américains tenaient des consultations avec des entreprises sur la manière dont le projet de loi C-11 pourrait affecter leurs opérétions. «Nous craignons que cela n'affecte les services de streaming numérique et ne discrimine les entreprises américaines», précise-t-elle.
Le projet de loi vise à mettre à jour la loi canadienne sur la radiodiffusion afin qu'elle reflète l'avènement des plateformes de diffusion en ligne telles que YouTube, Spotify et Netflix. Si le projet de loi est adopté, ces plateformes seraient tenues de contribuer à la création de contenu canadien et de le rendre accessible aux utilisateurs au Canada — sous peine de lourdes sanctions.
Le texte a fait l'objet d'un examen approfondi après que des observateurs et des entreprises aient soutenu qu'il laissait trop de place au contrôle gouvernemental sur le contenu généré par les utilisateurs et les algorithmes des médias sociaux.
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Le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui se verrait accorder de nouveaux pouvoirs d'exécution en vertu du projet de loi, a amoindri ces préoccupations lors d'une audience d’un comité sénatorial le mois dernier, bien que certains législateurs aient fait part qu'ils restaient préoccupés par l'imprécision du libellé du projet de loi.
YouTube, qui appartient à Google, a déclaré ne pas craindre d'être davantage réglementé. Mais il a soutenu que le projet de loi ouvrait la porte à une certaine promotion de certains contenus et qu’il donnerait au gouvernement le contrôle de ce que les utilisateurs voient.
En vertu de l'accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, un pays peut contester une loi lorsqu'il estime qu'il fait l'objet de discrimination.
La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a déjà exprimé sa préoccupation concernant le projet de loi, mais n'a pas précisé si son pays y voyait un motif de différend commercial.
La ministre canadienne du Commerce international, Mary Ng, a affirmé que la loi sur la diffusion en ligne est conforme aux obligations commerciales du Canada.
Cependant, Marc Froese, professeur de sciences politiques à l'Université Burman, en Alberta, estime possible qu'une procédure soit lancée contre le Canada. Il rappelle qu’il y a eu un différend transfrontalier auquel le Canada a été confronté il y a 25 ans au sujet de magazines à tirage dédoublé, ou de magazines américains vendus au Canada avec le même contenu mais avec de la publicité canadienne. Le pourcentage de publicités canadiennes qu'ils pouvaient inclure était déjà strictement limité depuis les années 60 et en 1994, le gouvernement a ajouté une lourde taxe d'accise à l'équation.
Le professeur Froese signale que le gouvernement du Canada a voulu ainsi empêcher l'envahissement culturel des Américains. Mais les États-Unis ont contesté la politique par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et ont menacé de représailles en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain de l'époque, l’ALENA.
«Nous avons joué dur et les Américains nous ont poursuivis… et nous avons perdu», de rappeler le professeur Froese.
Le gouvernement libéral de Jean Chrétien a été contraint de reculer, même si certaines restrictions sur les magazines importés ont subsisté. Marc Froese a observé que depuis lors, le Canada at beaucoup appris sur les différends commerciaux et les exemptions culturelles et qu'il est devenu l'un des principaux utilisateurs de mécanismes de règlement des différends sur la scène mondiale.
Pour sa part, Lawrence Herman, un avocat spécialisé dans le commerce du cabinet Herman & Associates, de Toronto, ne pense pas que le projet de loi rencontrera beaucoup plus d'obstacles. «Le gouvernement du Canada fera tout ce qui est nécessaire pour s'assurer que ces mesures soient mises en œuvre de manière parfaitement légitime», selon lui.
Le projet de loi C-11 a été adopté à la Chambre des communes le 21 juin dernier; il attend un vote final au Sénat.