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Société

Climat toxique à l'école Bedford: des mesures présentées au ministre Drainville

«On est tous d'accord pour dire que cette situation ne doit plus se reproduire et qu'elle ne reflète pas ce qu'on veut dans nos écoles.»

Une voiture de police est stationnée devant l'école primaire Bedford, à Montréal, le vendredi 11 octobre 2024. Onze enseignants de l’école Bedford ont été suspendus à la demande de la directrice générale du Centre de service scolaire de Montréal, qui en a fait l’annonce samedi soir dans un communiqué.
Une voiture de police est stationnée devant l'école primaire Bedford, à Montréal, le vendredi 11 octobre 2024. Onze enseignants de l’école Bedford ont été suspendus à la demande de la directrice générale du Centre de service scolaire de Montréal, qui en a fait l’annonce samedi soir dans un communiqué.
/ Noovo Info

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a accueilli vendredi les mesures concrètes, qui ont été proposées par les accompagnateurs mandatés pour régler le climat toxique qui règne à l'école primaire Bedford à Montréal.

«L'école existe pour nos enfants. Elle doit leur offrir un climat sain et sécuritaire. Ce plan d'action nous permet d'agir fortement à l'école Bedford et je suis convaincu que les actions mises en œuvre par le CSSDM ainsi que l'engagement des accompagnateurs contribueront à rétablir la situation», a mentionné M. Drainville par communiqué. «On est tous d'accord pour dire que cette situation ne doit plus se reproduire et qu'elle ne reflète pas ce qu'on veut dans nos écoles du Québec.»

 

Les mesures, qui sont encouragées à mettre en place par la direction de l'école et par celle du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), se regroupent en trois parties: 

  • la compétence des enseignants, plus particulièrement en ce qui concerne l'évaluation de ceux‑ci ainsi que la mise en place de mesures de soutien et d'intervention, notamment en matière de formation continue;
  • le rétablissement d'un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire, à l'abri de toute forme d'intimidation et de violence, avec pour objectif d'assurer le bien-être et la sécurité des élèves et du personnel de l'école Bedford;
  • le bon fonctionnement des instances de gouvernance, principalement de la direction de l'école et du conseil d'établissement, afin que ceux-ci assument pleinement leur rôle et leurs responsabilités dans le meilleur intérêt des élèves.

Jean-Pierre Aubin et Malika Habelm proposent notamment de soutenir les enseignants dans l'enseignement du programme de sciences et dans l'adoption de pratiques de gestion de classe. Accompagner la direction dans son rôle de gestion et favoriser l'intégration des nouveaux membres du personnel font aussi partie de leurs recommandations visant spécialement l'école Bedford.

D'après le ministère, le CSSDM a déjà mis en place certaines mesures à l'école Bedford. Parmi elles, il y a l'arrivée de nouveaux enseignants ainsi que la mise en place de formations et un accompagnement de trois conseillers pédagogiques pour les enseignants. De plus, des ressources de soutien psychosocial sont disponibles en tout temps à l’école autant pour les élèves que pour le membre du personnel, selon le CSSDM. 

«Ce qui s’est passé à l’école Bedford ne doit plus jamais se reproduire. Depuis l’automne, nous avons travaillé sans relâche et renforcé nos mécanismes de contrôle afin de garantir l’environnement auquel nos élèves ont droit», a fait savoir Isabelle Gélinas, directrice générale du CSSDM. «Le plan d’action des accompagnateurs nous permettant d’aller encore plus loin.»

«Notre objectif est clair: utiliser tous les leviers et exercer les pouvoirs prescrits par la loi pour que nous puissions intervenir sans ambiguïté, dès que nécessaire.»
-Isabelle Gélinas, directrice générale du CSSDM

L’an dernier, un rapport du ministère de l’Éducation a dressé un portrait dévastateur de cette école, faisant état d’un climat toxique de peur et d’intimidation imposé par une clique d’enseignants. Onze professeurs ont été suspendus depuis. Le gouvernement avait par la suite déclenché des enquêtes dans 17 écoles pour s’assurer du respect de la laïcité, à la suite de plaintes de nombreux citoyens. De plus, M. Drainville compte déposer un projet de loi pour «renforcer la laïcité dans les écoles».

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«Rien n'est exclu»

Les accompagnateurs ont également proposé des actions supplémentaires visant d'autres écoles publiques à Montréal. Cela porte notamment sur la qualité de l'éducation, du soutien aux enseignants, du leadership des directions, du respect des valeurs culturelles et religieuses, de la gouvernance des conseils d'établissement et de l'utilisation du français. 

Selon eux, les enseignants des écoles québécoises devraient être évalués chaque deux ans par la direction de leur établissement, avec l'appui d'experts indépendants au besoin. Ils qualifient cette recommandation d'objectif à moyen terme, c'est-à-dire qui devrait être mise en place d'ici le 30 septembre 2026, à leur avis.

«Je me suis déjà engagé à légiférer pour renforcer la laïcité dans nos écoles. Leurs observations guideront nos travaux et, je le rappelle, rien n'est exclu», a ajouté M. Drainville par communiqué. «La priorité est le bien-être de nos élèves et on va évaluer toutes les options pour y arriver.» 

Notons que le ministre Drainville vient de recevoir le rapport sur les 17 écoles faisant l’objet d’enquêtes pour de potentiels manquements à la laïcité. «Je suis aussi inquiet que je l'étais», avait-il lâché en mêlée de presse jeudi à l’Assemblée nationale, sans dévoiler le contenu. Le rapport est encore en analyse et devrait être rendu public dans quelques semaines. 

Conventions collectives et ordre professionnel

Dans leur document de 12 pages, rendu public vendredi, les observateurs plaident que «la rigidité et la lourdeur» qui accompagnent l'application des conventions collectives «contribuent, dans certains cas, à prioriser les conditions de travail et l’autonomie professionnelle de l’enseignant.e au détriment d’autres considérations».

Ils soulignent que leur objectif n'est pas de nuire à l’autonomie professionnelle des enseignants, mais affirment qu'il faut également s’assurer de leur imputabilité.

Parmi leurs autres recommandations, on retrouve la possibilité d'intégrer dans la loi l'obligation de parler français «dans tous les espaces de l'école susceptibles d'être fréquentés par les élèves».

Dans le rapport d’enquête sur l’école primaire Bedford, il était noté qu'il était fréquent d'entendre certains membres du personnel parler dans une autre langue que le français dans des endroits comme la salle du personnel, les corridors, les salles de classe et le bureau de la direction.

Les accompagnateurs suggèrent aussi d'ajouter à la loi un article interdisant toute manifestation ou activité d'ordre religieux dans les écoles, que ce soit pendant ou après les heures de classe, et de reconsidérer les avantages et les inconvénients de créer un ordre professionnel des enseignants.

Le travail des accompagnateurs se poursuit jusqu'au 30 septembre prochain. Jean-Pierre Aubin et de Malika Habelm ont désormais la responsabilité de soutenir l'école Bedford et le CSDDM dans la mise en œuvre du plan d'action, en plus de faire un rapport mensuel au ministre.

«Les actions s’inscrivent en droite ligne avec les divers chantiers en cours dans nos écoles. Elles réitèrent que l’intérêt des élèves, leur bien-être et la qualité des services éducatifs doivent primer», a ajouté Mme Gélinas par communiqué. «Nous avons désormais de nouveaux leviers pour nous permettre de faire respecter notre mission.»

Il ne faut pas généraliser, selon la CSQ

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et ses fédérations du réseau scolaire ont réagi également au rapport. Selon eux, il faudra attendre ce que fera le ministère par la suite.

«On va aussi prendre le temps de bien analyser le rapport. Mais la grande question qui nous vient, à chaud, en prenant connaissance ce matin du contenu du rapport, c’est : mais qu’en est-il des mécanismes déjà en place? Qu’en est-il aussi du rôle des directions d’école, de l’employeur? Parce qu’avant d’imposer davantage de nouvelles mesures, il faut se questionner sur ce qui n’a pas fonctionné dans ces cas précis», a fait valoir le président de la CSQ, Éric Gingras.

La CSQ se questionne sur le fait que le rapport propose des solutions généralisées à l’ensemble du réseau scolaire alors que les problématiques sont localisées.

«Le ministre répète qu’il faut protéger les élèves, nous sommes absolument d’accord. [...] Ce n’est pas vrai que ça va mal partout.»
-Éric Gingras, président de la CSQ

Selon le syndicat, les enseignants au sein du réseau font déjà l'objet d'évaluation et de supervision, comme l'exige la Loi sur l’instruction publique. «Si cette évaluation ne se fait pas comme il se doit, c’est faute de temps et de ressources dans les milieux», indique-t-on par communiqué diffusé vendredi matin.

«Qu’est-ce qui fonctionne ailleurs? Bon nombre de leviers et d’encadrements sont déjà en place dans le réseau et il y a des mécanismes de plaintes via le Protecteur de l’élève, notamment. Mais si on n’arrive pas à cibler ce qui a fait défaut et où est la responsabilité, rien ne sert d’en ajouter davantage. Ce serait une fausse solution», a réitéré M. Gingras.

Avec des informations de La Presse canadienne