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La décriminalisation de la possession de petites quantités de drogues illégales pour un usage personnel est devenue une réalité mardi en Colombie-Britannique, mais les utilisateurs et les chercheurs ne croient pas que ce changement aura un grand impact dans l’immédiat, en raison de la prolifération des drogues toxiques.
Le gouvernement fédéral a accordé à la Colombie-Britannique une exemption des lois canadiennes sur les drogues en mai dernier pour permettre aux usagers de drogues de posséder un total de 2,5 grammes d’opioïdes tels que l’héroïne et le fentanyl ainsi que du crack et de la cocaïne en poudre, de la méthamphétamine et de la MDMA, également connue sous le nom d’ecstasy.
À partir de mardi, les utilisateurs ne seront pas arrêtés et ne verront pas leurs drogues saisies par la police dans le cadre d'un projet pilote de trois ans.
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Dean Wilson, qui a commencé à travailler comme animateur pair au B.C. Center on Substance Use en 2017 en tant que consommateur d'héroïne, croit que la décriminalisation est un changement bienvenu pour empêcher les interactions des consommateurs de drogue avec la police.
Cependant, selon lui, cette mesure devrait être accompagnée d'un plan audacieux pour fournir à plus de personnes un large éventail d'options de rechange aux drogues toxiques de la rue, que certains coupent ou contaminent, souvent avec le puissant opioïde fentanyl.
«Ils coupent leur cocaïne pendant cinq minutes, puis ils coupent leur fentanyl sur la même balance et tout d'un coup, il y a du fentanyl sur la cocaïne. Et quand quelqu'un qui n'a jamais pris d'opioïdes prend (quelque chose) qui a eu un peu de fentanyl, ils sont morts», a-t-il expliqué.
Selon lui, un approvisionnement réglementé d'options pharmaceutiques devrait être disponible à plusieurs endroits, dont les clubs de compassion, pour sauver la vie des personnes à risque de surdose mortelle.
«Il n'y a rien qui est sécuritaire, à moins que vous ne testiez votre drogue à chaque fois. Et vous ne pouvez pas le faire si vous êtes un toxicomane actif.»
Insite, un site de consommation supervisée qui a ouvert ses portes à Vancouver en 2003 en tant que premier établissement de ce type en Amérique du Nord, est l'un des rares endroits à disposer d'une machine spécialisée à laquelle les toxicomanes peuvent accéder pour faire analyser leurs substances pour les contaminants, y compris le fentanyl.
Des bandelettes de test de fentanyl à emporter sont également disponibles là-bas et dans des sites désignés pour permettre aux gens de tester leurs drogues en quelques secondes.
Mais malgré ces services, plus de 11 000 personnes ont fait une surdose mortelle en Colombie-Britannique depuis 2016, lorsque la province a déclaré une urgence de santé publique.
Ces décès ont conduit à la politique visant à cesser de criminaliser les personnes qui consomment de la drogue afin de réduire la stigmatisation et qu'elles soient plus susceptibles d'obtenir de l'aide pour une dépendance.
«Si les gens pensent qu'il existe une sorte de corrélation entre la décriminalisation des drogues et la diminution des surdoses entraînant des décès, cela n'arrivera pas», a avancé M. Wilson, âgé de 64, qui suit un programme de traitement à la méthadone depuis mai dernier pour aider à réduire ses envies d'opioïdes, qu'il a dit avoir commencé à utiliser à l'âge de 13 ans.
Les chercheurs et les consommateurs de drogues affirment que le seuil de 2,5 grammes est trop bas pour ceux qui pourraient être contraints à avoir plus de contacts avec les vendeurs sur le marché noir alors qu'ils essaient d'éviter les interactions avec la police. La province a demandé que la limite soit de 4,5 grammes, tandis que la police a demandé un total d'un gramme pour toutes les drogues autorisées en vertu de l'exemption.
Ils disent que la décriminalisation nécessite des soutiens adéquats pour que les gens obtiennent l'aide dont ils ont besoin lorsqu'ils le demandent.
Au Portugal, par exemple, la décriminalisation prévoit divers services sociaux et de réduction des méfaits ainsi que des traitements.
La ministre de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie-Britannique, Jennifer Whiteside, a déclaré que la province avait élargi les programmes de réduction des méfaits et que depuis 2017, plus de 360 nouveaux lits de traitement et de récupération ont été ouverts. Un programme d'approvisionnement plus sécuritaire basé sur des ordonnances a été renforcé en juillet 2020, ce qui est une première au Canada, souligne-t-elle.
Plus des deux tiers des agents de la GRC et des services municipaux de la Colombie-Britannique ont jusqu'à présent suivi une formation sur les aspects de la décriminalisation, qui consistent à distribuer de soi-disant cartes de ressources aux personnes qui consomment de la drogue, a déclaré Mme Whiteside lors d'une conférence de presse lundi.
«La décriminalisation est un changement historique, mais nous savons qu'elle ne résoudra pas à elle seule la crise des drogues toxiques», a-t-elle reconnu.
Mike Serr, coprésident de l'Association canadienne des chefs de police, a déclaré que bien que le groupe plaide depuis longtemps pour la décriminalisation, il craint que l'offre de plus de services aux personnes dans des régions comme le nord de la Colombie-Britannique soit un «défi».
«Ce sont des choses que je vais surveiller et c'est quelque chose que le gouvernement va devoir régler. C'est un élément très important et essentiel de cela», a indiqué M. Serr, qui est également chef adjoint du département de police d'Abbotsford.
La ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett, a souligné que le plan consiste à éloigner les gens du système de justice criminel pour les rediriger vers des services de santé et sociaux. Ces programmes devront donc être intensifiés.
Kora DeBeck, chercheuse au B.C. Center on Substance Use, a déclaré que bien que les 2,5 grammes cumulés soient faibles, le fait que les substances ne soient plus saisies à ce point-ci est une étape positive pour ceux qui pourraient autrement emprunter de la drogue ou de l'argent et s'exposer à la violence ou même endurer symptômes de sevrage douloureux.
«Je décrirais la décriminalisation de la possession de drogue comme un mouvement incroyablement progressiste et important et une reconnaissance que la criminalisation est nocive, a-t-elle soutenu. Cela répond à ce que je considère comme des décennies de recherche qui montrent que la prohibition a été un échec et un désastre.»
Cependant, l'approvisionnement en drogues toxiques est le principal problème entraînant des décès par surdose, a ajouté Mme DeBeck, qui est également professeure agrégée à l'École de politique publique de l'Université Simon Fraser.
«Je pense qu'il est incroyablement dangereux, en fait, de penser que (la décriminalisation) aura un impact sur les surdoses dans l'immédiat», a-t-elle conclu.