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Le coût de renonciation: celui qui n’a pas que très peu de traces immédiates, mais dont l’effet cumulatif sera important sur le reste de notre «durée de vie utile» d’humain.
L’indice des prix à la consommation a progressé de 5,9 % de janvier 2022 à 2023. Derrière cette donnée en voie d’amélioration se cache un impact latent beaucoup plus grand et insidieux que l’évolution des prix: le coût de renonciation.
Celui qui n’a pas que très peu de traces immédiates, mais dont l’effet cumulatif sera important sur le reste de notre «durée de vie utile» d’humain.
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Selon la Banque de développement du Canada :
«Le coût de renonciation (aussi appelé “coût d’option”, “coût de substitution” ou “coût d’opportunité”) est la différence entre l’évaluation des coûts d’un projet par rapport à une autre possibilité à laquelle on doit renoncer pour mettre en œuvre ce projet.»
En somme, si j’achète une maison, j’ai moins d’argent pour investir ailleurs. Si je me paye un voyage, je renonce à investir cette somme dans un placement quelconque, etc. Chaque choix nous pousse à renoncer à une autre option. Nos ressources financières sont limitées, nos opportunités sont plus grandes que notre imaginaire.
L’inflation, la hausse des taux directeurs et toutes les conséquences économiques actuelles augmentent notre coût de renonciation. Disons qu’une famille payait un prêt hypothécaire amorti sur 25 ans d’un montant de 400 000 $ en 2021 (avec au moins 20 % de mise de fonds). Une hausse du coût de financement de 4 % peut représenter pour celle-ci une contribution annuelle supplémentaire tournant autour de 10 000 $ (après impôts) ! Une somme de 10 000 $ net supplémentaires ne servant plus à l’investissement. Ajoutons à cela la hausse de la facture d’épicerie, la hausse du coût des assurances habitation, l’indexation des taxes foncières et scolaires, etc.
Non seulement on perd la capacité de payer les factures habituelles, mais on ajoute le coût de renonciation de ce qu’on aurait pu faire avec cet argent.
Le 30 avril arrive plus vite que l’on pense. À ce moment, de nombreux travailleurs autonomes ayant fermé les yeux sur leurs obligations fiscales auront le choc de la réalité de l’impôt des particuliers. Avec la hausse du coût de la vie et l’urgence de payer certains comptes en souffrance, les acomptes provisionnels négligés ou insuffisants amèneront une facture fiscale salée. En 2023, certains travailleurs autonomes devront prendre des arrangements avec les autorités fiscales pour payer les impôts de l’année 2022, en même temps que les impôts de l’année 2023. La pression financière sera importante et le coût de financement ne sera pas gratuit. C’est le début de la cascade des conséquences.
Le pire dans tout ça? Le taux d’intérêt sur les créances fiscales a aussi augmenté. En janvier 2021, le taux appliqué par Revenu Québec était de 5 %. Il est présentement à 9 %.
Source: Revenu Québec
L’année 2022 a vu l’épargne des ménages perdre de l’importance. Pourquoi? Quand tout coûte plus cher, on coupe dans «le superflu». L’épargne pour la vie future étant parfois vue comme un luxe annuel, on épargne moins. Un autre coût de renonciation.
Qui plus est, quand tout va mal, avant de payer 20,99 % sur le solde de la carte de crédit, on peut avoir le réflexe de vider son CELI. Même principe pour le prêt hypothécaire : quand on renouvelle à un taux environnant les 5-6 %, il arrive que l’on ramène l’idée de paiements anticipés sur le prêt hypothécaire au lieu d’investir en bourse ou ailleurs.
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Ainsi, de nombreux conseillers se feront dire par leur client «cette année, je ne cotiserai pas autant à mon REER». Ce n’est pas une renonciation qui se limite à la déduction fiscale, mais aussi au rendement de cet investissement sur des décennies.
La hausse du coût de la vie et du coût de financement nuiront aussi à la capacité des locataires de contribuer au CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété). Ils ne pourront pas profiter de cet outil d’évitement fiscal, tout à fait légal, annoncé en grande pompe par le gouvernement Trudeau.
Qui paiera le plus pour cette inflation et cette hausse du coût de financement? Possiblement les jeunes adultes autonomes. Ceux qui doivent s’endetter pour financer le prêt de la voiture et le prêt hypothécaire s’il y a lieu. Ironiquement, ce sont eux qui auront le plus gros coût de renonciation en lien avec la situation actuelle. Ils perdront le rendement sur des investissements qu’ils ne pourront pas faire.
Renoncez, renonce, renoncer, c’est la règle de trois de l’année 2023. Le jeune assoiffé de se bâtir un patrimoine vivra peut-être un sentiment de FOMO (Fear of missing out) se voyant dans l’incapacité d’adopter un comportement en adéquation avec l’accumulation de patrimoine.
Le coût de renonciation n’a aucun impact immédiat. Il est possible que des individus ne pèsent pas encore toutes les conséquences futures de voir leur budget contracté. Au nom du maintien de la qualité de vie, on renonce à investir et on baisse les bras.
Plus tard, on entendra Richard Desjardins sous un tout autre angle : «J’aurais dû ben dû donc dû»… cesser de renoncer.