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Devrait-on faire preuve de plus d’ouverture pour ce qui est du RRQ au Québec ? Il n’y a pas de « bonne réponse », mais il y a certainement une réflexion à avoir. L’âge de la retraite, c’est plus que des chiffres.
Le débat sur le report de l’âge de la retraite est une fois de plus relancé dans le cadre d’une consultation publique sous forme d’une commission parlementaire en lien avec le RRQ. Devrait-on le repousser ?
Retraite Québec propose de modifier certaines conditions liées au RRQ. Par exemple, en rehaussant de 60 à 62 ans l’âge minimal où l’on touche ladite rente avec pénalité ou en forçant tous les Québécois à attendre l’âge de 65 ans pour se prévaloir du droit à une rente.
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Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il est parfois trop tentant de se pencher davantage sur la question du droit à la retraite. Quand un gouvernement tente de modifier le moment où le citoyen peut toucher une rente, il se bute à un mur de protestations.
Autant l’opposition en fait un enjeu pour gagner du terrain politique, autant les groupes d’intérêt s’en mêlent. En une journée, tous les acronymes se sont alliés pour soulever le bouclier de l’indignation : PQ, SQ, FTQ, CSN, FADOQ, etc.
On n’a qu’à penser à Justin Trudeau qui s’est fait élire en promettant d’infirmer la décision du gouvernement Harper de déplacer progressivement l’âge de la « retraite fédérale » de 65 à 67 ans. On a alors renforcé l’idée que point d’ancrage historique est immuable.
Devrait-on faire preuve de plus d’ouverture pour ce qui est du RRQ au Québec ? Il n’y a pas de « bonne réponse », mais il y a certainement une réflexion à avoir. L’âge de la retraite, c’est plus que des chiffres. C’est un jeu de nuances, un terme très peu à la mode dans un monde médiatique où l’on cherche à polariser les positions.
Mais qu’est-ce que la retraite ? C’est en termes financiers l’âge où l’on peut être rentier. Le moment où l’on peut vivre de l’usufruit de ses placements ou de l’aide gouvernementale. Quand il est question de son CELI ou de son REER, le citoyen ne demande la permission à personne pour encaisser les sommes. Il en assume le coût fiscal et la renonciation de liquidités futures.
L’enjeu, c’est au niveau de l’aide gouvernementale et les régimes collectifs comme le RRQ. Celui qui est le résultat de politiques publiques. Celui qui vient avec « le droit d’être retraité » selon la collectivité ou le pouvoir en place.
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Au fédéral, on paye la pension de la Sécurité de vieillesse (PSV) en fonction de l’âge et le nombre d’années passées au Canada. Aucun lien avec un droit ou une cotisation du travailleur. C’est de l’aide sociale aux retraités financée avec les impôts perçus au Canada. Il n’y a pas ici de « droit de toucher les sommes épargnées tout au long de sa carrière ». C’est un cadeau de la société aux individus âgés. On a le droit comme société de questionner les conditions liées à ce cadeau. Ça demeure un filet social de base pour retraités.
Source : Gouvernement du Canada
Pour le RRQ, l’argument du droit collectif de décider a ses limites. Pourquoi ? Parce que c’est de l’épargne qui est due au travailleur. Les cotisations des employeurs et des employés génèrent une rente à vie. Ainsi, le travailleur a le droit de questionner les conditions entourant « son régime de retraite collectif ».
Personnellement, si la santé me le permet, je trouverais logique de retarder volontairement le plus possible l’âge où j’accéderai à ma rente du RRQ. Pourquoi ? Regardez le tableau suivant.
La bonification, en tenant compte du risque que l’on peut prendre à cet âge, est très importante : on renonce à du capital durant quelques années pour toucher une plus grande annuité. Je dis souvent « si vous êtes en situation où l’attente est possible, prenez votre temps. » Évidemment, il faut avoir une situation favorable pour le faire.
Note : Ce tableau s’applique aux personnes ayant droit à la rente maximale.
Source : Régimes des rentes du Québec
Les Québécois ne sont pas tous égaux devant l’opportunité de retraite en lien avec le RRQ. Pour plusieurs raisons :
La santé : Un Québécois aux prises avec des maladies graves avant la retraite ou des antécédents familiaux défavorables serait plus enclin à justifier une rente à 60 ans qu’une autre personne dont l’historique familial le pousse à retarder l’encaissement de la rente à 70 ans.
Les ressources financières : Il est facile d’être en faveur de repousser l’âge de la retraite quand on a suffisamment de ressources financières pour assurer ses vieux jours sans bénéficier des prestations anticipées du RRQ. Imaginez une personne qui hérite d’une somme de ses parents, qui a un patrimoine immobilier important et un REER bien garni, elle n’a pas la même pression qu’un travailleur à faible revenu durant 40 ans.
L’aide des conjoints : Les Québécois en couple partagent un risque financier et peuvent avoir des économies d’échelle. Ainsi, les personnes seules sans actif immobilier se retrouvent parfois dans une situation plus précaire les « forçant » à encaisser le RRQ de façon prématurée [avant 65 ans].
La contribution au RRQ enlève beaucoup de capacité d’épargne aux Québécois. Ainsi, en retardant l’âge où il est permis de piger dans le RRQ, on retarderait implicitement le droit du contribuable à avoir accès à ses actifs.
En 2023, le taux de cotisation au RRQ est de 12,8 % sur un maximum des gains admissibles de 66 600 $. La moitié de cette cotisation est versée par l’employeur et l’autre par l’employé. Toutefois, les travailleurs autonomes payent les deux parts. Retarder l’âge du droit de toucher la rente du RRQ, c’est enlever une liberté de choix aux cotisants.
Donc, c’est une question mathématique. La rente du RRQ est le résultat de « ce qu’on mérite » en fonction de ce que l’on a imposé. Chose certaine, il doit y avoir une logique financière soutenable entre les rentes promises à la retraite, les cotisations durant la période active et le rendement obtenu.
On ne peut pas maintenir dans le roc d’une autre époque l’âge auquel on peut bénéficier d’un régime de retraite, si les conditions du calcul changent. À moins évidemment que l’on accepte de voir le taux de cotisation ou les rentes changer de proportions.
Maintenir une position unilatérale inconditionnellement immuable sur l’âge de la retraite est-il logique ? Non. Devrait-on permettre aux Québécois de maintenir une certaine liberté quant au moment où ils peuvent toucher à leurs placements ? Oui.
C’est un débat qui se déroule en zone grise ou des tempes grises.